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La Grande Année 2014, Bollinger prend l’air du large

Auteur

Yves
Tesson

Date

02.04.2022

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Le dernier opus de la Grande année vient de sortir : le millésime 2014 (et sa version rosé). Nous avons demandé à Charles-Armand de Belenet, le directeur général de la Maison, Denis Bunner, le chef de caves adjoint et Nicolas Brossard, le sommelier et copropriétaire du restaurant Christopher Coutanceau à La Rochelle, de nous en dire davantage.

Qu’est-ce qui différencie ce millésime 2014 ?

Charles-Armand de Belenet : Ce 2014 est une surprise ! D’habitude, cette cuvée est plutôt du côté des arômes de sous-bois, et s’accommode volontiers d’accords du type poulet aux morilles… Or, cette fois, on est davantage tenté par la mer. On retrouve le style de la Grande Année, mais avec beaucoup de précision, un côté ciselé, minéral, ce qui rend cette version assez atypique. Nous étions un peu inquiets pour nos grands amateurs qui risquaient d’être étonnés. Les retours sont excellents, beaucoup font le lien avec B 13, où Verzenay était aussi à l’honneur.

Denis Bunner : En 2014, le mois de juin a été le plus ensoleillé que nous ayons connu ces cinquante dernières années. Juillet en revanche a été pluvieux et août assez frais. Le mois de septembre ensoleillé a quand même permis d’atteindre dix degrés de maturité, mais en gardant une belle acidité. Il y a eu deux années un peu plus fraîches en Champagne, 2013 et 2014. Comme 2013, 2014 montre surtout des caractéristiques de sol, plutôt que des sommets de fruit et d’opulence. Il est par exemple moins épicé que 2012. Quand on crée des Grandes Années, on fait toujours plusieurs projets d’assemblage que l’on goûte à l’aveugle. Celui qui a remporté notre adhésion est original puisqu’il est construit sur un ratio de 61 % de pinot noir et 39 % de chardonnay, une proportion supérieure pour ce dernier cépage à celle que nous avons habituellement (autour de 30). De fait, le chardonnay était vraiment l’une des réussites de cette année. L’autre particularité réside dans la forte proportion de Verzenay alors que huit fois sur dix Aÿ domine dans cette cuvée. En vingt ans, il n’y a eu que deux millésimes où ce n’était pas le cas : 2007 et 2014. La climatologie l’explique. En Champagne, la pluie passe souvent par des couloirs différents chaque année. En 2014, Verzenay a été davantage préservé qu’Aÿ.

Pour la version rosé, on ajoute simplement au même assemblage 5 % de rouge de la Côte aux enfants. On dit souvent, que c’est l’unicité qui rencontre la diversité. Le pourcentage est très faible pour un rosé alors qu’en Champagne on est habituellement davantage entre 10 et 20 %. Ce vin rouge vient donner un supplément d’intensité, de fruit, d’amplitude. Il est très bien intégré à la base de blanc, il n’y a pas de trame tanique supplémentaire, seulement une pointe d’écorce d’agrume en plus, qui relève légèrement la fin de bouche. Au nez, on a ce côté toasté, grillé : c’est très bon signe un an après le dégorgement de voir le vin revenir ainsi dans le monde de la réduction, cela montre qu’il a un très fort potentiel. Je ne sais pas si un jour nous ferons un RD rosé (cuvée dont le vieillissement est de 14 ans), mais en voyant cela on se dit que ce n’est peut-être pas impossible.

Nicolas Brossard, vous avez choisi avec Christopher Coutanceau d’accompagner ce vin de crevettes bouquet …

Nous avons été frappés par la salinité de la Grande Année qui appelait comme une évidence les produits de la mer. Mais, même dans ce registre, il ne fallait pas quelque chose de trop puissant, on ne pouvait pas par exemple envisager une sardine ou un macro. Nous avons choisi ces crevettes assez rares, avec une saveur encore plus délicate que la crevette grise et la crevette rose. Elles ont un caractère sucré, onctueux, qui produit un joli contraste avec la tension du vin. A la base, il y a cette gelée de bouquet très fine, pas trop prise, c’est tout l’art parce que cela peut vite devenir écœurant. Elle est parsemée de corps entiers de bouquets confits qui ont été marinés dans une huile d’olive au zeste de citron, et quelques têtes, que l’on a pannées et fait frire pour donner un côté crispy. Autour, nous avons mis une chiffonnade d’algues. Enfin, nous avons ajouté du mälto, que l’on a fait infuser au piment oiseau et à l’huile de crevette. Passée au congélateur, cette fécule de tapioca prend une texture de gravier, l’idée étant de rappeler le sable où vivent les bouquets. Le piment ramène de la nervosité qui vient équilibrer le côté « gelée » et un peu beurré du produit entier.

Prix recommandé : 147 €