Samedi 21 Décembre 2024
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01.05.2020
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Fermée au public depuis le 13 mars, la Cité du Vin n’est pas pour autant à l’arrêt. Elle propose au public toute une palette de contenus digitaux, et en profite pour avancer sur ses chantiers en cours, en espérant une réouverture à l’été. Le point avec son directeur général, Philippe Massol.
Un mois et demi après la fermeture des portes de la Cité, quelles actions ont été instituées pour continuer à la faire vivre ?
On a mis la Cité en veille totale pour qu’elle nous coûte le moins cher possible, car c’est un gros bâtiment qui a un coût d’exploitation élevé. On a maximisé le nombre de personnes en activité partielle, et maintenu quelques collaborateurs, principalement pour trois choses. D’abord, pour organiser le changement de date de notre exposition qui devait ouvrir en avril, en décidant de la reporter d’un an, sachant que la scénographie était quasiment terminée, et qu’on n’attendait plus que les œuvres. Dans le même temps, on a aussi décidé de déplacer l’exposition de 2021 sur « Picasso et le vin » à 2022. Ensuite, il a fallu annuler tous les événements prévus jusqu’à fin juin, et traiter toutes les annulations des clients. On continue à avoir une veille sur les demandes de futures réservations, notamment les privatisations, car il y a encore une petite activité résiduelle en termes de commercialisation. Nous mettons également à profit le confinement pour passer un temps important sur le projet de Cité du vin de Pékin, qui n’est pas du tout à l’arrêt malgré les difficultés qu’il a pu y avoir là-bas. On continue le travail avec les architectes et scénographes, et avec l’équipe qui se met en place en Chine. On travaille aussi sur les différents scenarii pour cette année 2020, parce qu’avec 50% d’étrangers accueillis en temps normal qui ne viendront pas cette année, elle va être extrêmement mauvaise.
Rapidement après l’annonce du confinement, la Cité a réagi en proposant des contenus accessibles en ligne au public. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Pratiquement depuis le démarrage de nos événements, on a eu l’occasion de faire beaucoup de captations audio et audio-video. Ça nous permet de les remettre en avant sur le site, et de les faire ressortir régulièrement en communication, notamment sur nos réseaux sociaux. Sur les réseaux sociaux, il y a aussi pas mal d’autres choses, par exemple actuellement des rétrospectives sur les photographes qui ont immortalisé la Cité. Pour la suite, on continue à réfléchir pour trouver une façon de faire profiter le public de certaines choses qui peuvent se passer à la Cité, même sans venir sur place. Et puis il y a aussi toute la mise à disposition de notre fond documentaire. Il n’intéressait pas grand monde avant, mais maintenant, il prend plus de relief. Aujourd’hui, on a perdu 60% de nos connexions internet par rapport à la période avant le Coronavirus, mais sur les 40% restants, elles sont presque exclusivement orientées vers la recherche de contenu, ce qui n’était pas du tout le cas précédemment.
Pour la suite, y a t-il, malgré la conjoncture compliquée actuellement, des nouveaux projets dans les cartons ?
On part du principe que 2020 va être une année blanche. On réfléchit à 2021, qui sera l’année de célébration de nos cinq ans. On va renouveler, dans la mesure où nos moyens nous le permettront, deux des dix-neuf modules du parcours permanent, en s’appuyant notamment sur la nouvelle génération de compagnons de voyage qu’on mettra en service à l’occasion de cet anniversaire. Ils auront de nouvelles fonctionnalités, comme par exemple la géolocalisation, la réalité augmentée… Ça va donner une nouvelle dimension à l’expérience visiteur, et nous permettre peu à peu de modifier pas mal de choses dans le parcours permanent.
Initialement prévue du 10 avril au 30 août 2020, l’exposition « Boire avec les Dieux » est reportée du 9 avril au 29 août 2021. Pouvez-vous nous en dire quelques mots, pour faire patienter les futurs visiteurs en attendant cette date ?
