Jeudi 26 Décembre 2024
© Astrid di Crollalanza
Auteur
Date
19.02.2022
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L’auteur de L’Enfant léopard sort en ce début d’année Les Larmes du vin chez Albin Michel. Une autobiographie avec, pour fil rouge, le vin, mais surtout les expériences qu’il crée. Entretien.
Vous avez choisi le vin pour parler de vous. Pourquoi ce choix original ?
Tout est parti d’un discours sur le vin et la littérature que l’on m’avait demandé de prononcer dans le Bordelais. Mais je ne connaissais rien au vin ! J’ai donc appliqué l’adage du conférencier : si tu ne connais pas le sujet, parle de toi. Et ça a fonctionné, cela résonnait auprès du public. Cet épisode s’est réveillé lorsque j’ai été intronisé au Clos Vougeot [lire encadré]. On m’a demandé de parler du vin devant 580 connaisseurs. Encore une fois, je me suis aperçu que le sujet amenait de nombreuses anecdotes. Et qu’en parlant du vin, on se livre davantage.
Vous vous qualifiez de « cancre des cépages», d’« analphabète des appellations ». Pourquoi ce sentiment d’imposture? N’êtes-vous pas plus connaisseur que vous ne le croyez ?
Non, je ne suis pas un connaisseur. Je ne veux pas me présenter comme tel. J’ai eu la chance de côtoyer des amis qui sont de vrais connaisseurs. Lors d’une soirée passée avec des vignerons à Pommard, le maître de maison sortait des bouteilles, et chacun devait se débrouiller pour retrouver de quoi il s’agissait, jusqu’au millésime. Je regardais, et je me taisais ! Ce degré de connaissance, il faut une vie pour pouvoir l’exprimer honnêtement. Je le dis dans le livre : on peut acquérir la langue du vin ; mais chez moi, cela sonnerait faux.
Est-ce aussi une manière de décomplexer vos lecteurs ?
Les retours vont en ce sens ! J’éclaire le rapport au vin d’une manière qui convient à beaucoup : s’autoriser à rester du côté du ressenti, à le vivre d’une manière personnelle. Je ne rejette pas la langue du connaisseur, mais il ne faut pas qu’elle exclue.
Le milieu du vin est-il trop snob ?
Dans le livre, je m’amuse de la fameuse dégustation de de Funès, dans La soupe aux choux. C’est la caricature du vin qui met à distance. Il faut accepter ceux qui y viennent de manière différente, avec leur ressenti, leur histoire, sans les culpabiliser. Je pense notamment aux jeunes, qu’il faut aller chercher. Je crains qu’ils ne se détournent du vin autrement.
Vous parvenez d’ailleurs à associer des souvenirs de jeunesse au vin. C’est que la passion est née tôt chez vous ?
Le vin est venu par la famille, comme souvent. Je viens d’un milieu populaire, j’étais du côté des vins de table. Dans les années 1960, c’était aussi l’émergence d’un nouveau mode de consommation, festif. Chez nous, le kir était un rituel, un moment de partage. En Bourgogne, quand ma mère partait entretenir sa foi dans les églises, mon père et moi allions entretenir notre foie au bistrot d’à côté [rires].
Votre passion pour le vin rime aussi avec modération. N’est-ce pas contradictoire ?
Je cite Virginie Despentes en début d’ouvrage. Comme elle, je ne crois pas à l’ivresse qui inspire. Je pense que cela donne l’effet inverse. J’aime rester au plus près du vin, mais dans une relation amicale, affective, et c’est cela qui me permet d’écrire ce que je veux écrire. Ce que j’aime, c’est l’ivresse de la modération ! Il peut y avoir un très grand plaisir à rester modérer. Le vin teste aussi votre capacité à résister à quelque chose de bon. C’est une crête, avec une tentation des deux côtés, et vous restez sur ce chemin. J’ai constaté que quand on ne veut plus boire, on ne vous regarde pas comme un rabat-joie, ou quelqu’un qui n’y connaît rien au plaisir de la vie, mais comme quelqu’un qui a réussi à « pacifier la bête ». J’ai découvert tout cela en écrivant ce livre.
Prochain discours à Vougeot
Les Larmes du vin prend pour point de départ le discours prononcé en 2015 par Daniel Picouly au Château du Clos de Vougeot, en Bourgogne, à l’issue de son intronisation au sein de la prestigieuse confrérie des Chevaliers du Tastevin. Confrérie qui a, de manière symbolique, convié Daniel Picouly à parrainer son prochain concours des vins de Bourgogne, le Tastevinage. Ce sera le 25 mars prochain au Château du Clos de Vougeot. L’écrivain y prononcera un nouveau discours.
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