Dimanche 17 Novembre 2024
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21.01.2021
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Compétitivité, rentabilité des exploitations, qualité, engagement environnemental, œnotourisme… Dans une période tourmentée pour la filière, nous faisons le point avec Stéphane Gabard, nouveau président du syndicat des AOC bordeaux, bordeaux supérieur, crémant de Bordeaux et de l’IG Fine Bordeaux.
Élu le 15 décembre dernier par les membres du Conseil d’administration à la présidence du Syndicat, Stéphane Gabard a la légitimité de l’expérience. A la tête depuis 1999 des Vignobles Gabard, qu’il exploite avec son épouse Paola, il a intégré dès 2000 la commission jeune du Syndicat, puis occupé le poste de trésorier durant sept ans, où il s’est investi dans la commission technique et le contrôle produit.
Pour mémoire, le Syndicat des bordeaux et bordeaux supérieur œuvre pour la gestion, la défense et la promotion des AOC bordeaux, bordeaux rouge, bordeaux supérieur rouge, bordeaux blanc, bordeaux supérieur blanc, bordeaux clairet, bordeaux rosé, crémant de Bordeaux, et de l’IG Fine Bordeaux. Il propose également des services à ses 4711 adhérents, vignerons mais aussi caves coopératives et maisons de négoce.
Stéphane Gabard, quels sont les défis qui se dessinent pour les AOC gérées par le Syndicat, dans un contexte mondial si particulier ?
Il n’y a pas une couleur qui s’en sort nettement mieux qu’une autre, malheureusement. On est dans une période difficile pour toutes nos AOC. Seul le crémant tirait son épingle du jeu ces derniers temps, mais avec la crise sanitaire, les chiffres sont un peu moins bons. Avant l’épidémie de Coronavirus, on était dans une crise structurelle, gommée ces dernières années par les différents incidents climatiques qui se sont succédé, récemment plus sporadiques et locaux que départementaux. A chacun d’eux, on a eu des très petites récoltes, comme en 2013 ou 2017. A chaque fois, cela a permis de retrouver un équilibre de marché entre l’offre et la demande, et d’avoir de bonnes valorisations. Mais en contrepartie, ça a en revanche souvent créé des pertes de position, parce que les prix s’emballaient. Si on a pu jusque-là maintenir un équilibre de marché relatif grâce à ces petites récoltes, à l’heure actuelle, le constat est que notre outil de production n’est peut-être plus en adéquation avec notre commercialisation. Et ce, d’autant plus qu’on rentre dans une crise plus dure, sanitaire évidemment, et planétaire, avec une baisse substantielle de nos volumes en Chine, le Brexit anglais, les taxes Trump aux Etats-Unis, la déconsommation en France… On est persuadés qu’il faut aujourd’hui rééquilibrer notre potentiel de production.
Quelles sont justement les actions envisagées pour tenter de réguler ce potentiel de production ?
On y travaille ardemment depuis un moment avec l’équipe de l’Organisme de Défense et de Gestion. Parmi les différentes pistes, il y a notamment l’arrachage définitif de vignes contre prime. Aujourd’hui, cette procédure est bloquée par les textes européens, mais il faut les faire bouger. On sait que c’est possible, avec l’exemple de la distillation qui n’était plus non plus dans les textes européens et qu’on a pu obtenir au printemps dernier assez rapidement. Le souci, c’est que l’arrachage ne fait pas consensus tant au niveau national qu’européen. Certaines régions françaises sont plus favorables à la distillation qu’à l’arrachage, et en Europe, l’Italie est plutôt contre l’arrachage, l’Espagne et le Portugal plutôt pour. Il y a un travail politique à mener, auquel participent certains élus bordelais.
