Samedi 23 Novembre 2024
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25.03.2021
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De retour sur Terre après un voyage spatial dans des conditions extrêmes, des bouteilles de l’iconique vin bordelais Petrus et des sarments de vigne ont été analysés par l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV). Avec peut-être des pistes pour la viticulture et la vinification dans un contexte de réchauffement climatique, dévoilées hier lors d’une conférence de presse à la Mairie de Bordeaux.
Un petit pas pour l’Homme, un grand pas pour le vin et la viticulture ? C’est en tout cas l’espoir de la mission WISE, lancée par Space Cargo Unlimited, start-up co-fondée par le Bordelais Nicolas Gaume et le Basque Emmanuel Etcheparre. Dans le cadre de ce premier programme privé de recherche spatiale appliquée, douze bouteilles de l’emblématique Petrus, et 320 sarments de vigne ont passé respectivement quatorze et dix mois dans l’espace. Ils sont revenus sur notre planète le 14 janvier. Le but : déterminer, par la confrontation avec des lots restés sur Terre, l’impact de la pesanteur sur la qualité des vins et la résistance des vignes dans des conditions encore plus rudes que celles générées par le changement climatique.
Vin spatial et vin terrestre
Revenues à bord de la capsule Dragon (SpaceX) sur le sol terrestre le 14 janvier dernier, les bouteilles de Petrus ont pris la direction de l’ISVV, dans le cadre d’un programme de recherche et d’analyse enclenché pour plusieurs années. Le choix de Petrus, référence qualitative mondiale, sur un millésime 2000 de belle garde, offrait le sujet d’études idéal. Le 1er mars, une dégustation organoleptique à l’aveugle a été menée par un panel de douze dégustateurs, dont cinq aguerris aux dégustations professionnelles, sous la houlette de Philippe Darriet, Directeur de l’Unité de Recherche Œnologie de l’ISVV.
Le verdict ? Une qualité indéniablement préservée malgré ce voyage de 300 millions de kilomètres à 28 000 km/h en apesanteur, les deux vins étant considérés « de manière unanime comme de très grands vins », relate Philippe Darriet. Au-delà de cette appréciation méliorative globale, des différences entre ces deux nectars ont été perçues par les dégustateurs dans onze cas sur douze, principalement sur la robe, avec des reflets nettement plus tuilés pour le vin spatial, et plus subtilement sur le goût. Interviewée par l’AFP, la journaliste Jane Anson estimait par exemple « le vin terrestre un peu plus tannique, plus jeune », par comparaison au vin spatial dont « l’aromatique florale ressortait davantage ». A contrario, l’œnologue Franck Dubourdieu n’a lui pas perçu de différence « significative ». Quant à la dimension olfactive, « ce fut en revanche plus compliqué pour les participants de faire la différence », précise Emmanuel Etcheparre.
Vers la viticulture du futur ?
Grâce à un partenariat avec le Centre National d’Études Spatiales et l’Agence Spatiale Européenne, 320 sarments de vigne (à égalité merlot et cabernet sauvignon) ont aussi séjourné sur la Station Spatiale Internationale. Ils ont végété en apesanteur dans des alvéoles sans lumière aux conditions d’hygrométrie maîtrisée. Un challenge d’envergure, puisque, paramètre essentiel du vivant, la gravité n’a, à l’inverse de la température ou de l’humidité, jamais varié sur Terre. Le postulat est de supposer que des vignes qui auront survécu à un stress aussi élevé qu’une absence de gravité, auront une meilleure capacité de résistance dans un contexte de changement climatique.
Suite à une analyse microscopique détaillée, les sarments ont été plantés quelques jours après leur retour, pour partie dans les serres de l’ISVV, et pour l’autre en Vendée, dans les serres du Groupe Mercier, leader mondial dans la production de plants de vigne et la création de vignobles. Les premiers effets de l’absence de microgravité sur ces végétaux se sont fait sentir après quelques semaines : une croissance plus rapide sur les sarments spatiaux que sur les sarments restés sur Terre, avec notamment l’apparition de bourgeons.
Piste prometteuse
Les prochaines étapes du programme de recherche prévoient de nouvelles analyses chimiques sur le vin, pour comprendre l’impact de l’environnement spatial sur son vieillissement et ses composants (goût, arôme, couleur, polyphénols, fermentation, bactéries, levures …) Les recherches se poursuivent également sur les sarments de vigne, en collaboration avec l’Université FAU Erlangen (Allemagne) et le Groupe Mercier, sous l’égide du directeur scientifique de Space Cargo Unlimited, Docteur Michael Lebert. A terme, l’ambition est aussi de mesurer si, outre les aptitudes de ces plantes dans un contexte de réchauffement climatique, elles possèdent une meilleure tolérance à des maladies de la vigne, telles que le mildiou.
« Même s’il est encore prématuré d’apporter des réponses scientifiques, ces premières observations valident l’approche innovante et inédite de Space Cargo Unlimited, qui consiste à utiliser l’espace comme nouvelle dimension de la recherche pour l’avenir de l’agriculture sur Terre », se réjouissent Emmanuel Etcheparre et Nicolas Gaume.
Encouragé par ces premiers résultats prometteurs, Space Cargo Unlimited élabore actuellement la quatrième expérience du programme Mission WISE, prévue l’année prochaine, et entend tester la fermentation en apesanteur.
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