C’est une exposition originale. Même si au départ elle est archéologique, puisqu’elle tourne autour des mythes de Bacchus/Dionysos, elle était ponctuée par trois œuvres éphémères commandées à des artistes contemporains, qui vont dans le sens de l’histoire. On avait des scènes, des histoires racontées à travers des objets souvent usuels du quotidien, et ces mêmes personnages réinterprétés par ces artistes modernes. Cette exposition a été conçue avec deux grands prêteurs : le Louvre, et le musée de l’Acropole à Athènes. On leur a refait la demande pour 2021, on attend leurs confirmations pour savoir si les œuvres seront à nouveau disponibles dans un an.
Dans une interview du 17 mars accordée à « Terre de Vins », vous indiquiez espérer une « réouverture courant avril et un retour à la normale vers la fin du mois de mai ». Ces prévisions sont aujourd’hui caduques. Après le discours gouvernemental de ce mardi, quelles perspectives de réouverture pour la Cité du Vin ? Y a-t-il déjà une date dans le viseur ?
Il y aura forcément des directives nationales plus précises que celles données par le Premier Ministre ce mardi. Mais aujourd’hui, les règles vont vraiment être locales. On va surtout travailler avec la préfecture et la ville de Bordeaux. On a déjà fait la demande d’un rendez-vous avec la préfète, et elle nous a dit que c’était un peu tôt, car ils n’avaient pas reçu ces fameuses directives nationales. Malgré tout, en termes de date, je ne vois pas en quoi accueillir des visiteurs à la Cité du Vin présenterait plus de risques qu’accueillir des clients dans un magasin de bricolage, par exemple. Je serais très désagréablement surpris qu’on nous demande de ne pas ouvrir avant le mois de septembre, ce qui est le cas des très grands rassemblements. Je pense qu’on est quand même plus proches du petit musée que d’un stade de foot avec 40 000 personnes.
Comment cette réouverture s’organisera-t-elle, notamment en terme de sécurité sanitaire, qui est la condition sine qua non de l’accueil du public ?
On va faire comme beaucoup de sites, on va mettre en avant la possibilité d’acheter son billet en ligne, préconiser le paiement par carte bancaire. Et éviter les files d’attente aux caisses, ce qui sera facile à faire avec notre esplanade devant pour réguler l’attente, s’il y en a, ce qui serait en soi une bonne nouvelle. Car ce que je crains, c’est qu’une fois qu’on aura la possibilité d’ouvrir, ce qui, selon ce qu’on entend, devrait se situer entre le 15 juin et le 1er juillet, l’affluence ne soit pas au rendez-vous. Nous n’aurons pas d’étrangers, compte-tenu de la fermeture des frontières, et pour les Français, je ne pense pas que les lieux fermés seront les premiers où ils auront envie de se précipiter. On va plutôt avoir envie de liberté, de nature, d’extérieur. Donc il faut encore enlever une partie des 200 000 visiteurs français restants, je pense au moins 30%.
Après la crise des gilets jaunes l’an dernier, cette épidémie de Covid-19 est un nouveau coup dur, avec, on peut le supposer, un impact financier important. Comment la Cité du Vin compte-t-elle résister face à ce manque-à-gagner ?
Je peux difficilement vous répondre. La perte se chiffre à plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires et de résultat. S’il ne reste que 160 000 visiteurs accueillis pour 400 000 une année classique, la Cité du vin n’est pas dimensionnée pour accueillir si peu de monde. L’ouvrir pour une fréquentation si basse, ça va nécessairement induire une perte très importante. La question est de savoir si ça ne va pas nous coûter plus cher d’ouvrir que de rester fermés. C’est la question que se posent actuellement beaucoup d’acteurs du tourisme. Pour l’instant, ce n’est pas la peine de se précipiter à faire des prévisions, pour moi, il est urgent d’attendre. Notre prochaine échéance est un comité interministériel du 14 mai où sera présenté le plan de relance du tourisme en France. Ensuite, fin mai, en fonction des conditions dans lesquelles ça va se passer, on devrait annoncer les dates d’ouvertures de nos sites, avec probablement une réouverture des sites extérieurs plus rapide que les sites intérieurs. En respectant les conditions qu’on nous imposera, je pense qu’il ne faut pas qu’on hésite à ouvrir. C’est mon actualité de savoir comment on va s’en sortir. J’espère pouvoir vous répondre dans quelques semaines, mais il n’est pas prévu que l’on ne s’en sorte pas.
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