Mercredi 19 Février 2025
©Jean-Sébastien Batailler
Auteur
Date
14.02.2025
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De son emplacement stratégique entre dentelles de Montmirail et mont Ventoux, le château du Barroux a traversé les âges, non sans quelques dommages et cicatrices. Reconstruit par la famille Vayson de Pradenne, qui l’a acquis en 1929, il propose désormais une activité originale. La distillerie de Fanny et Jean-Baptiste apporte du panache à l’édifice.
Imposant et élégant. Son style Renaissance, avec ses tours d’angle et sa vaste esplanade où le regard s’accroche à tant de beauté, donne au château du Barroux un charme indéniable. Les visiteurs y montent pour profiter de la vue, découvrir une exposition originale de fossiles et depuis quelques mois visiter la distillerie et déguster l’eau-de-vie et les futurs whiskys du château.
Mais quelle curieuse idée de faire du whisky en Provence ? Elle a germé dans les têtes d’un jeune couple à l’énergie débordante. Fanny et Jean-Baptiste Vayson de Pradenne se sont rencontrés lors de leurs études. Originaire du Frontonnais, où ses ancêtres sont vignerons et distillateurs, elle se destine à l’œnologie. Lui est un futur ingénieur hydrologue. Le château est dans la famille du jeune homme depuis presque un siècle. L’édifice est certes idéalement situé et reçoit de nombreux visiteurs mais sa conservation est un gouffre. L’esquisse d’acheter des vignes et de faire du vin a été vite balayée ; comme celle de distiller des cerises et des abricots. Tous deux voulaient un projet économique différenciant. Il prend forme en 2021, grâce à une IGP locale.
Cette céréale, dont l’origine viendrait de la façade occidentale de l’actuelle Turquie, a été consommée sur le pourtour méditerranéen jusqu’à l’époque romaine avant d’être délaissée. Sa robustesse lui a permis de se maintenir sur les sols pauvres de la Haute Provence. Produit sentinelle « slow food » depuis 2008, il a obtenu l’IGP en 2009 et sa farine en 2010. Son aire géographique s’étend sur 228 communes des départements de la Drôme, des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes et du Vaucluse.
La solution est donc là, à portée de main : réaliser un whisky au malt de petit épeautre IGP bio ! Trouver un producteur n’est pas chose facile. Ils sont plutôt frileux. Mais la persuasion et surtout les premiers essais confortent les intuitions de Fanny. Le projet reçoit les aides financières de la COVE, du parc naturel régional du mont Ventoux, de nombreux partenaires et bénéficie de l’accompagnement de Vaucluse Provence Attractivité, l’agence départementale qui assure la promotion du département.
L’avantage du château est qu’il a de vastes et multiples pièces pour installer tout le matériel d’élaboration et d’élevage. La malterie, où sont stockés les fûts de grains et la drêche une fois la fermentation effectuée. À côté, les cuves de brassage et de fermentation et l’alambic à colonnes Orthes, arrivé du Sud-Ouest, qui fêtera son centenaire dans trois ans. Quelques marches plus loin, le chai où des micro-cuves et des tonneaux patientent, à côté l’étiqueteuse et le stock de bouteilles. Jean-Baptiste se charge de la production, de la réception des céréales jusqu’à la distillation. Fanny se consacre à l’élevage, jusqu’à la mise en bouteille. Depuis trois ans, elle a testé différents fûts neufs ou de plusieurs vins, venant de Sauternes, du Jura, de Rivesaltes. Son passé de vigneronne lui permet de cibler son sourcing. « Il me faut 20 barriques par an. Chacune a son profil, je pars d’une page blanche chaque année. Il y a vraiment un pont avec le monde du vin. Après un an d’élevage, je déguste tous les mois », explique Fanny.
Après trois années en fûts, les whiskys seront enfin commercialisés en octobre. Comme pour l’eau-de-vie, ils seront mis en bouteille et étiquetés au château. Différents profils seront proposés, du fruité aux boisé, jusqu’aux sélections et éditions limitées prévues en 2026. Cinq cuvées seront disponibles à terme. Avis aux amateurs, la production est exclusivement vendue au château, entre 65 et 69 €. Pour activer son commerce et sa visibilité, Fanny s’est propulsée caviste. Elle a sélectionné des whiskys français et quelques raretés venues de Corée et d’Australie, qu’elle commercialise au caveau, aux côtés de son eau-de-vie.
Le partage et la découverte sont le leitmotiv des propriétaires. Outre la visite guidée du château et de la distillerie, ils proposent des ateliers : initiation au goût des céréales (pour les petits), whisky & fromages, whisky & tartines, tour de France des whiskys, assemblage de sa cuvée … À partir du 21 février, une fois par mois jusqu’en août, Fanny devient artiste. Avec des amis musiciens, ils proposent un spectacle dégustation, « Le Temps d’un whisky », où, en chansons, ils déroulent cette belle histoire d’hommes et de terroirs. Une bonne occasion de tester les futurs breuvages.
Eau-de-vie du château
L’eau-de-vie de petit épeautre permet de tester le travail de Fanny. Hyper aromatique, elle dégage de la fraîcheur où l’on distingue des fruits blancs, de la poire, un trait zesté d’orange, un souvenir de réglisse et de menthe. On vous la recommande sur des sorbets de poire ou de figue.
45 € les 0,50cl (AB)
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