Lundi 16 Décembre 2024
Auteur
Date
03.12.2019
Partager
Le champagne, la maroquinerie et le roquefort bientôt deux fois plus chers aux Etats-Unis ? Washington a menacé de surtaxer une ribambelle de produits emblématiques en représailles à la taxe française sur le numérique, relançant les hostilités avec Paris dans cet épineux dossier.
Sur la liste des produits révélée lundi par les Etats-Unis, et qui pèsent l’équivalent de 2,4 milliards de dollars, figurent de nombreux fromages dont le roquefort, les yaourts, le vin pétillant ainsi que des produits cosmétiques comme le savon, le maquillage et les rouges à lèvres, ou encore les sacs à main. Le représentant américain au Commerce (USTR) estime être en droit d’imposer sur ces produits des tarifs douaniers additionnels pouvant aller jusqu’à 100% si Paris ne renonce pas à sa taxe sur les entreprises du numérique. Pour Washington, celle-ci cible « injustement » les mastodontes américains, les Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon).
L’annonce de l’USTR, qui fait suite à une enquête ouverte en juillet dernier, doit encore recevoir l’aval du président. L’imposition de tarifs douaniers punitifs sur les produits français – qui s’ajouteraient à d’autres surtaxes sur le « made in France » déjà décidées par les Etats-Unis en raison d’un contentieux autour de l’avionneur Airbus – ne pourra pas intervenir avant la mi-janvier, à l’issue d’une période de consultations.
Mais Paris n’a guère attendu pour réagir: « C’est inacceptable », a tonné mardi le ministre français des Finances Bruno Le Maire, qui a souhaité une « riposte forte » de l’Union européenne.
« Jamais »
Cette dernière « agira d’une seule voix », a affirmé mardi un porte-parole de la Commission européenne. L’exécutif européen laisse la porte ouverte : l’UE – qui jusqu’ici a échoué à serrer les rangs autour d’une taxe européenne sur le numérique – cherchera à engager « immédiatement des discussions avec les États-Unis sur la manière de résoudre cette question à l’amiable ».
Lundi, avant l’annonce américaine, Bruno Le Maire avait déjà prévenu que la France ne renoncerait « jamais » à sa taxe, qui impose les géants du numérique à hauteur de 3% du chiffre d’affaires réalisé en France.
Ce dispositif doit rapporter à l’État français quelque 400 millions d’euros, une somme qui peut sembler dérisoire – Apple a par exemple annoncé il y a un peu plus d’un mois un bénéfice annuel de plus de 55 milliards de dollars. Mais cela n’empêche pas la taxe française de semer depuis le début la zizanie entre Paris et Washington.
Emmanuel Macron et Donald Trump avaient pourtant semblé enterrer la hache de guerre lors du dernier G7, en donnant à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) le mandat de négocier un vaste accord international sur la question épineuse de la fiscalité du numérique.
Les grands noms de la tech se voient régulièrement reprocher de ne pas payer leur juste part d’impôt, grâce à des montages d’optimisation qui leur permettent de transférer leurs bénéfices vers des États à faible fiscalité.
« Elles sont à nous »
Après avoir soutenu la quête d’une solution internationale, l’administration Trump, plutôt connue pour critiquer les négociations multilatérales quel que soit leur objet, aurait selon la France et la Commission européenne d’ores et déjà pris ses distances avec le projet mené par l’OCDE.
Le président américain, depuis Londres où il participe à un sommet de l’Otan, et où il doit s’entretenir avec son homologue français, a d’ailleurs exprimé clairement son objectif.
« Je ne suis pas nécessairement amoureux de ces entreprises (du numérique) mais elles sont à nous, ce sont des entreprises américaines, je veux les taxer, ce n’est pas la France qui va les taxer », a-t-il dit. Ni la France ni un autre pays, d’ailleurs. L’administration Trump a également indiqué lundi qu’elle envisageait d’ouvrir une enquête à l’encontre de l’Autriche, de l’Italie et la Turquie pour déterminer si leurs taxes sur le numérique menacent les entreprises américaines.
Côté français, les menaces américaines faisaient souffrir mardi les valeurs du luxe à la Bourse de Paris. LVMH – qui vient de mettre la main sur le joailler américain Tiffany – ainsi qu’Hermès ou Kering étaient dans le rouge à la mi-journée.
Inquiétude aussi pour le syndicat agricole français FNSEA, qui a demandé à ne pas être « pris en otage » du conflit autour du secteur numérique. Les Etats-Unis sont le premier débouché des vins et spiritueux français.
Articles liés