Jeudi 26 Décembre 2024
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04.05.2023
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En Champagne, on parle volontiers des Maisons. Les châteaux, eux, renvoient plutôt à l’univers bordelais. Il existe toutefois une exception : le château de Bligny et ses trente hectares sis sur la Côte des Bar. Si on y a restauré dans son fameux clos la tradition des cépages oubliés, il s’agit également d’un domaine qui se veut à la pointe de l’innovation et que l’on ne manquera pas de venir découvrir le 13 Mai prochain au Palais Brongniart à l’occasion de Champagne Tasting.
Avant de devenir l’un des quartiers les plus bobos de la capitale, le XIème arrondissement était au XIXe siècle un fief ouvrier. On y trouvait de nombreux ateliers artisanaux dissimulés dans les grandes arrières cours. C’est dans l’une d’elles qu’est installé le loft privatisable du chef coréen Pierre Sang. Un lieu que tout prédisposait à accueillir le déjeuner de presse du Château de Bligny, une pépite elle aussi bien cachée au fin fond de la Côte des Bar, rachetée en 1999 par la famille Rapeneau.
Cette dynastie qui officie depuis cinq générations dans l’appellation a acquis une remarquable expertise, consacrée récemment par l’élection de Christophe Rapeneau à la Présidence de l’Association viticole champenoise, un organisme créé en 1898 en charge de la recherche collective. A l’heure où de nombreuses menaces pèsent sur le vignoble champenois, cette responsabilité n’a rien de symbolique : « Le réchauffement climatique nous incite à chercher des cépages à débourrement plus tardif pour éviter les problèmes de plus en plus récurrents liés au gel printanier. Il s’agit aussi d’obtenir des variétés résistantes au mildiou et à l’oïdium pour ne plus avoir besoin de traiter, comme l’exige par exemple les nouvelles ZNT. Nous avons autorisé cette année le voltis dans le cahier des charges de l'appellation, mais nous avons 400 autres cépages en cours d’expérimentation. C’est un travail de longue haleine incontournable pour préserver notre avenir. Pour autant, il ne doit surtout pas s’opérer au détriment de l’excellence du champagne. Les nouveaux cépages devront donc être encore meilleurs à la dégustation que le chardonnay, le pinot noir et le meunier. Dans les essais que nous avons effectués sur le voltis, on s’aperçoit qu'il est un peu différent du chardonnay, mais qu’en association avec lui, le résultat obtenu est supérieur ! A la fin du XIXe siècle, c’est le phylloxéra qui a été à l’origine de la création de l’AVC, aujourd’hui nous vivons une épidémie qui lui ressemble par bien des aspects, celle de la flavescence dorée. Elle aussi est remontée en Champagne depuis le Sud et exige de notre part une prospection annuelle afin d’arracher systématiquement les plants contaminés. Par ailleurs, nous ne gagnerons qu’en jouant collectif avec les autres appellations. Nous nous sommes donc groupés avec le Beaujolais et la Bourgogne pour monter la nouvelle serre Qanopée à Oger afin de disposer d’un milieu stérile pour fournir des pieds mères indemnes. »
Un président se doit de montrer l’exemple. Le Château de Bligny n’hésite donc pas à mettre en œuvre les dernières innovations promues par l’AVC. C’est ainsi que la famille vient de replanter au lieu-dit Beauregard deux hectares en vignes semi-larges. « Elles sont moins gélives parce que les pieds sont plus hauts. La suface du feuillage est plus restreinte ce qui permet de réduire la quantité d’intrants. La largeur offre la possibilité de passer avec des tracteurs classiques plutôt que des tracteurs enjambeurs, plus coûteux et moins stables. Quant au personnel, il peut tailler ou vendanger debout, sans avoir à se baisser ou s’asseoir. Il y a aussi moins de pieds à tailler, au point de gagner trente pourcents sur la main-d’œuvre. Les seuls inconvénients ? L’échaudage, des rendements inférieurs de 5 % et un système de conduite qui s’adapte bien au pinot noir et au chardonnay, mais guère au meunier qui dès que l’on monte devient beaucoup moins productif. »
Reste à déguster dans les années à venir les cuvées qui en seront issues, en espérant conserver la magnifique minéralité qui fait tout le charme des champagnes du château, apportée par le fameux calcaire kimmeridgien de la Côte des Bar. Nous avons été éblouis par le rosé, dont la nouveauté cette année est de sortir également en magnum (4000 en tout qui viennent d’être mis sur le marché). Les 12 % de vins rouges sont issus de l’année de base et non de vins de réserve, l’idée étant de préserver au maximum le fruit. Un vin qui fait merveille sur le Ragoût de petits pois, kimchi, œuf parfait, pickles d’oignons rouges de Pierre Sang, sa belle acidité venant trancher le gras de l’œuf tandis que les notes de pamplemousse rose relèvent le côté végétal des petits pois.
Prix Magnum Grand Rosé : 80 €
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