Dimanche 24 Novembre 2024
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16.04.2021
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L’urgence climatique, c’est aussi la lute contre le gel. L’épisode récent de ce début avril nous rappelle que les productions agricoles sont menacées mais que l’emploi dans les propriétés l’est aussi. Chacun de ses exploitants aura eu à cœur de mettre en œuvre, dans des conditions difficiles, des moyens de lutte contre ce fléau.
1. L’Aspersion. L’objectif est d’établir un équilibre eau-glace autour des organes végétaux afin de les maintenir à 0°C. C’est un procédé assez efficace quel que soit le type de gel. Parmi ses avantages, il est non polluant et automatisable. Mais il demande une ressource en eau conséquente et son déclenchement s’avère parfois délicat, avec une possibilité d’asphyxier les sols, et de lessiver les désherbants ou les fertilisants. En outre il peut accroître l’érosion des sols et il est assez couteux en entretien et en main d’œuvre. Coût entre 8000 et 14 000 €/ha.
2. Le Brassage de l’air. Le principe est de réchauffer l’air froid, plus dense, situé au niveau des bourgeons, en le mélangeant à de l’air plus chaud présent plus haut, à quelques mètres à peine, là où se trouvent les pâles de l’éolienne. Le gain thermique est généralement de 1°C, et de 3°C si ce brassage est combiné avec un chauffage d’appoint. Les avantages sont nombreux : peu de main d’œuvre et de surveillance, protection jusqu’à des températures de -4°C, déclenchement automatisé, non polluant (si l’on exclut la pollution sonore). Mais ce brassage est peu efficace, voire inefficace, contre le gel d’advection (une masse d’air froid, sous le point de congélation, envahit la région. Ce gel d’advection donne la gelée noire lorsque la végétation que le vent endommage prend un aspect noirci. C’est celle que la France a connue en ce début d’avril 2021). Il est inefficace contre les fortes gelées (-6 à -7°C). En outre le bruit est important, pouvant occasionner des plaintes de la part du voisinage. Le brassage n’est efficace que si le vent a une vitesse inférieure à 8 km/h. Enfin, il faut considérer l’impact sur le paysage. L’implantation d’éoliennes fixes dans un paysage classé semble impossible. Leur prix reste assez élevé : 40 000 € pour 5 ha avec une tour fixe et 47 000 € pour 5 ha avec une tour pliable. 30 000 € pour 4 ha avec une tour mobile et pliable.
C’est ainsi que Philippe Raoux du château d’Arsac (cru bourgeois exceptionnel à Margaux), veut protéger son vignoble en appellation Margaux. « On a gelé 3 fois en 5 ans : les hivers sont de plus en plus doux. Nous avons commencé à réfléchir pour nous équiper dès 2017, après le gel. Nous avons acheté cette année 2 deux tours fixes, pour qu’elles couvrent chacune 4 ou 5 ha. Notre projet, c’est un plan d’investissement pluri annuel, pour monter le parc jusqu’à 8 ». Et l’on devine l’investissement considérable que cela va demander à 50 000 € HT la tour installée. Des tours qui ont « déjà tourné 5 nuits cette année » pilotées par un déclenchement automatique relié à une station météo. Olivier Bonneau, le directeur-œnologue a des nuits difficiles, inquiet dès que la météo annonce du froid. Il est averti sur son portable via les stations météo disséminées sur le terroir : 5 stations météo dont 2 reliées aux 2 tours et à l’application smartphone. Et pour le moment « malgré le déclenchement automatique des éoliennes, je choisis de me lever et de surveiller le fonctionnement ». Et les ventes de matériel ont explosé. Brice Morandi de RN7 indique que « depuis deux trois ans il a vendu une centaine de machines par an. La croissance se situe entre 20 à 25% par an sur les tours et pour les chaufferettes cette année, c’est du 200% ».