Le deuxième axe pour tenter de réguler la production, avec de bonnes perspectives pour que ce soit validé, est la possibilité de procéder à une restructuration différée du vignoble. Le vigneron qui prévoit un arrachage et une replantation dans trois à cinq ans seulement, touchera une indemnité pour perte de récolte (IPR) qui se bonifie avec le temps, puis une aide à la restructuration au terme de la période. L’intérêt serait de jouer sur cet IPR pour inciter à décaler les plantations à trois, quatre ou cinq ans, ce qui décalerait d’autant le potentiel de production.
Ensuite, on prône depuis longtemps la mise en place d’une segmentation girondine entre les vins sans Indication Géographique, l’Indication Géographique Protégée Atlantique ou Vin de Pays de l’Atlantique, et les AOC. On est persuadés qu’il y a des marchés pour les vins sans indication géographique (VSIG) ou « vins de France ». Certains négociants bordelais se sourcent ailleurs qu’en Gironde pour faire leurs marques en VSIG. On aimerait essayer de créer une filière d’approvisionnement locale, mais pour ça, il faut mettre en place une régulation de ce marché, car il est largement guidé par l’opportunité. Les producteurs prennent l’option de produire du vin sans IG lorsque les cours sont hauts ou qu’il y a une récolte plus abondante à Bordeaux, mais dès que les cours baissent ou que la récolte est un peu moins bonne, tous les volumes sont redirigés en AOC. Pour créer une vraie filière, il faut pérenniser, donc on est en train de mettre en place avec le négoce bordelais des contrats triennaux avec des bornes de prix.
Enfin, on mène un travail sur l’Indication Géographique Protégée (IGP) Atlantique. Il y a un développement important des IGP en France, qui sont relativement porteuses. L’IGP Atlantique est assez confidentielle, on pense qu’il y a des moyens de la développer avec des profils produits dédiés. Comme pour le VSIG, il faut dédier un style à l’IGP, selon une démarche volontaire et dynamique, et non pas y rediriger ce que l’on ne sait pas vendre en AOC. Les gens demandent des profils avec des qualités et des structures différentes. On essaie de travailler ça au niveau de l’interprofession (CIVB), pour peut-être allouer des budgets pour la valoriser, créer de la communication, de l’événementiel professionnel, afin de la développer. Cette segmentation amènerait aussi de la clarification au consommateur, car on respecterait de nouveau une hiérarchie et une organisation pyramidale. Cela permettrait de redonner de la cohérence pour améliorer la compétitivité des entreprises. Nombreuses sont celles qui, très dynamiques au niveau commercial, fonctionnent bien. Or, en réduisant les rendements pour réguler l’offre de marché comme on le fait actuellement, on pénalise ces entreprises qui ont souvent investi et fait des business-plans sur plusieurs années. C’est dommage, car elles tirent Bordeaux vers le haut.
Outre la régulation du potentiel de production, le Syndicat entend aussi mener des actions sur la partie commercialisation et promotion. Expliquez-nous…
Nous souhaitons remettre les vignerons au cœur de la commercialisation et de la promotion de nos AOC. Beaucoup d’opérateurs ne se mobilisent pas encore pour mettre en avant leurs produits, ce qui est certainement hérité de l’organisation de la filière bordelaise avec les courtiers et négociants. Mais le monde évolue et les clients veulent voir des visages et avoir plus de contacts directs avec le producteur, pour qu’il parle de son vin et fasse rêver par rapport à son savoir-faire. C’est ce qui a été fait l’an dernier avec la tournée de la Saint-Vincent dans les points de vente français. De cette démarche découlent naturellement aussi plus d’actions de terrain pour promouvoir tous les efforts qui sont faits à Bordeaux, notamment environnementaux. Nous sommes une des premières régions de France et d’appellation régionale à avoir mis dans son cahier des charges des mesures agro-environnementales, et on est en pointe sur les certifications environnementales telle qu’HVE. Même si ces certifications ne sont pas parfaites, les gens qui y adhérent font une démarche environnementale volontariste sur leur exploitation. Cela nécessite une prise de conscience et des efforts, il faut le faire savoir.
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