Mercredi 5 Février 2025
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Date
24.10.2018
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Cet ancien informaticien, revenu sur la propriété familiale, ajoute peu à peu à la gamme traditionnelle des champagnes à forte personnalité, qui reflètent sa passion pour l’univers de la mythologie et du cosmique, ainsi son goût pour les vins peu dosés. Des bulles sur orbite ?
La vie est pleine de surprises, pleine de détours, pleine d’opportunités, et il n’est jamais trop tard pour devenir vigneron ! Qui eut crû qu’un ancien informaticien, passionné de jeux de rôles, de constellations et de batailles spatiales soit un jour l’auteur de bulles mythologiques et sidérales ?!
Arnaud Moreau est né dans une famille vigneronne – 4 ha dans les pinots noirs du grand cru Bouzy – mais, enfant, ne rêvait que d’ aller voir ailleurs. Ses études informatiques l’amènent rapidement à Paris puis dans différentes filiales d’IBM en France et à l’étranger. Sa vie se déroule dans le monde du logiciel et de l’internet, avec ses hauts et ses bas.
Mais en 2007, le père d’Arnaud décède, et c’est un élément déclencheur bien plus profond que prévu. Beaucoup de choses se bousculent dans la tête d’Arnaud qui traverse une transition professionnelle. Les valeurs terriennes remontent à la surface, en même temps de nombreuses interrogations. La réponse émerge peu à peu : « Je ne pouvais pas laisser tomber ça, c’est un patrimoine familial, ce sont mes racines », commente l’ancien informaticien.
Néo-vigneron
Deuxième vie. Redémarrage à zéro. Période trépidante, période de dangers aussi, de tracasseries administratives, de problèmes en tout genre. Apprentissage à zéro et au pas de gymnastique – mi sur le tas, mi sur les bancs de l’école d’Avize.
Avec quelques années recul, Arnaud se dit qu’il a eu de la chance, soutenu par sa mère, accompagné par la coopérative du village, par les structures champenoises d’aide à l’installation. Heureusement l’exploitation est bien en place, possède un matelas de clientèle particulière plutôt résiliente, des stocks salutaires, un négoce acheteur de raisins pour les besoins ici et là de trésorerie… Arnaud a passé le chenal.
L’exploitation reprend le chemin de la croissance : 7000, 10 00 cols, les 16 000 en ligne de mire à court terme. L’ancien commercial est aussi très lucide. « Il y avait besoin d’une stratégie commerciale. J’ai tout de suite structuré les tarifs, rajeuni l’identité graphique, et en parallèle je n’ai jamais lésiné en voyages ou en salons ou pour présenter mon champagne auprès des clients. » C’est aussi la création de deux chambres d’hôtes et la porte toujours ouverte pour accueillir des visiteurs de passage dans son village de Bouzy.
Peu à peu le néo-vigneron a aussi apporté sa patte à la gamme, travaillé les dosages, pioché dans les vins en réserve. Sa gamme traditionnelle est aujourd’hui bien implantée sur une approche mûre, ample et fruitée : le brut (18,30 €) et ses notes mirabelle ; le Réserve grand cru (21 €) où un temps d’élevage plus long adjoint du brioché et de l’amande.
Il y a ajouté quelques champagnes d’auteur, beaucoup plus « caractériels », qui reflètent sa personnalité. Ainsi L’Odyssée (celle du héros grec Ulysse, mais aussi l’odyssée personnelle d’Arnaud Moreau) dont l’habillage fait référence à l’Antiquité. Un 2004-trésor, stock de quelques milliers de bouteilles présentes en caves, où la richesse des arômes – réglisse, miel, noix de macadamia – côtoie la tension du « zéro dosage ». Un champagne qui a déjà convaincu plusieurs très grands étoilés de la région de Courchevel, pour de la haute-gastronomie (bisque de homard, poularde aux morilles). 50 €.
Arakis, l’étoile double
Quand au dernier né de la gamme, « Arakis » (25 €), c’est clairement un champagne engagé où Arnaud Moreau dévoile tout un pan de sa personnalité. « J’ai toujours été fasciné par la mythologie et le fantastique, par l’espace et le cosmos, par les dragons, reconnaît-il les yeux brillants, tandis qu’un tatouage reptilien dépassant sur son cou conforte ses dires. Dans la constellation du dragon, il y a une étoile incroyable baptisée Arakis. C’est une étoile double. Elle résume à elle seule tout mon univers onirique, l’aspiration vers la perfection, et ce champagne est pour moi un aboutissement». Dans la bouteille au packaging tatoué lui aussi d’un dragon à l’or chaud , le champagne déroule une bulle tendue et aérienne, mi iodée-mi fruitée (pomme), empruntant ici et là aux épices des tonalités mystérieuses. Une dualité à la fois lumineuse et profonde, peut-être comme l’étoile double Arakis ?
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