Accueil Rhône Nord, la prime à la fraîcheur

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

15.04.2019

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Trop stéréotypé, le viognier de Condrieu ? Trop caricaturale, la syrah de Côte Rôtie ? Think again. Pour ce premier jour de Découvertes en Vallée du Rhône à Ampuis, les vignerons du Rhône Nord démontrent qu’ils savent prendre le virage de la finesse et de la fraîcheur.

Premier jour de Découvertes en Vallée du Rhône, le salon professionnel des vins de la vallée du Rhône qui s’ouvre à Ampuis. Honneur, donc, aux appellations septentrionales, qui n’ont plus rien à prouver en termes de prestige et de notoriété mais souffrent parfois de certaines idées reçues inhérentes aux « grands vins ». Le viognier de Condrieu serait-il trop exubérant, trop aromatique pour les attentes nouvelles des consommateurs ? La syrah de Côte Rôtie est-elle parfois trop bombastique, trop intense, trop boisée ? Ici comme ailleurs, les ruptures de style se font de plus en plus sentir, et les vignerons s’adaptent de plus en plus aux changements des modes de consommation mais aussi aux aléas climatiques. C’est valable aussi bien pour les « stars » qui savent se remettre en question, que pour les domaines qui ont encore beaucoup à prouver. Illustration avec trois pépites dénichées pendant cette première matinée.

Nicolas Badel, bondissant bio

Installé sur 8 hectares entre Limony et Vernosc-Les-Annonay, Nicolas Badel a une trajectoire singulière. Après avoir tenu, dans une « vie précédente », un bureau d’étude en mécanique-tôlerie, il a décidé de se reconvertir dans la viticulture en 1999, créant un domaine à partir de zéro. Sans local, sans vignes, sans formation… il a appris sur le tas, accompagné d’un œnologue, commençant avec des vignes en location, et fournissant ses vins à la coopérative pendant dix ans avant de voler de ses propres ailes à partir du millésime 2010. Désormais bel et bien installé, avec ses propres chais et ses propres vignes, converti au bio depuis 2007, Nicolas Badel défend une approche environnementale et humaine de son métier, mais surtout une méthode peu interventionniste, tout en étant net et précis, de son travail de vigneron. Pas de soufre à la vinification, juste un peu à la mise, pas d’intrants, beaucoup de présence à la vigne, Nicolas aborde son métier avec une forme d’évidence qui se retrouve dans ses vins.
Illustration d’emblée avec son Viognier 2018 (IGP Collines Rhodaniennes), floral, frais, croquant, désaltérant. Une bien jolie entrée en matière à 12,50 € seulement, qui donne le ton de toute la gamme. Saint-Joseph blanc 2017 (100% marsanne, 17,50 €) tout en chair pulpeuse ; Condrieu 2016 (28 €) épatant de délicatesse et d’énergie, juteux et salivant, taillé pour la gastronomie ; Rochegrand 2018 (IGP Collines Rhodaniennes rouge, 100% syrah, 12,50 €), une nouveauté issue de jeunes parcelles granitiques, un joli jus mordant et épicé, tonique, acidulé, à boire sans modération ou presque ; en Saint-Joseph rouge, la cuvée Montrond est une très jolie introduction mais on craque littéralement pour Les Mourrays 2016 (18 €), un vin plein, intense, vibrant, sapide, presque sauvage, avec des notes de tabac blond ; pour finir avec la cuvée « haut de gamme » Intuition, issue de coteaux granitiques exposés Sud, entre un 2016 pulsant, raffiné, racé, et un 2015 plus sensuel, profond, dense et charnu (21 €). Des vins d’une grande finesse, une gamme extrêmement cohérente, à l’image d’un vigneron immédiatement attachant.

