Lundi 18 Novembre 2024
©Benjamin Vigliotta
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Date
29.11.2022
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Il s’appelle Pierre Casenave et cet enfant du Sud-Ouest a choisi l’exil de la Champagne pour les beaux yeux de la Veuve Clicquot. De retour exceptionnellement sur sa terre natale, l’œnologue sera présent à Bordeaux Tasting, samedi 10 décembre à 13h30, pour présenter lors d’une Master Class, la quintessence du savoir-faire de la marque jaune : la cuvée La Grande Dame…
Si aujourd’hui vous êtes un pur champenois, ici à Bordeaux, vous n’êtes pas un inconnu…
Je suis très content de revenir dans les terres où j’ai fait mes classes. Mon père est médecin, mon frère aussi. Sans conviction, j’ai donc fait dans cette belle ville des études de pharmacie avant de m’apercevoir que j’étais plus intéressé par tout ce qui avait trait à la vigne. D’où le choix du sujet de ma thèse de pharmacie sur la chimie du vin. A ma grande surprise, il a été accepté. Il est vrai qu’on était à la grande époque des articles sur le vin et la santé… Puis je suis parti faire mon DNO à Montpelier, en réalisant mes stages à Bordeaux. J’ai beaucoup voyagé, en particulier en Afrique du Sud et aux Etats-Unis, avant de rejoindre finalement la Maison Veuve Clicquot. Jacques Peters, le chef de caves aujourd’hui décédé, cherchait un œnologue formé à l’extérieur de l’appellation. Mes connaissances sur les vinifications en rouge l’intéressaient et l’une des premières tâches qu’il m’a confiées a été la gestion de la cuverie de Bouzy sous la supervision de Cyril Brun.
La Master class que vous présentez est consacrée à La Grande Dame, une cuvée qui a connu des évolutions…
Dominique Demarville, lorsqu’il a pris la suite de Jacques Peters, lui a donnée une nouvelle orientation. Avant 2008, nous étions sur un équilibre de 2/3 pinot noir, 1/3 chardonnay. Dominique a voulu renforcer la place du pinot noir en s’appuyant davantage sur les pinots noirs du Nord de la Montagne, plus ciselés et fins, sans toutefois se figer sur l’objectif de faire un pinot noir absolu, préférant, comme toujours chez Veuve Clicquot, laisser la dégustation faire foi, d’où ces proportions sur 2008 et 2012 où il reste environ 10% de chardonnay. Ce changement, perpétué par notre chef de caves actuel Didier Mariotti, nous a amenés à modifier légèrement le dosage en passant de 8 g à 6 g pour tenir compte de la puissance et de la texture qu’apporte le pinot noir. Ce qui est fabuleux avec La Grande Dame, c’est que lorsque vous la faîtes déguster à l’aveugle, les gens ont du mal à croire qu’il y a une telle proportion de pinot noir. L’influence de la localisation sur la face Nord l’emporte presque sur le variétal. Le pinot noir a ici l’élégance d’un chardonnay, avec cet aspect minéral et citronné...
Nous allons déguster un jéroboam de La Grande Dame 1990, un flacon exceptionnel…
Il fait partie de mon panthéon. Il a tout ce que j’aime dans les vieux vins, en particulier ce côté presque barriqué alors même qu’il n’a jamais vu de bois. Le vieillissement a apporté cette touche empyreumatique que l’on peut retrouver dans les chauffes des fûts bordelais. J’adore cet aspect fumé, mais aussi ce côté cave au bon sens du terme. Je n’aime pas utiliser l’adjectif complexe que je trouve passe partout, mais ici, nous avons effectivement les trois familles d’arômes.
Vous nous présenterez aussi le coteau rouge Clos Colin de Bouzy, qui sert à l’assemblage de La Grande Dame Rosé….
On parle souvent de la subjectivité du goût. Néanmoins, si je fais déguster à un simple groupe d’amateurs nos vingt cuves de rouge, la majorité choisira le Clos Colin. Rien qu’au niveau de la couleur, l’intensité est extraordinaire sans parler des maturités exceptionnelles que l’on obtient sur cette parcelle bénéficiant d’un sol sableux posé sur le substrat de craie. Elle a frôlé en 2018 les 14 degrés ! Lorsque nous vinifions pour le rosé sans année, nous avons tendance à soutirer avant la fin des fermentations pour éviter une extraction trop importante et ce côté herbacé que cela peut apporter, en sachant que compte tenu du climat plus froid, nous n’avons pas des pépins aussi bruns que dans le Bordelais. Mais quand il s’agit du rouge destiné au millésimé et à La Grande Dame, nous cherchons au contraire davantage d’extraction. Nous soutirons donc plus tard. Nous sélectionnons aussi des raisins plus mûrs, sur des parcelles exposées plus au sud. Enfin, nous ajoutons davantage de rouge à l’assemblage, soit environ 15 % contre 12 % dans le non vintage. Il faut en effet anticiper le vieillissement et donner au vin la structure nécessaire à ce voyage, tout en sachant que la couleur aura tendance à s’étioler avec le temps. Cette concentration ira jusqu’à donner des notes de fruits noirs. Les Bourguignons adorent d’ailleurs La Grande Dame Rosé, parce que dès le nez, on a cette expression qui « pinote ».
Sur La Grande Dame rosé 2012, auriez-vous une recommandation d’accord ?
Moi qui suis du Sud-Ouest, j’aurais tendance à recommander une bécasse. Mais la cuisine japonaise est aussi très adaptée, un sashimi de thon ferait merveille. Vous pouvez même aller vers des choses simples, comme un vieux comté. Dans La Grande Dame Rosé, il y a le côté rosé mais on sent également le terroir, on peut donc oser les champignons. A Bordeaux, au restaurant Le cochon volant, je me souviens avoir dégusté des calamars aux girolles, l’accord pourrait être très intéressant. Enfin, si on veut rester dans l’esprit « Garden Gastronomy », pourquoi ne pas tenter une tomate farcie à l’aubergine fumée ?
Il est encore temps de prendre votre entrée à Bordeaux Tasting ainsi que votre place à la master class Veuve Cliquot, le samedi 10 décembre à 13h30, en cliquant sur ce lien.
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