3. La protection par chauffage. Elle peut se combiner avec les tours (éoliennes). Il s’agit de réchauffer l’air par divers moyens. Parmi ceux-ci on citera les méthodes qui fonctionnent aux énergies fossiles (fuel ou gaz) qui ont une très bonne efficacité (jusqu’à -9°C avec un temps sec) mais M. Morandi de RN7 précise que « l’on ne peut pas réchauffer l’air en énergie fossile si l’exploitation est certifiée HVE3 ». L’autre avantage est son automatisation (allumage électronique). Mais la veille nocturne est nécessaire, et le dispositif peut être polluant (fuel). Le coût se situe entre 8 000 à 14 000 €/ha. Les chaufferettes (aux granulés par exemple) quant à elles « couvrent tout ce que ne peut pas couvrir une tour, elle est adaptée au parcellaire » nous dit Brice Morandi de RN7. Enfin, les bougies, que l’on aura vues en quantité au milieu des vergers et des vignes : elle permettent un gain de 2,5°C mais il en faut de 350 à 400/ ha. « C’est ce que nous avons mis en œuvre » précise Frédéric Faye le General Manager du château Figeac. Quant aux bottes de paille, il s’agit de créer un voile opaque pour limiter le réchauffement trop rapide au lever du soleil (effet de loupe) et limiter le rayonnement du sol. Son avantage est son faible coût mais il faut de la veille. Frédéric Faye voit d’autres inconvénients : « il faut du vent qui soit dans le bon sens. S’il n’y a pas de vent la colonne de fumée monte verticalement et ne se répand pas au dessus de la vigne, comme un écran protecteur. De plus, il faut arroser la botte pour faire de la fumée épaisse. Et on ne trouve pas la paille comme cela, facilement. Une bougie dure 10 h, et vous pouvez l’éteindre quand vous voulez, une botte de paille qui brule c’est plus difficile de l’éteindre et de la réemployer ». Et il faut ajouter la pollution visuelle et olfactive, la manutention et la veille nocturne nécessaires.
4. Les autres moyens. Il en reste peu. La bactérie antigel. Il s’agit de combattre une bactérie qui serait en partie responsable du gel des végétaux par une autre bactérie. « Essais en cours, mais pas d’efficacité prouvée ». Et puis les fils chauffants. Frédéric Faye du château Figeac avoue éêtre en veille sur les moyens de lutte contre le gelé et ces fils chauffants l’intéressent, au même titre que les machines existantes ou la création de machines innovantes comme en propose Climakiwi, un spécialiste des alarmes de détection des gelées printanières qui, sous la pression des producteurs et eu égard à ses compétences, a mis au point une machine intelligente et mobile, qui entre d’elle-même dans la vigne, et qui fonctionne de manière autonome en déclenchant son mécanisme d’éolienne que si les capteurs judicieusement positionnés en périphérie (pas sous le vent des pâles) enregistrent des paramètres utiles : « il n’y a aucun intérêt à ce que la machine fonctionne si les valeurs sont inadéquates » nous dit son concepteur Denis Peridy, et qui ajoute que c’est « une machine qui fait beaucoup moins de bruit, et qui est entièrement de production française ». La merveille s’appelle DS Eole (en référence à la voiture DS dont Denis est amoureux). 15 machines qui tournent déjà.
C’est la mobilisation contre l’urgence. C’est ainsi qu’une initiative a été prise par 3 CUMA de Gironde (Coopérative d’Utilisation de Matériel Agricole) et la chambre d’agriculture de la Gironde pour créer un évènement. Il s’agit de rassembler les distributeurs de matériel de lutte contre le gel au lycée agricole de Montagne Saint-Emilion, ce 16 avril 2021 : une foire d’exposition, complétée par la venue de quelques experts sur la question du gel qui seront là pour répondre aux intéressés. Les CUMA, elles, achèteront un matériel qui sera partagé par les utilisateurs selon le capital qu’ils auront versé et la surface déclarée : un dispositif intéressant eu égard le coût des matériels. Et une règle d’utilisation qui semble ne pas poser problème, même lorsqu’il y a urgence (et dans des situations de gel, il y a urgence) : les CUMA ont de l’expérience et des règles d’utilisation bien établies.
L’avenir de la lutte contre le gel s’annonce ouvert, le chantier est immense et les investissements très importants. Il s’agit de la survie d’exploitations qui, sans production, vont connaître d’importantes difficultés économiques et risquent de mettre au chômage une partie de la main d’œuvre qu’elles emploient. Les inconvénients générés par cette lutte (fumée, nuisance sonore) demande une indulgence de la part des riverains que le climat social tendu actuel rend difficile. Espérons que les progrès de la technologie qui s’annoncent feront que cette lutte soit mieux perçue.
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