Lundi 23 Décembre 2024
Laurent Combier, Jean-Michel Gerin et Peter Fischer ont refermé un chapitre de 25 ans à la tête du Domaine l'Infernal ©F. Hermine
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06.11.2024
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Alors qu'ils ont revendu le domaine l'Infernal (Tarragone) à la famille Belondrade, Laurent Combier, Jean-Michel Gerin et Peter Fischer, alias le Trio Infernal, reviennent pour nous sur leur folle aventure catalane de 25 ans qui les a menés jusqu'au titre de meilleur vin rouge d'Espagne.
La famille Belondrade a vendangé pour la première fois le vignoble de L’Infernal qu’elle a acquis l’an dernier. Didier, pionnier des blancs espagnols élevés en barriques et qui possède déjà un vignoble dans l’appellation Rueda (La Seca), l’a acheté pour son fils Jean afin d’augmenter la part de rouges de l’entreprise familiale. Mais le domaine est devenu mythique grâce à un trio infernal d’autres vignerons français : Peter Fischer du château Revelette, Laurent Combier et Jean-Michel Gerin des domaines éponymes.
L’aventure a évidemment commencé autour de quelques verres. À l’occasion de la création de l’association Rhône Vignobles, les trois compères vignerons prennent langue et se découvrent une vision commune de leur métier. Mais aussi une envie d’aller chercher, hors leurs murs, un grand terroir pour élaborer un vin ensemble. Ils le trouvent lors d’un voyage découverte en 1997 dans le Priorat en Espagne, au nord-ouest de Tarragone.
Pendant cinq ans, ils arpentent les différents climats, dégustent des dizaines de vins, visitent des vignerons emblématiques : René Barbier du clos Mogador, Alvaro Palacio de la bodega éponyme, Luis Perez du mas Martinet, Daphné Glorian du clos Erasmus… « Quand on s’est lancé dans l’aventure, on avait des petits domaines qui nous laissaient le temps de faire autre chose » avoue Peter Fischer. Ces escapades épicuriennes forgent l’amitié et en 2002, l’association d’explorateurs décide de faire l’acquisition de quelques arpents à Torroja del Priorat, en appellation Rueda, entre 300 et 600 m d’altitude. Ils baptisent cette terre promise Trio Infernal qui deviendra plus tard le domaine l’Infernal.
« On a commencé le chantier des plantations autour d’une vigne centenaire de carignan, raconte Peter Fischer. Il a fallu créer des terrasses et se familiariser avec la viticulture en pente. » Pour ça, les vignerons ont avec eux le magicien des coteaux, Jean-Michel Gerin.
Ce dernier apprivoisait déjà depuis des années le vignoble pentu de Côte-Rôtie et Condrieu. « Le premier vin a été produit à partir d’une vigne d’Àlvaro Palacio qu’il nous a laissée en fermage jusqu’à ce que nos vignes entrent en production en 2006 » poursuit Peter Fischer. « Nous avions planté carignan, grenache et syrah pour les rouges, grenache blanc et maccabeu pour les blancs. Et loué une vieille cave dans le village. En 2006, nous en avons construit une plus fonctionnelle. Et à la surprise générale, y compris la nôtre, notre premier vin, Aguilera, élaboré à partir du demi hectare de vieux carignans, a remporté la distinction de meilleur vin rouge d’Espagne dans le guide Penin. C’était incroyable ! »
Le trio multiplie les allers-retours entre Rhône nord et pays catalan, notamment en avion privé, car Laurent Combier a entre-temps passé son brevet de pilote. L’œnologue Pep Aguilar qui a rejoint l’équipe a en charge le domaine au quotidien. Les trois trublions font découvrir leurs vins aux professionnels et distributeurs de toute l’Espagne, mais également en France, notamment au marché d’Ampuis. Ils font ensuite venir chez eux les géologues de renom, Claude et Lydia Bourguignon, pour approfondir la connaissance du terroir et organisent chaque année une fête des vendanges avec leurs voisins vignerons. Les premiers vins s’appellent 1/3 et 2/3.
Naissent par la suite, à partir de 2012, « des cuvées au nom plus faciles à comprendre et plus démocratiques » : Riu (ruisseau et il rit en catalan), Fonsclar (sol clair), El Casat (le cabanon), Montsant et Face Nord. Les enfants des trois compères sont tous vignerons, mais déjà très occupés à prendre la relève des gros bateaux viticoles du Rhône nord et de Provence. Ils n’envisagent pas de prolonger l’aventure espagnole, un peu lointaine de leurs « darons », et qui s’étend désormais 18 hectares, produisant 15 à 20 000 bouteilles par an.
Une succession est alors envisagée avec deux jeunes vignerons formés chez Laurent Combier, Léo et Lucas. Ils entrent au capital de la société, s’installent sur place, mais la covid stoppe net leur élan et les ventes. Léo, malade, abandonne le navire et Lucas, seul, finit par baisser les bras. En 2023, le trio épicurien reprend les raisins en main pour éviter que le domaine ne parte en friche. Les raisins sont vendus sur pied, les 2020, 2021 et 2022 en élevage sont cédés en vrac et le domaine mis en vente. « C’est avant tout une expérience amicale de 25 ans qui nous a fait aussi grandir sur nos propres domaines et nous a appris le compromis » conclut Jean-Michel Gerin lors du clap de fin du trio infernal au printemps, quand ils ont fait déguster à quelques fidèles acheteurs et amis les dernières bouteilles catalanes.
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