Samedi 23 Novembre 2024
Auteur
Date
09.10.2017
Partager
Arrivé il y a un mois au poste de directeur général de la maison Bollinger, Charles Armand de Belenet a sa feuille de route tracée : assurer la pérennité du style et poursuivre la stratégie de création de valeur. Mais avec des spécificités marketing et digitales. Explications.
Le CV est sans faute ! Originaire de Bourgogne, Charles Armand de Bellenet est un spécialiste du commercial et du marketing. Pendant 20 ans, il a exercé dans de grands groupes en France (Bacardi-Martini, Lindt et Sprüngli, Allied Domecq Pernod France, Martell-Mumm-Perrier-Jouët) et à l’international (Pernod-Ricard Corée). A 46 ans, il entre chez Bollinger comme directeur général, prenant la suite de Jérôme Philipon, nommé en janvier directeur général délégué de la holding SJB, auquel il reportera directement.
Créé en 1829 et toujours familiale, la maison Bollinger réalise 80 millions d’euros de chiffres d’affaires, à 85 % à l’export dans plus de 100 pays. La maison a la particularité de posséder un vignoble propre important (bientôt 178 ha qui couvrent une grande part de ses approvisionnements). Elle est certifiée « Viticulture durable en Champagne » et ISO 14001 sur l’ensemble de la production et des fonctions support.
Propos recueillis par Joëlle W. Boisson et Rodolphe Wartel
Vous avez effectué votre carrière dans des grands groupes internationaux cotés en bourse. Comment intègre-t-on une société très attachée à son indépendance et à ses valeurs familiales ?
Je voulais justement m’orienter vers une maison familiale. D’abord, parce que j’ai acquis la conviction qu’en matière de vins et spiritueux, il faut du temps pour réussir ; on décide aujourd’hui quel vin on veut produire dans 10 ans ; c’est la durée qui permet la performance et l’excellence. Les groupes familiaux apportent cette vision à long terme, la famille Bollinger est impliquée depuis presque 200 ans dans la maison. Ensuite, je cherchais une dimension familiale pour le contact plus direct, plus humain qu’elle intègre. Dernier point, mon objectif est de m’inscrire dans la continuité, je ne suis pas là pour 3 ans, et les groupes familiaux permettent cela. Ce qui est particulièrement agréable aussi, c’est que la maison prend le temps de faire les choses : pour ses vins ; pour former les équipes. Je suis en tandem avec Jérôme Philippon pendant une période qui me permet de faire cette transition en douceur.
Ci-dessous : Charles Armand de Belenet est accompagné sur les fonts baptismaux par Bollinger Rosé 2006, une nouvelle cuvée au tempérament voluptueux et précis, proposée en fin d’année dans un coffret inédit.
Bollinger est une maison qui va bien. Comment allez-vous faire pour qu’il aille encore mieux ; ce n’est pas le rôle le plus facile !
C’est pour cela que l’apprentissage et l’écoute sont indispensables. La maison Bollinger, c’est un mythe. Il y a une culture œnologique unique en Champagne qui s’est construite dans le temps, que ce soit les vins de réserve ou la vinification sous bois. L’objectif est de la perpétuer. Je ne suis pas là pour faire de grands changements mais pour m’inscrire dans la continuité, poursuivre et développer un mix qui fonctionne très bien. La feuille de route, elle est basée sur deux piliers. Le premier, c’est d’assurer la pérennité du style et le deuxième, c’est de continuer la stratégie de valorisation. Maintenant, j’ai un profil qui est très marketing, c’est-à-dire que j’apporterai ma pierre à l’édifice avec une connaissance encore plus pointue du consommateur et de sa relation à la marque. Avec aussi le développement des opportunités digitales qui permettent d’améliorer cette relation.
C’est-à-dire ? Quels sont les leviers numériques que vous comptez mettre en œuvre et comment faire « migrer » Bollinger vers plus de digital ?
Il y a déjà un certain nombre d’initiatives qui existent et qui sont montées en puissance avec des résultats remarquables. Par exemple le Club 1829 qui réunit aujourd’hui 10 000 amoureux de la marque. Lorsque nous envoyons notre newsletter, le taux d’ouverture est de 100 %, ce qui est extraordinaire. Cela témoigne de l’intimité du lien que nous avons avec notre communauté de consommateurs. Le digital va nous permettre d’être plus efficaces dans cette relation, d’améliorer l’utilisation des quantités de données que nous produisons autour des terroirs, des cépages, des vinifications. C’est le moyen d’accélérer la relation avec l’ensemble de nos fidèles dans le monde entier, mais d’un point de vue très intimiste. Et puis le digital permet aussi de développer l’oenotourisme, ce qui est quelque chose d’extrêmement intéressant ; mieux faire connaître notre maison sur nos communautés, que ce soit une visite virtuelle ou une visite physique.
Ci-dessous : depuis 1973, Bollinger est le champagne de James Bond. Une relation qui n’est pas le fruit d’un contrat commercial mais d’une « gentlemen affinity ». Le prochain opus de l’agent 007 est attendu pour 2019.
Alors justement, aujourd’hui Bollinger n’est pas très connu pour l’œnotourisme et on peut rester sur sa faim avec le digital. Il y a-il des velléités de rapprocher Bollinger de ses consommateurs en leur ouvrant aussi un peu plus les portes ?
C’est un travail d’équilibre à trouver pour garder une dimension familiale et intime. Quand on vient pour visiter la maison aujourd’hui c’est uniquement sur prise de rendez-vous et on a une approche très personnalisée ; c’est par tous petits groupes et il y a un vrai échange entre les personnes et l’équipe. Il faut que l’on garde cette caractéristique, mais que l’on s’ouvre sur un certain nombre de nouvelles expériences. Par exemple ce qui s’est passé le mois dernier, où certains membres de notre club qui sont venus et ont assisté aux vendanges.
Bollinger a finalement deux visages très différents : celui de James Bond et celui d’une maison très traditionnelle. Les deux univers sont si différents qu’ils ne communiquent jamais ensemble, peut-on imaginer réconcilier les deux ?
D’abord, il y a un certain nombre de points communs. En particulier, la maison Bollinger a été une des premières à recevoir le Royal Warrant, et c’est bien parce que nous étions servis auprès de la couronne anglaise que la relation a été initiée avec James Bond. Deuxièmement, le marché anglais a toujours été majeur pour nous. Notre champagne possède une touche « british » que l’on retrouve aussi dans le personnage 007. Et puis dans son style, James Bond est un personnage assez charpenté ; il a un côté assez dense et en même temps très élégant et c’est précisément cet équilibre que nous revendiquons sur nos champagnes de grands pinots noirs.
Articles liés