Mardi 3 Décembre 2024
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10.01.2024
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« À part » dans l’univers du champagne, EPC, créé en 2019, se distingue par une communication originale, une approche décomplexée du champagne et la transparence sur son statut de marque acheteur, valorisant les terroirs. En cinq ans, après avoir réuni des actionnaires prestigieux et mené deux levées de fonds de 7 millions d’euros, comment a évolué la marque et que prévoit-elle ? Edouard Roy, cofondateur, a répondu à nos questions.
Comment se porte EPC ?
Nous sommes très contents puisque nous avons enregistré une progression de 65% en 2023. Nous avons consolidé ce que nous avions mis en place et avons concrétisé de belles collaborations avec Lagardère travel retail. Nous serons le champagne exclusif servi sur Etihad Airways et dans les salons de la compagnie basée à Abu Dhabi et à Londres. Nous venons également de signer avec Berkmann Wine cellars en Angleterre. Nous sommes leur troisième marque de champagne à côté de Jacquesson et Drappier, donc nous sommes vraiment ravis. Tout cela nous donne une visibilité incroyable. Mais la route est encore longue.
Vous êtes actuellement positionnés sur une petite quarantaine de marchés à l’international. Vous affichez l’ambition d’être parmi les 15 plus grandes marques de champagne d’ici cinq ans. Quels sont vos prochains objectifs commerciaux ?
Nous voulons renforcer l’export pour qu’il représente 50% de notre activité contre 30% actuellement. Nous allons aussi proposer en 2024 un nouveau produit, une nouvelle cuvée car nous avons un trou dans la gamme… Il y a aussi de nouveaux beaux partenaires parisiens et français à venir, mais tout n’est pas encore finalisé. Je peux aussi vous dire que nous avons franchi un grand pas dans le monde du sport en signant des partenariats avec une petite quinzaine de clubs comme l’OGC Nice, Le Havre ou encore l’AS Monaco basket, l’une des meilleures équipes du moment.
En parlant de sport, comment Didier Deschamps, actionnaire, vous soutient-il ?
J’ai déjà rencontré six ou sept fois Didier Deschamps qui est un véritable ambassadeur. Il nous envoie des messages, parle de nous, nous présente des gens. Nous avons obtenu des débouchés dans le sud grâce à lui par exemple.
Vous disposez effectivement d’un joli panel d’actionnaires (Xavier Niel, fondateur d’Iliad, actionnaire au Monde, Cédric Siré, PDG de Webedia, la famille Mulliez, Hervé Augustin (ex-PDG de Bollinger et d’Ayala…). Comment vous accompagnent-t-ils dans votre développement, en dehors de l’évident apport financier ?
L’apport d’argent, en effet, est important, mais l’enjeu, c’est d’avoir de l’argent intelligent. L’un de nos actionnaires nous disait récemment que nous étions l’un de leurs investissements qui le sollicitait le plus. Nous avons un ensemble d’actionnaires riches d’expériences, de savoirs, de réseaux et nous ne cessons de nous en servir. Par exemple, pour le développement de notre logiciel Dave à travers des conseils tech, sur la stratégie commerciale, sur l’international…
Comment Stéphane Baschiera, ex-PDG de Moët & Chandon, entré au conseil d’administration en 2022, vous conseille-t-il ?
Il est le « Monsieur Champagne », doté d’une connaissance fine de la filière, du vignoble, de l’aval. Pour résumer, je dirais en une expression qu’il nous offre le gain de temps. En quelques secondes, il nous donne un conseil sur une réflexion qu’on peut avoir à un moment précis. On peut l’appeler à n’importe quel moment, il se montre disponible, bienveillant et réactif.
En 2019, vous faisiez le « casse du 21ème siècle » (selon Le Figaro vins), en faisant une entrée fracassante dans l’univers du champagne. Vous valorisiez le blida (verre traditionnel), meniez une communication hors des codes historiques du champagne avec une image cool, moderne et un brin provocatrice. Depuis, vous réussissez en empruntant les canaux habituels pour entrer sur les marchés…
Nous ne voulions pas casser le marché du champagne, mais proposer une marque qui, selon nous, répondait aux attentes et aux enjeux actuels de consommation. Nous l’avons fait en reprenant les éléments de la chaîne de valeur du champagne. La qualité du produit est notre première préoccupation. Tout en nous différenciant. L’idée est de proposer un voyage à travers la Champagne, de l’Aube à la Marne. Nous revendiquons les terroirs de nos fournisseurs de façon totalement transparente, complètement traçable.
