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Henriot : Guillaume Deglise dévoile sa feuille de route

© Champagne Henriot

© Champagne Henriot

Auteur

Yves
Tesson

Date

13.05.2024

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Alors qu’à la suite du rachat par le groupe TEVC (Nicolas Feuillatte), Guillaume Deglise a pris la tête de la maison Henriot depuis quelques mois, celui-ci nous dévoile son parcours, sa vision et les premiers éléments de sa feuille de route. Un domaine que vous pourrez aussi découvrir le 25 mai prochain à Champagne Tasting, au Palais Brongniart.

Qu’est-ce qui vous a amené à mener une carrière dans le vin ?
Je suis d’origine lorraine, j’ai toujours voulu travailler à l’export, l’opportunité m’a été donnée d’intégrer Bollinger juste après mes études de commerce en Bourgogne. Cette maison où je suis resté cinq ans a été pour moi une école, qui m’a inspiré beaucoup des valeurs que je cultive encore. Le discours était très centré sur le vin. Même si James Bond buvait notre champagne, ce n’était pas à nous de le dire ! Voilà pourquoi aujourd’hui je suis aussi à l’aise avec la communication du champagne Henriot où on aime aussi parler de nos terroirs, du choix de tel cru plutôt qu’un autre, de notre histoire…. J’ai travaillé ensuite dix ans chez Laurent-Perrier, avant d’être approché par Vinexpo à Bordeaux. La mission était très excitante. Vinexpo était sur le déclin. Il s’agissait de retrouver une dynamique, changer l’image du salon, convaincre à la fois les visiteurs et les exposants de retrouver le chemin de notre événement à Bordeaux et de les emmener aussi en Asie. Contrairement à la Champagne, où on est toujours sur des temps longs, dans le monde des salons, on sait qu’à telle date, les portes s’ouvrent. On travaille donc en permanence sur des rétroplannings pour être sûr que le jour J tout est en place, impeccable. Même si je restais dans le monde du vin, avec l’opportunité extraordinaire d’être en contact avec toutes les propriétés et tous les acheteurs, c’était un autre métier. Il fallait aussi sélectionner des halls, la moquette, mener des réunions avec les taxis de Bordeaux, les hôteliers, la mairie… 

C’est vous qui avez conduit Vinexpo à quitter Bordeaux pour Paris…
La décision a été lourde. Après deux éditions de Vinexpo à Bordeaux, en 2015 et en 2017, nous avons réussi à remonter, mais pas au point de retrouver le leadership. À la fin de l’édition 2017, j’ai indiqué à l’actionnaire et au conseil de surveillance que la seule solution pour atteindre nos objectifs était de délocaliser le salon européen. Il fallait un lieu neutre. Cela devait nous permettre de réunifier le vignoble français. De plus en plus de vignerons et de négociants ne voulaient plus venir car ils avaient l’impression de nourrir par leurs investissements un vignoble en particulier sans vraiment pouvoir profiter de la fête. Avec les équipes, j’ai porté ce projet qui a été très contesté à Bordeaux, puisqu’on déplaçait un événement majeur de la ville. Deux visions s’affrontaient, l’une symbolique et émotionnelle, l’autre stratégique qui était assez évidente. Ce choix est apparu très politique, je n’y ai pas survécu, j’ai dû quitter l’entreprise un an plus tard. Après un bref passage chez Albert Bichot en Bourgogne, je suis revenu à Bordeaux, juste après le lock down du covid, pour travailler pour Barons de Rothschild. Ma partie était axée sur les domaines extérieurs à Bordeaux que l’on expédiait principalement vers la Chine. Cela m’a permis d’analyser en profondeur ce marché, qui malgré le covid continuait à fonctionner.

