Mercredi 18 Décembre 2024
Judith Cartron et son champs de cassis sur la droite ©F. hermine.jpg
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12.07.2024
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Judith Cartron qui a repris depuis 2008 les rênes de la liquoristerie de son aïeul au cœur du vignoble bourguignon, ne cesse de développer l’entreprise et souhaite lui offrir une reconnaissance internationale au sein, désormais, du groupe Hayot.
La cueillette de cassis bat son plein en Bourgogne malgré une année hétérogène en termes de maturité. Chez Julien Thibault, la machine s’active entre les rangs enherbés. 50 hectares de champs de cassis à arpenter pour récolter les petites billes noires dans des caissettes vertes. Le grand-père de Julien était déjà cassissier pour compléter ses cultures de céréales dans la plaine entre Beaune et Nuits Saint Georges. « Aujourd’hui c’est l’inverse car ces dernières années les petites exploitations ont disparu à défaut de pouvoir mécaniser et d’être rentables ».
Les Thibault sont partenaires depuis trois générations d’une autre entreprise familiale de la région, la liquoristerie Cartron, qui élabore notamment la crème de cassis depuis cinq générations. Le Noir de Bourgogne est le choix du roi, le cultivar (variété) préféré de la maison nuitonne malgré son faible rendement. « Car il a une incroyable puissance aromatique, insiste Olivier Beutin, directeur de la production. Nous avons pu le sauvegarder en mécanisant la récolte il y a une trentaine d’années avant que n’arrive la concurrence des pays de l’Est ». Le Noir de Bourgogne représente environ 70 % de la production de cassis de la région. Aujourd’hui, tous les acteurs de cette filière bourguignonne (producteurs et transformateurs) sont regroupés depuis huit ans dans une association régionale qui réfléchit en collaboration à l’évolution de la variété, en particulier au regard du réchauffement climatique et de l’arrêt des pesticides. « On ne la trouve qu’en France, insiste Judith Cartron, cinquième génération à la tête de la liquoristerie. Il est primordial de la préserver en réfléchissant à des hybrides plus résistants aux gelées de printemps et aux canicules tout en préservant ses qualités. On se penche aussi sur la replantation des friches fleuries et des haies disparues avec le remembrement mais qui abritent les polinisateurs ».
Le cassis, liqueur phare historique de la maison créée en 1882 représente toujours 20% des ventes. Chez Cartron, les fruits sont macérés 4 à 6 semaines dans l’alcool de betterave, plus neutre que l’alcool vinique, pour en extraire le parfum et la couleur avant d’infuser dans le pressoir. « Que du fruit et du sucre dans l’alcool, le reste est une question d’équilibre » souligne Olivier Beutin. Avant le phylloxera qui a mis à genou les producteurs, on comptait environ 300 hectares de cassissiers. On en dénombre actuellement 900 produisant environ 1500 tonnes par an. À partir de l’entre-deux-guerres, le grand-père de Judith commence à développer la liqueur à l’international et dès les années 60 prend le train de la Grande Distribution. Son fils Xavier déploie des agents multicartes sur tout le territoire dans le circuit sélectif. Judith accélère avec lui la diversification des parfums et abaisse le taux de sucre des recettes pour suivre l’évolution du goût des consommateurs. « Nous avions repris l’entreprise sur le tard avec mon père, lui a 50 ans venait de la direction financière de grandes entreprises et moi à 38 du retail de la mode et de la déco (Habitat, Kélian). Cela nous a aidé à prendre du recul et a initié le changement : la mécanisation de la production, de nouveaux packagings pour mieux intéresser notamment le monde du bar ».
La liquoristerie s’est d’abord spécialisée dans les fruits rouges (cassis, framboise, cerise, mûre) avant d’élargir la gamme sur la pêche, le triple sec, la célèbre eau-de-vie de poire William qui vieillit au grenier dans les 1500 dames jeannes de verre enrobées d’osier, marcs, ratafias, puis tous les fruits et plus tard, vermouth, chocolat et thés. À ce jour, la gamme ne compte pas moins de 70 références. « Pour des arômes comme les liqueurs à base de thés ou de miel, nous avons été précurseurs, souvent à la demande des mixologues, et pour d’autres comme le sureau et les vermouths, nous avons été plutôt suiveurs mais en essayant d’améliorer la puissance aromatique avec toujours le goût comme maître mot ». Cartron réalise désormais 35% de ses ventes à l’international (Etats-Unis, Australie, Dubaï, Grande-Bretagne, Pays de l’Est…). Chaque marché a ses préférences : cassis, pêche, framboise aux USA, triple sec, curaçao, pomme verte, à Dubaï, abricot et triple sec en Australie, bergamote en Grèce… En 2024, la maison a organisé son premier concours international de cocktails Unexpected Cartron Tour parrainé par le chef Philippe Etchebest et dont la finale s’est tenue dans l’enceinte du prestigieux Clos de Vougeot à quelques rangs de vignes de la maison.
Au vu du développement de l’activité, il a fallu pousser les murs de la maison historique toujours basée au cœur de Nuits-Saint-Georges. Un entrepôt de 3800 m2 va être construit à la sortie du village pour fin 2025 afin de regrouper le stockage et la logistique de tous les produits en fabrication et en distribution, ceux de Spiribam, la branche spiritueux du groupe Hayot (rhums JM, Clément, Arcane…) qui a racheté Cartron en 2021. Il abritera également d’une « vraie boutique » à 3 mn de la sortie d’autoroute.
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