Vous avez changé d’habillage en 2022, pourquoi ? Quels retours obtenez-vous depuis ?
Le changement d’habillage était prévu dès le départ. La première plateforme de marque était volontairement clivante pour émerger, nous différencier dans un univers du champagne où de belles marques étaient déjà bien implantées. Il fallait qu’on marque le coup, mais à deux, trois ans, il était prévu qu’on remplace l’habillage par quelque chose de toujours moderne, mais de moins clivant. Nous avons réellement d’excellents retours. Notamment lorsque nous avons sorti une édition limitée avec Alice Louradour, une jeune créatrice qui avait travaillé avec Jacquemus ou Louis Vuitton. Ce fut un succès qu’on n’avait pas vu venir.
Que reste-t-il d’iconoclaste, d’impertinent chez EPC ?
Nous sommes la seule marque à être non patronymique, à présenter une étiquette non symétrique sur la bouteille, dotée de plusieurs points de contact avec le consommateur comme des mots dans la coiffe, une pastille thermosensible pour connaître la bonne température d’ouverture, des prétextes pour déboucher le flacon (« je veux impressionner mon beau-père »)… Notre dimension digitale et l’accompagnement à la dégustation avec un « Guide de l’épicurisme », par exemple, nous distinguent. Notre tonalité de voix lorsqu’on parle du champagne, aussi.
Comment continuez-vous à cultiver l’esprit « start-up » d’EPC ?
C’est omniprésent, je dirais, dans la quête permanente pour travailler de manière efficace. On se remet en question tous les jours, on se challenge. C’est ancré dans notre culture d’entreprise. Nous sommes des gens qui avons une vision moderne de l’exécution. Même avec l’actionnariat puisque la majorité des gens viennent de la tech. La meilleure illustration, c’est Dave !
Justement, parlez-nous de ce logiciel que vous avez développé et continué d’améliorer récemment avec l’intelligence artificielle (IA)…
Au moment du Covid, nous avons créé un outil digital, DAVE, intégrant déjà les prémices de l’IA, qui nous a permis de démultiplier notre puissance commerciale au moment où nous souhaitions concentrer notre force de frappe sur les sociétés corporate, plutôt que les Café/hôtel/restaurant (fermés) et les cavistes (très largement sollicités par nos concurrents). L’idée était de pouvoir toucher toutes ces entreprises qui cherchaient à fidéliser leurs clients ou bien même leurs collaborateurs, et pour lesquelles il était difficile d’identifier les décisionnaires, où à la différence d’un restaurant où le sommelier et le gérant sont dans 90 % des cas les référents, dans les sociétés il n’y a pas de règle. Progressivement, nous avons développé des briques supplémentaires en interne, pour répondre aux besoins des marchés. Aujourd’hui ce logiciel est le poumon de la société, il centralise 80 % de l’activité. Nous venons de recruter d’ailleurs un data scientist pour améliorer encore le modèle et d’avoir demain un outil d’IA encore plus performant. Il représente aujourd’hui une aide à la décision, qui analyse notamment les profils des commandes et les clients. Il est par exemple capable de nous dire ce que tous les promoteurs immobiliers commandent en juin, telle cuvée à tel endroit, ce qui nous permet d’anticiper la prospection et les commandes. L’analyse est permanente.
Vous avez développé l’IA, mais vous avez continué à faire grandir l’équipe. Ce n’est donc pas incompatible ?
Nous sommes 21 aujourd’hui. Avant Dave, pour gérer six fois moins de commandes, nous avions un stagiaire et un CDI. Aujourd’hui, nous avons une personne à mi-temps pour gérer six fois plus de commandes, mais nous avons recruté pour le développement commercial. Notre obsession, qui répond à l’esprit start-up, est de supprimer les tâches récurrentes non créatrices de valeur, pour laisser les équipes se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée. Donc non, ce n’est pas du tout incompatible.
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