Accueil Actualités Le vin bio, locomotive d’une restauration plus engagée ?

Le vin bio, locomotive d’une restauration plus engagée ?

Affiche de la campagne « Cuisinons Plus Bio »

Auteur

Yoann
Palej

Date

15.02.2025

Partager

Dans le cadre de la campagne « Cuisinons Plus Bio », l’Agence BIO a réuni plusieurs acteurs de la filière pour discuter d’un enjeu clé : le vin bio peut-il être une porte d’entrée vers une restauration plus engagée ? Eléments de réponse à Montpellier, terre fertile en bio.

Montpellier, terre de soleil, de vins et de… bio. Ce n’est pas vraiment un hasard si la ville a été choisie comme épicentre d’une action terrain dans le cadre de la campagne « Cuisinons Plus Bio », menée par l’Agence BIO de Laure Verdeau. « L’Occitanie fait figure de modèle, explique sa directrice. Ici, plus d’un quart des surfaces agricoles sont cultivées en bio, bien loin de la moyenne nationale de 10 %. Mieux encore, près d’un tiers des exploitations sont engagées dans la démarche. » L’Agence, menacée de suppression il y a quelques semaines par le gouvernement, aimerait reproduire ce schéma sur le plan national : « On va lancer une grande campagne de communication en mai, ce sera le premier spot TV sur ce sujet financé par l’Etat français. On ne peut pas passer à côté de notre objectif national qui est de 18 % de bio à horizon 2027 ! »

À l’heure où le palier de croissance a été atteint, il faut travailler sur les débouchés, c’est la priorité. « Aujourd’hui, il y a des volontés de diversification, mais aussi une forte demande en bio dans les bassins urbains », confie Isabelle Touzard, déléguée à l’alimentation à la Métropole de Montpellier. Un ancrage qui prouve que la transition est possible… à condition que le marché suive. « Nous devons accompagner les agriculteurs, notamment dans leurs conversions, tout en structurant la filière. Développer du bio sans marché derrière, c’est faire la moitié du chemin. » Pour y remédier, Montpellier expérimente des filières locales de légumineuses et de céréales, et entend miser sur des infrastructures adaptées, comme des moulins ou des plateformes de tri. « On a aussi compris qu’il fallait végétaliser les assiettes pour laisser plus de place au bio », ajoute-t-elle.

Car le chiffre est là, implacable : en France, seulement 1 % des restaurants proposent du bio. Dans les cantines, on plafonne à 6 %, loin des 20 % exigés par la loi. Laure Verdeau constate : « On est au même niveau que les États-Unis de Donald Trump ! » Un paradoxe quand on sait que la France possède la plus grande surface cultivée en bio d’Europe et le premier vignoble bio au monde. « Nous avons 61 000 fermes engagées dans le bio, un véritable trésor national, bâti depuis des décennies. Mais il faut des débouchés ! » insiste-t-elle.

C’est tout l’enjeu du programme « Cuisinons Plus Bio » : montrer que le bio peut et doit s’inviter à table, du bistrot au restaurant étoilé. Le Reflet d’Obione, à Montpellier, en est l’exemple parfait. « Avec son étoile rouge Michelin et son étoile verte pour l’innovation durable, il prouve que qualité et engagement peuvent aller de pair », souligne Laure Verdeau.

Le vin bio, un cheval de Troie pour une restauration plus verte ?

« La première porte d’entrée du bio au restaurant, c’est le vin », ajoute-t-elle. Logique : un produit fini, identifiable, « marketé », valorisé par les sommeliers et prisé par les consommateurs en quête de sens. Vincent Goumard, vigneron du Mas Cal Demoura en Terrasses du Larzac (70 % en bio), en témoigne : « Un restaurateur qui choisit un vin bio commence souvent à s’intéresser à la cuisine qui va avec. C’est forcément une porte d’entrée et un appel d’air vers un élargissement du bio dans toutes les sphères de la carte. »

viande rouge dans assiette

D’autant que les accords mets et vins séduisent les consommateurs. Laurent Cherchi, chef du Reflet d’Obione, en fait une philosophie, ce qu’il appelle « une cuisine de conscience » : « Le vin bio est une évidence. Le tout est de l’accorder avec une cuisine en adéquation, en privilégiant des produits bio, locaux et de saison. » Dans son établissement, il travaille avec une centaine de producteurs, dont plus de la moitié sont certifiés bio. Une démarche qui lui vaut trois macarons Écotable et prouve qu’engagement rime avec excellence gastronomique. La carte des vins fait également la part belle aux vins locaux et donc bio (34 % du vignoble bio français se trouve en Occitanie). Quelques jours après la fin du salon Millésime Bio, Olivier Goué, directeur de SudVinBio, insiste sur l’enjeu économique : « Aujourd’hui, 20 % des volumes de vin bio partent en restauration (contre 23 % en grande distribution). Ce réseau valorise le travail des vignerons, il faut se donner les moyens de l’amplifier. » Un axe à développer quand on sait que 23 % des achats de vin bio se font dans les restaurants, bien loin devant les bars à vin et les brasseries.

Un virage nécessaire et des freins à lever

Avec cette campagne, l’Agence BIO ambitionne de faire des chefs des ambassadeurs de cette transition agroécologique. « Ce qui se passe dans nos assiettes et dans nos verres doit être la locomotive de ce qui se passe dans les champs », plaide Laure Verdeau. La restauration a le potentiel de devenir un débouché clé pour les fermes bio françaises. Mais pour cela, il faut structurer la filière, accompagner les conversions et, surtout, créer de la demande. « On n’est pas un lobby, on ne défend pas des intérêts particuliers mais l’intérêt général. Qui est contre de l’eau propre, des abeilles, des agriculteurs heureux ? », interroge-t-elle. L’objectif du jour n’est pas seulement de se régaler de la cuisine tout en finesse du chef Cherchi, mais aussi et surtout de réfléchir aux enjeux agricoles, année anniversaire des 40 ans du label AB.

Montpellier en donne l’exemple. « Nous avons augmenté la part du bio dans la restauration scolaire de 21 % en quatre ans, pour atteindre 37 % », souligne Marie Massart, déléguée à la politique alimentaire et à l'agriculture urbaine de la cité héraultaise. Des efforts qu’il faut étendre à la restauration privée. Car, comme le rappelle le vigneron Vincent Goumard : « On a besoin de relais dans ce milieu. Comme un chef, un vigneron nourrit à la fois le corps et l’esprit. » Le vin bio est peut-être le premier pas, mais il ne doit pas être le dernier. « On ne peut pas se contenter de 1 % de bio dans nos restaurants, conclut Laure Verdeau. La France a une stature de nation agricole bio, il est temps d’être à la hauteur de cette ambition. Après tout, nous sommes le pays qui a inventé le restaurant et inscrit le repas gastronomique au patrimoine immatériel de l’UNESCO. »