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28.01.2013
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Jean-Pierre Amoreau réclame qu’une partie de son domaine en Francs-Côtes-de-Bordeaux, rendu célèbre par le manga « Les Gouttes de Dieu », passe en appellation Le Puy. Le dossier est entre les mains de l’INAO.
On le sait, la contestation du dernier classement de Saint-Émilion par trois viticulteurs écartés de la hiérarchie des crus classés secoue de nouveau le cocotier viticole. En attendant de connaître l’issue des procédures, un autre sujet va bientôt alimenter les conversations dans les châteaux du Bordelais. Et non des moindres. Puisqu’il s’agit de la création d’une nouvelle appellation.
On connaît Saint-Émilion, Pomerol, Fronsac, Bordeaux, Pauillac et autres Pessac-Léognan. Bientôt il faudra compter avec Le Puy. À condition toutefois que l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) entérine la demande effectuée par Jean-Pierre Amoreau et son fils Pascal. Le dossier est entre les mains de la haute instance depuis août 2011. « L’INAO n’est pas pressée », note, sourire aux lèvres, le patriarche de 74 ans.
Faut dire que la réclamation n’est pas coutumière. Ni anodine. C’est même une première dans le Bordelais. D’où sans doute ce temps de réflexion que s’octroie l’Inao. Jean-Pierre Amoreau est confiant. Sa demande répond à ses yeux aux critères légaux et il ne voit pas comment l’Institut national pourrait la rejeter.
Les vins médecins
Propriétaire du Château Le Puy, en appellation Francs-Côtes-de-Bordeaux au sein d’une société familiale, Jean-Pierre Amoreau est une exception sur un territoire qui ne l’est pas moins. Cette appellation de 525 ha couvre seulement trois communes, Francs, Saint-Cibard, et Tayac et compte 41 propriétaires sur un terroir « rond comme un noyau », si l’on en croit le président du syndicat Franck Richard (Château Cru Godard). Jean-Pierre Amoreau aime à rappeler le surnom que l’on donnait aux Côtes de Francs : « les vins médecins de Saint-Émilion. » Ici la plaine n’existe pas et l’appellation se targue de posséder sur ses vallons des vins homogènes, contrairement aux appellations voisines.
À tel point que, pendant longtemps, c’est à Saint-Cibard que se situait le point culminant du département, à 107 mètres exactement, au coteau des Merveilles. Là même où s’élève le Château Le Puy, belle bâtisse bourgeoise posée au milieu de 50 ha de vignes.
Cette position stratégique confère à ce vignoble, mais pas seulement, cette distinction que revendique Jean-Pierre Amoreau. C’est parce qu’il estime son terroir différent, comme son vin à la typicité singulière, qu’il a décidé de s’affranchir du cahier des charges de l’appellation et de tenter l’aventure en solitaire.
L’appellation Le Puy ne ciblera cependant que 5, 60 ha de la propriété sur lesquels il a fait faire une étude géologique, versée au dossier.
Attaché aux traditions
Le conseil d’administration du Syndicat des Côtes de Francs lui a majoritairement donné son absolution. Et pour cause. Celui-ci se sent également bridé par le cahier des charges des Côtes de Bordeaux. En revanche, l’ODG des Côtes de Bordeaux tout comme le Comité régional de l’INAO a vu d’un mauvais œil le départ du vigneron prodigue.
« Ce n’est pas une surprise concernant le Crinao : on ne vend pas au négoce. Aujourd’hui, il n’y a plus de négociants, juste des distributeurs. Pour moi, la crise est surtout un problème de communication », explique Jean-Pierre Amoreau qui cultive son altérité en ne s’attachant pas non plus les services d’un œnologue notoire. C’est son fils Pascal qui fait office de. Parce que dans la famille Amoreau, on est (naît) vigneron depuis quatre cents ans. « C’est-à-dire que l’on n’abandonne pas nos prérogatives tant dans le chai que dans la vigne », insiste le père. « Nos pratiques œnologiques ont accentué nos différences et ont fait la notoriété de notre vin. »
Les 180 000 bouteilles produites, à raison de 36 hectolitres par hectares, sont vendues dans 35 pays dans le monde. On se souvient qu’un manga japonais, « Les Gouttes de Dieu », avait consacré son millésime 2003 meilleur vin du monde. Jean-Pierre Amoreau avait alors retiré du marché ses bouteilles pour éviter toute spéculation.
En sortant ainsi des sentiers trop formalisés à son goût, le vigneron veut aussi dénoncer une méthode de dégustation instaurée par les organismes de contrôle, QualiBordeaux en particulier : « Les dégustateurs sont formatés à un goût. Ensuite, il s’étalonne. Notre château ne correspond donc pas à leurs standards. » D’où sa décision, qui pourrait faire naître des vocations si l’INAO venait à entériner la demande du propriétaire de Le Puy.
Alain Montaguon
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