Dix ans après votre départ de la Champagne, maintenant que vous êtes revenu, qu’est-ce qui vous frappe, qu’est-ce qui a changé ?
Il y a malgré tout une certaine stabilité. Ce que j’observe cependant, c’est la place prise par les vignerons stars, ils ont investi une portion de la Champagne qui est nouvelle, avec une communication différente à tel point que l’on voit des négociants s’y adapter, parler de parcellaire, de soléra. Le discours est devenu plus technique, plus précis et peut embarquer un public non seulement de connaisseurs, mais aussi d’amateurs qui ont envie de découvrir ce qu’il y a derrière la bulle. Le monde coopératif a lui aussi changé. Certaines marques qui en sont issues ont pris des positions. C’est clairement le cas de Nicolas Feuillatte. Elles sont davantage présentes à l’export. De manière général, d’ailleurs, le marché français a beaucoup reculé en lien avec une extinction des premiers prix en Grande Distribution qui s’est faite au profit du développement de l’appellation à l’export. Il faut davantage compter enfin avec la concurrence d’autres vins effervescents qui savent désormais créer de la valeur. 

Quelle est votre feuille de route pour le champagne Henriot ?
Nos équipes ont eu année 2023 difficile, elles ont traversé deux ventes coup sur coup. J’ai trouvé d’abord important de beaucoup communiquer avec elles, de les écouter. Aujourd’hui, elles sont très motivées et ont l’esprit plus léger, on part avec une nouvelle dynamique et des fondements sûrs. J’ai aussi rencontré tous nos partenaires livreurs, qu’il importait de rassurer sur la volonté du nouvel actionnaire de conserver l’autonomie du champagne Henriot, celle-ci étant aujourd’hui totale, que ce soit dans les approvisionnements, les choix œnologiques d’Alice Tétienne, ou notre organisation commerciale. Pour le reste, il est clair que notre vision n’est pas celle de l’actionnaire précédent, le groupe Artémis, qui dès le moment où il a repris avait déjà décidé qu’Henriot ne resterait pas au sein du groupe. Notre politique commerciale va forcément changer. La distribution du champagne Henriot bénéficiait de son association au sein du groupe à deux maisons de Bourgogne, dont il était le complément, ce qui nous ouvrait des portes. Nous devons aborder le marché d’une autre façon, mais c’est aussi un avantage, désormais nous sommes à 100% sur la marque. L’idée que le champagne Henriot puisse voler de ses propres ailes est tout à fait nouvelle. Nous avons aujourd’hui une bonne base et une très belle image sur le marché français, mais il faut continuer à développer l’export, nous sommes à 60%, le bon équilibre serait 65%. Notre distribution est exactement conforme à ce que l’on souhaite, centrée sur la gastronomie et les cavistes de haut niveau. Notre répartition est plutôt bien équilibrée entre, dans l’ordre, le Japon, les US, le UK et l’Italie. Mais il y a encore beaucoup de marchés que nous n’avons pas vraiment abordés, même limitrophes comme la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, l’Espagne.

La Maison des Aulnois offre un cadre magnifique à Pierry, avez-vous des projets oenotouristiques ?
L’idée n’est pas de l’ouvrir au grand public. Ce sera toujours un lieu pour les amis de la Maison, les partenaires, il fait partie de l’histoire d’Henriot et de son avenir, tout en nous permettant d’être ancrés dans le vignoble ce qui a pour nous beaucoup de sens, car notre discours aujourd’hui est très axé sur la vigne.

Quelle cuvée vous a le plus tapé dans l’œil chez Henriot ?
J’aime beaucoup le Brut souverain, qui est très connecté à notre histoire puisqu’une part de l’assemblage est constitué avec cette soléra débutée en 1969. Le blanc de blancs a aussi une place spéciale, il a une expression bien à lui, différente des blancs de blancs traditionnels très minéraux et cristallins, ici on est davantage dans la générosité, le charnu. Je trouve enfin remarquable dans notre gamme la place occupée par le millésimé. En Champagne, il est souvent écrasé entre le brut sans année et la cuvée spéciale pour laquelle on déploie toute une communication. Il est vendu en général 20 à 30 % plus cher que le BSA, mais sans que le consommateur perçoive réellement l’avantage. Chez nous, ce n’est pas le cas, son tirage est important, cela vient peut-être de notre ancienne proximité avec la Bourgogne, et nous tenons toujours à faire de chaque sortie un événement.