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Jean Dujardin : « J’aime me laisser porter par la découverte »

Jean Dujardin dans le cadre somptueux du château Lafite Rothschild.

Jean Dujardin dans le cadre somptueux du château Lafite Rothschild. Millésime 2009 dans le verre, la star oscarisée de « The Artist » a profité d’un instant loin des projecteurs pour parler vin, cinéma, famille et copains. ©Mika Boudot

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

11.09.2024

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Après Douglas Fairbanks, Tyrone Power, Guy Williams, Alain Delon et Antonio Banderas, c’est au tour de Jean Dujardin de se dissimuler sous le masque de Zorro dans une série coscénarisée par Benjamin Charbit lancée le 6 septembre sur la plateforme Paramount+, avant une diffusion sur France 2 en décembre. Nous l'avions rencontré en 2021 au moment de la sortie du troisième épisode de la série "OSS 117" ou il s'était prêté au jeu de l'interview, dans le Médoc où il garde de nombreuses attaches familiales. Entretien.

Vous avez des origines à Lesparre par votre mère, une maison à Soulac près de l’estuaire de la Gironde. Cela représente quoi, pour vous, le Médoc ?

Cela représente presque 49 ans de ma vie : ma vie d’enfant, ma vie de vacances, ma vie de famille… C’est la région où mon grand-père maternel, venu des Pyrénées, s’est installé pour acheter une ferme, j’ai encore des cousins ici… Je suis pétri de souvenirs dans cette région, cela me constitue : de grandes balades à vélo, jusqu’à Saint-Estèphe, j’ai travaillé avec mon oncle dans les vignes, fait les vendanges… Et puis on allait jusqu’à la côte, se planquer dans les dunes à Montalivet. Ce n’est pas pour rien que j’ai choisi de revenir dans le coin ; j’ai eu un temps une maison dans le Gard, puis je suis venu à Soulac car j’aime tellement cette côte. Je m’y sens bien, tranquille. C’est amusant car quand on parle du Médoc, les gens ne savent pas toujours le localiser, et c’est très bien comme ça.

En ayant passé une partie de votre enfance dans le Médoc, difficile d’ignorer les vignes…

Le vin, c’est vraiment la partie de mon père. Depuis tout gosse, je l’ai vu faire des allers-retours, visiter des châteaux, aller à Cos Labory, faire des verticales, tester des cuvées avec des copains. Il a même fait ses propres assemblages, au château La Caussade. Sa passion lui est venue quand il a rencontré ma mère, il s’est plongé dans le monde de la viticulture – mon grand-père, mon oncle faisaient du vin, mon cousin continue d’en faire – et ça ne l’a pas quitté. 

Quelle éducation au vin – et au goût – avez-vous reçue ?

Mon éducation, c’était surtout de grandes tablées familiales, y compris l’été par de grosses chaleurs : des plats qui tiennent au corps, des flageolets, des daubes, des entrecôtes aux sarments du Médoc. On était quatre garçons, il fallait nous nourrir ! Donc c’était généreux. Côté vin, quand j’étais jeune, bien sûr j’étais curieux de goûter, enfin surtout de chercher l’ivresse. On allait taper dans la cave de mon père, et le challenge avec mes frères était de trouver le code à quatre chiffres pour y accéder. On prenait surtout n’importe quoi, pourvu que ça accompagne bien nos repas jusqu’à la sieste, mais mes frères aînés avaient déjà quelques repères en la matière. On a dû lui piquer quelques trucs pas mal… 

Ce que je retiens, c’est que mon père nous a éduqués avant tout à reconnaître un bon vin. On savait ce qui était bon, parce qu’il nous amenait avec lui dans les chais, et parce qu’il a veillé à ce que l’on ait un bon palais. Les émotions sont venues surtout après, progressivement, en prenant de l’âge.

Aujourd’hui, quel consommateur de vin êtes-vous ? Que trouve-t-on dans votre cave ?

J’ai une toute petite cave, à vrai dire. Cela ne m’intéresse pas trop de faire l’écureuil, j’ai trop vu mon père garder beaucoup de vin et je lui ai toujours demandé « Mais qu’est-ce que tu vas faire de tout ce vin ? » J’ai quelques bonnes bouteilles que je garde en réserve, mais sinon j’aime aller chez un caviste et me laisser faire, me laisser porter par la découverte, que ce soit du bordeaux, du bourgogne ou un vin d’une autre région. Alors j’aime faire durer, ouvrir une bouteille et la savourer sur deux ou trois jours. Parfois il y a des périodes où je ne bois pas de vin pendant trois semaines… Je n’aime pas les habitudes, et je veux surtout être surpris. Même pour les fêtes de fin d’année, je vais tester de nouvelles choses, et on verra bien si ça rassemble, si ça plaît. Je suis aussi devenu amateur de cigares, et j’aime bien comparer ce plaisir avec le vin : ce n’est pas compulsif, on le déguste, on prend son temps, on savoure, c’est un moment que l’on s’octroie.

Avez-vous des souvenirs de tournage liés au vin ?

Pour « Le Bruit des glaçons », de Bertrand Blier, où mon personnage passe tout le film avec une bouteille de vin blanc à la main, c’est bien sûr du thé que je buvais, pas du vin ! Mais sur le tournage, Blier nous faisait arrêter à 17 h pour faire des pauses apéro-bouffe obligatoires, avec du pain, du pâté… Comme on tournait dans le Gard, j’ai même réussi à faire boire de la carthagène à Albert Dupontel, qui normalement ne boit pas.

Cela vous dirait d’investir un jour dans un vignoble, comme Brad Pitt ou votre ami George Clooney ?

Non, je préfère avoir une vie calme. J’aime beaucoup mon métier, mais j’aime aussi en sortir. Être un peu en veille, profiter de ma famille, me recentrer sur l’essentiel. Mon grand luxe, c’est de ne pas tourner tous les jours, de passer plusieurs mois sans être sur un plateau. Alors je zone, je flâne, je lis, je cours, je me promène dans la forêt… Je ne voudrais pas avoir, en plus de mon métier d’acteur, à gérer un vignoble ou une production d’huile d’olive. Cela me priverait de ma liberté, et ma plus grande liberté c’est de faire des choix, que j’espère exigeants. Aller vers des univers totalement différents, des comédies, des drames, des films de genre. Sans répondre aux attentes des autres ni jamais cachetonner pour maintenir mon train de vie. Je suis très attaché à la découverte, au fait d’aller dans des endroits que je n’ai pas encore traversés, vers des émotions que je n’ai pas encore ressenties. Faire le pari de dire « oui » à un mec qui a fait deux films. Pour cela, il faut que je garde ma liberté, et tant que je peux me regarder dans le miroir, tant que je peux me dire que je me suis réinventé et que je n’ai pas trahi le public, c’est le principal. 


Entretien en intégralité à retrouver dans notre numéro de novembre 2021