Rémi Niero, tout en finesse

Domaine familial établi sur 8 hectares entre les appellations Condrieu (50% de la surface), Saint-Joseph, Côte Rôtie et en IGP Collines Rhodaniennes, le domaine Niero est aujourd’hui piloté par Rémi, troisième génération, qui a pris la suite de son père et de son grand-père en 2004, doublant la superficie du vignoble. Rémi défend une approche toute en finesse et en « digestibilité » des vins du Rhône septentrional. On le constate rapidement avec son Condrieu « Les Ravines » 2017, assemblage de plusieurs terroirs en coteaux sur la colline de Condrieu, signé par un joli nez très floral, une bouche charnue et grasse, assez typique mais tenue par une finale saline très appréciable (30 €) ; toujours en Condrieu, le lieu-dit Chéry 2017 se révèle plus complexe, riche, ample, avec un élevage à 35% en fût, une belle chair onctueuse et un profil très salivant (38 €) ; la cuvée Héritage 2017, sélection des meilleurs lots de Condrieu après élevage, se révèle encore plus intense, épicée, avec un miellé et un « abricoté » caractéristiques, mais toujours de beaux amers sur la finale qui propulsent l’ensemble (45 €) ; en Côte Rôtie, une cuvée Eminence 2017, assemblage de schistes et granits, 95% syrah 5% viognier, bien énergique, tendue, croquante, bien à point (35 €) ; et une cuvée « Vires de Serine » 2016 100% syrah issue de belles terrasses, deux ans d’élevage, un vin dense, gourmand et frais, précis, signé par une texture souple et des tanins très élégants. Une vraie réussite (60 €).

Xavier Gérard, taillé pour la garde

Chez Xavier Gérard, tout a commencé avec le grand-père, qui avait quelques vignes et des arbres fruitiers, puis le père qui a commencé à produire du vin en Côte Rôtie au début des années 1980. Xavier, troisième génération, a pris progressivement le relais entre 2006 et 2012, imprimant doucement sa marque. A la tête de 8 hectares de vignes (4 hectares « historiques » de la famille, 4 hectares en achats et plantations), il produit une gamme de vin très intéressante, où les rouges en particulier, sont taillés pour la garde. Côté blancs, le condrieu L’Arbuel 2017, assemblage de quatre lieux-dits, se présente sur un registre assez typique, très pêche jaune / bergamote / acacia ; le parcellaire « Côte Chatillon » 2017 déploie un crémeux très appétissant, une onctuosité maitrisée, un côté gourmand, à la fois fin et puissant. C’est sur les rouges que Xavier affirme vraiment son style, à commencer par son saint-joseph « Le Blanchard » 2017, très juteux, sanguin, joliment tendu ; cette cuvée intègre 25% de vendanges entières, ce qui donne une signature mordante aux vins mais aussi beaucoup d’allonge, et cela se conforme encore plus en Côte Rôtie : la cuvée classique assemblant quatre parcelles (96% syrah 4% viognier) se déploie sur une belle matière savoureuse et soyeuse, avec une très jolie persistance (32 €)… mais on adore la cuvée La Landonne 2015 ! 100% syrah, avec 90% de rafle dans le vin, trois ans d’élevage, elle affiche un nez dense, profond, subtilement animal, une concentration de grande précision, une très belle acidité, c’est un vin centré, ciselé, racé, tonique, avec une finale joliment mentholée, qui s’inscrit dans un très grand potentiel de garde (118 €).

On a aimé aussi…

– Les vins de Pierre-Jean Villa, toujours précis, justes, généreux et francs, avec un immense coup de cœur pour le saint-joseph rouge Tildé 2016, un cheval de course d’une remarquable énergie (36 €).

– Encore en saint-joseph rouge, la cuvée La Dame 2016 du domaine du Chêne (famille Rouvière), une cuvée vinifiée partiellement en fût puis élevée 24 mois mais présentant une très jolie matière, gourmande et pleine (30 €).

– La gamme « VZR » des vignobles Verzier, présentée sous la forme d’un coffret de trois bouteilles (130 €), un saint-joseph blanc, un condrieu et un saint-joseph rouge, tous trois issus de vieilles vignes, avec des élevages de 24 mois à chaque fois ; un beau trio de vins élégants et précis, en bio, de très belle facture. Le reste de la gamme du domaine est très intéressant.