Samedi 21 Décembre 2024
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12.04.2020
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Quand le vin est tiré, il faut le boire : pour continuer à exister malgré le coronavirus, des dizaines de domaines viticoles de Californie ont lancé des dégustations par vidéoconférence, attirant des amateurs confinés parfois à des milliers de kilomètres.
« Nous avons dû fermer notre salle de dégustation alors que, normalement, le domaine viticole serait rempli de visiteurs en cette période », se désole Valerie Von Burg, copropriétaire de The Wine Foundry. La petite exploitation (11.000 caisses par an) est située dans la Napa Valley, région proche de San Francisco célèbre pour ses vins et qui fut parmi les premières aux Etats-Unis à décréter le confinement pour endiguer la pandémie.
Les domaines viticoles y sont considérés comme des entreprises « essentielles » et autorisés à ce titre à conserver une activité. Mais faute de clients, les ventes sont en chute libre. Pour les exploitants de la Napa Valley, dégustations et restaurants (fermés depuis des semaines) représentent en moyenne 50% du chiffre d’affaires. « C’est difficile. On appelle les magasins pour leur dire qu’on peut encore expédier du vin, mais ils ne prennent rien pour l’instant », déclare à l’AFP Amy Madsen, du domaine Byington.
« Coup dur »
Comme les 4.000 viticulteurs de Californie, Byington Wines et The Wine Foundry cherchent à limiter les pertes en dopant les ventes à distance, avec de grosses réductions sur les frais d’envoi. Mais ils savent que cela ne pourra pas totalement compenser le manque à gagner. « C’est un coup dur pour nous, mais nous n’avons pas l’intention de licencier nos employés. Donc nous essayons de nous montrer très créatifs pour répondre à la situation », lance Valerie Von Burg. « Dès que l’ordre de confinement a été donné, nous avons commencé à cogiter pour savoir comment continuer à faire avec nos clients ce que nous faisons normalement en chair et en os », poursuit-elle.
La réponse « évidente » a été d’organiser des dégustations virtuelles, un exercice auquel les œnologues de The Wine Foundry se livraient déjà dans le cadre de leur programme de vinification « au tonneau », pour le compte d’amateurs éclairés ou de petits producteurs parfois situés hors des Etats-Unis.
La même idée a jailli du côté du domaine Byington. « J’ai travaillé dans la technologie auparavant, et nous avons l’habitude d’organiser des séminaires en ligne pour des clients potentiels (…) C’était assez simple pour nous de mettre ça en place », explique Amy Madsen.
« Langage corporel »
Chez The Wine Foundry, la première dégustation a eu lieu le 3 avril, avec comme maître de cérémonie l’expert maison, Stuart Ake, en direct de son logement via un logiciel de visioconférence. Surprise pour l’exubérant œnologue, parmi les quelque 25 personnes connectées, en majorité des clients fidèles, se trouvent aussi un jeune amateur de Chicago, un couple de l’Ohio, dans le nord-est du pays, et une famille de New York au grand complet.
Au menu : un blanc de blancs 2013 pétillant et un pinot blanc 2018, deux bouteilles que les participants pouvaient au préalable se faire livrer par The Wine Foundry pour mieux profiter des explications et conseils de Stuart Ake, dont la prestation est entièrement gratuite. « Le premier essai a été relativement réussi, avec quand même une marge de progression pour les interactions entre les participants », dit l’œnologue à l’AFP. Pour cet ancien enseignant, le plus dur dans ces dégustations à distance est de « percevoir le langage corporel et les réactions » de son auditoire sur des écrans minuscules.
« J’ai lentement dérivé vers une leçon d’œnologie devant mon moniteur », déplore M. Ake, qui dit avoir déjà trouvé des parades et a « hâte d’être à vendredi prochain ». L’un des participants, Mark Ellenberger, lui-même exploitant viticole en Californie, a beaucoup apprécié la petite heure passée en bonne compagnie. « C’est très amusant. Nous sommes tous plus ou moins coincés à l’intérieur, je pense que chacun apprécie cette sortie, même virtuelle », sourit-t-il.
The Wine Foundry propose aussi des dégustations virtuelles privées, payantes celles-là, pour des anniversaires, des entreprises ou juste pour le plaisir. Si l’engouement se confirme, le domaine envisage même de pérenniser ce service une fois le confinement levé.
Par Laurent Banguet pour AFP
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