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Et Plantation devient Planteray

Planteray Cut & Dry ©DR

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

16.01.2024

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La marque de rhum créée il y a un quart de siècle par Alexandre Gabriel change de nom à l’occasion du lancement de Cut & Dry, un nouveau produit à base de noix de coco infusée.

Plantation devient Planteray. Alexandre Gabriel avait annoncé le changement de nom à l’été 2020 suite au mouvement Black Lives Matter qui avait mobilisé des milliers de personnes réagissant à la mort de George Floyd, afro-américain asphyxié par un policier blanc à Minneapolis. « Le mot ‘plantation’ que j’avais choisi il y a 25 ans pouvait heurté certains consommateurs et aussi certains membres de notre équipe, notamment dans notre distillerie West Indies de La Barbade (WIRD) qui emploie 80 personnes. Quelques-unes se souviennent encore du passé esclavagiste d’un de leurs aïeux. Nous voulions rester un grand spiritueux associé à une image de plaisir et qui ne puisse être une référence douloureuse pour qui que ce soit ». Car en Amérique latine, le mot plantation ne signifie pas seulement une ferme associée à une culture ; la connotation évoque automatiquement un modèle colonial et une organisation économique et sociale basée sur une main d’œuvre d’esclaves. La marque qui, selon Drinks International, s’est hissée à la troisième place des rhums les plus vendus dans le monde, ne pouvait prendre le risque de heurter une partie de ses consommateurs.

Restait à retrouver un nom qui conserve l’ADN et les valeurs de la maison. Après avoir phosphoré plusieurs mois sur le sujet a donc émergé le nom phonétiquement proche de Planteray. Il rappelle certes la plantation mais aussi la plante matière première du rhum, la palmeraie et les rayons du soleil, indissociables de la production de la canne. Si le choix s’est opéré assez rapidement, c’est la protection du nom sur les 120 marchés de la marque qui a pris le plus de temps. « Le remplacement sera progressif car l’entreprise ayant anticipé la crise des matières sèches, nous n’entendons pas jeter un an de stocks d’étiquettes et de bouteilles » précise Alexandre Gabriel. Mais le nouveau nom trouvera sa place dans les prochaines semaines sur les nouveaux produits et millésimes mais aucune recette ne changera.  

A. Gabriel ©F. Hermine

Un nouveau rhum à base de cocos infusées
Ce sera le tout nouveau rhum de la maison à base de noix de coco infusée 100% en provenance de La Barbade qui portera la marque ombrelle Planteray. Il a été baptisé « Cut & Dry ». Ce nom fait référence au process de distillation à partir de matière première fraîche rapidement séchée. Il rappelle également une expression anglaise, « cut and dried », signifiant quelque chose de bien cadré, clair et net, « ce qui correspond  parfaitement à notre produit » souligne le fondateur. Ce nouveau rhum est un produit « upcycling » des noix de coco. L’idée est née il y a quatre ans de trouver un moyen de recycler toutes les noix jetées après en avoir prélevé le jus [Alexandre Gabriel avait déjà lancé en 2016 un rhum en distillant des écorces d’ananas] « Avec Don Benn, le maitre distillateur de WIRD, on a mis longtemps à trouver le moyen de préserver l’aromatique. Quatre ans plus tard et après 97 formules, nous avons fini par comprendre avec l’aide de fermiers locaux qu’il fallait cueillir le fruit très mûr quand il tombe tout seul de l’arbre. Nous devions utiliser ensuite très vite la chair avant qu’elle ne fermente pour la faire macérer dans des cuves en bois avec un rhum de mélasse distillé à La Barbade ». 

L’entreprise a en parallèle travaillé avec le programme de soutien des Nations-Unies aux fermiers locaux pour planter les meilleures variétés, établir des contrats avec les cultivateurs, étoffer et pérenniser la filière. Car le produit, initialement créé pour le marché local, a remporté un tel succès qu’Alexandre Gabriel a vite songé à l’exporter, dans une vingtaine de pays pour commencer, d’abord aux Etats-Unis, en France, en Grande-Bretagne… Sachant qu’une noix de coco permet d’élaborer un litre de rhum, qu’un cocotier ne produit qu’au bout de quatre ans et qu’on ne commence à récolter 150 noix par arbre qu’au bout de huit ans, il a fallu organiser la chaîne d’approvisionnement. 

Le lancement du Cut & Dry a par ailleurs été associé la semaine dernière à la remise en fonctionnement dans la distillerie West Indies du plus vieil alambic Rockley, qui dormait depuis au moins 60 ans sur le parking. La bécane au col « trompe d’éléphant » et chapeau de cuivre date de 1780. Alexandre Gabriel, passionné de vieux alambics comme d’autres de voitures de collection [il a créé la fondation Ferrand pour sauvegarder le patrimoine matériel et immatériel du rhum et du cognac] s’est mis en tête de lui redonner tout son lustre. Ce qui a nécessité 2000 heures de travail de restauration à un chaudronnier charentais avant qu’il ne produise à nouveau du rhum barbadien.