Accueil Actualités Le « rouge à boire frais » prend sa revanche cet été

Le « rouge à boire frais » prend sa revanche cet été

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

04.06.2024

Partager

Face à la déconsommation de vin rouge, certaines cuvées font de la résistance. De robe légère ou intense, jouant sur la zone de transition entre le rosé foncé et le rouge clair (voire le clairet), se détournant du boisé pour privilégier le fruit, elles invitent à une consommation décomplexée, plus simple, festive, et se boivent volontiers rafraîchies.

Le numéro d'avril de Terre de Vins vous l'annonçait : RED IS NOT DEAD. Malgré la baisse constante de la consommation de vin rouge dans les vieux pays producteurs, il est encore un peu tôt pour clamer que la messe est dite. Certes, c'est tout le paysage de la consommation qui est en train de se transformer, entre l'engouement pour le blanc et les bulles, l'émergence du no/low, et la décroissance du rouge traditionnel chez tout un pan d'amateurs - notamment les nouvelles générations - mais aussi face à des habitudes alimentaires qui sont elles aussi en pleine mutation. Pour autant, le vin rouge n'a pas dit son dernier mot. Entre rouges clairs et rosés foncés, clairets, "blouges" (assemblage de rouge et de blanc) et rouges non boisés destinés à être servis frais, la diversité de l'offre s'accélère, particulièrement à l'approche de l'été. Nous avons pu vous en donner un aperçu dans notre numéro de printemps, qui de l'Alsace au Beaujolais, de Bordeaux au Languedoc, de la Bourgogne à la Loire, du Rhône au Jura, de la Provence au Sud-Ouest, compilait plusieurs dizaines de cuvées à rafraîchir pour des moments de consommation plus décomplexés.

La tendance se confirme. Et s'il fallait un signe éloquent à l'extrême, jugez que deux opérateurs majeurs du vin français, Gérard Bertrand et Michel Chapoutier, apportent concomitamment leur pierre à l'édifice. Alors que le géant du Languedoc présentait lors du dernier Vinexpo / Wine Paris sa cuvée "Le Chouchou" en Vin de France, un "modèle de vin plaisir imaginé par Emma Bertrand, en digne fille de son père, assemblage de grenache, syrah et cinsault, robe grenadine éclatante, nez coulis de framboise, palais friand, touche cerise croquante, un brin anis" (11,90 €) pour reprendre le commentaire publié dans notre numéro d'avril, le géant du Rhône a pour sa part lancé "Rouge Clair", également en Vin de France, un assemblage 80% grenache 20% syrah au packaging épuré et dont l'étiquette laisse apparaître le mot "frais" lorsque le vin est à bonne température de service, soit moins de 12°C. Un petit bonbon de fruit explosif, d'une imparable gourmandise (9,95 €).

Tout aussi malins, les trublions de la jeune maison de négoce languedocienne Aubert & Mathieu ont lancé "Boogie Woogie", un "blouge" qui assemble grenache noir et grenache gris pour un jus désaltérant, d'une séduction immédiate et qui associe une jolie mâche avec une vivacité acidulée qui lui va très, très bien (11,90 €).

On reste dans le Languedoc, avec le "Rouge Osé" de la gamme Les Jamelles (créée il y a près de 30 ans par l'œnologue Catherine Delaunay). Quoique produit en Vin de France, les raisins viennent de la plaine de l'Aude et de l'ouest héraultais. Il s'agit ici d'un assemblage entre grenache, syrah et caladoc (métissage de malbec et de grenache), qui associe un parfum de grenadine à un joli jus souple et poivré, à laquelle la petite finale façon groseille confère une dimension fort désaltérante (7,50 €).

Malbec et Merlot jusqu'à plus soif
On peut aussi opter pour garder la couleur d'un "vrai rouge" tout en jouant la carte du plaisir simple, accessible et frais. Exemple avec la Maison Marlère, négoce spécialisé en vins du Sud-Ouest qui envoie dans les linéaires, sous la marque "La Petite Auberge", des rouges canailles équipés d'une collerette "à déguster frais". Le 100% Malbec en IGP Côtes du Lot, qui convoque la myrtille pour une agréable sucrosité en bouche conclue par une touche de grip, est un très joli rapport prix-plaisir à 5 € seulement. Bordeaux n'est pas en reste avec un certain nombre de cuvées qui se tiennent très bien dans un seau à glace ou à la sortie du réfrigérateur, comme la toute nouvelle cuvée "Bdx Le Jus" conçue par le vigneron Christophe Québec, à Rauzan, avec la complicité de l'équipe de Derenoncourt Consultants. Un assemblage 50% merlot 50% cabernet franc qui se signale par sa dynamique acide, saillante et franche, qui en fait un vin résolument taillé pour la table, la restauration, en toute simplicité (9,90 €).

Last but not least, à Montagne Saint-Émilion Thomas Laydis du château Roc de Calon dévoile durant ce mois de juin une nouvelle cuvée baptisée "Summer", un 100% merlot en Vin de France, à l'étiquette très festive, capsule à vis, petite bombe de framboise et de cerise rehaussée de notes de menthe, finement acidulé. Un joli jus plein et croquant, à seulement 8 €. Et bien sûr à servir frais !

Quant au clairet, jus typiquement bordelais qui fut un temps ringardisé, l'auteur de ces lignes croit dur comme fer à son retour en grâce. Et cela tombe bien, de plus en plus de producteurs se réapproprient ce vin de courte macération. Nous vous en avions déjà parlé dans notre n°78 (juillet-août 2022), et vous pourrez en retrouver quelques-uns dans notre cahier dégustation de notre n°98, à paraître le 10 juillet. Petit spoiler : on y retrouve une petite bombe signée François Despagne, vigneron à la tête du grand cru classé de Saint-Émilion Château Grand Corbin Despagne...