Jeudi 31 Octobre 2024
Le château de Saumur ©I. Bachelard
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31.10.2024
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La multiplication des appellations et des Dénominations géographiques complémentaires (DGC) serait-elle anarchique dans la Loire ? C’est sans compter sur les Confidentielles de Loire, l’événement qui réunit 32 AOP et DGC issues des plus petits terroirs identifiés de la région. L’occasion de faire le point et d’apprécier les crus du Muscadet et de l’Anjou, les futurs crus de Saumur, les DGC de Touraine, les AOP de la vallée du Loir et du Haut-Poitou.
InterLoire réunit sous la même bannière « Vins de Loire », trente-quatre appellations et une IGP. La Loire, plus long fleuve de France, relie entre elles ces identités, des incontournables aux volumes conséquents : Cabernet d’Anjou, ou encore Crémant de Loire, porte-drapeau, en France et à l’export, aux plus confidentielles. Pour rejoindre cette catégorie, il faut produire moins de 7 000 hl/an (sur une moyenne des cinq dernières années) et vouloir affirmer son identité !
Parmi les appellations confidentielles, certaines sont anciennes et bénéficient de leur antériorité, pour cultiver une réputation, comme Jasnières, dans la vallée du Loir, qui date de 1937. Le muscadet peut se prévaloir de la même antériorité, sans pour autant entrer dans la catégorie des « confidentielles »… sauf pour ses DGC, les crus communaux. Aujourd’hui, dix sont recensés et produisent des vins qui gagnent à être connus, grâce à un long travail collectif sur la qualité et l’identification des terroirs. Comme avec le muscadet Clisson du domaine Bruno Cormerais, « à la racine du Massif armoricain », la dégustation est portée par la rondeur et le gras des grands blancs de gastronomie, tout en conservant une note saline.
En Touraine aussi, la dénomination géographique représente une opportunité pour distinguer les différents terroirs. L’importance des sables de Sologne, qui protégèrent le sauvignon blanc du phylloxera à Oisly, est reconnue à partir de 2011. Le savoir-faire des vignerons de Touraine-Oisly pour des sauvignons maîtrisés, sur les fruits exotiques, davantage que sur l’acidité, est désormais protégé. De même, Touraine-Amboise peut afficher ses lettres de noblesse : « Dix-sept ans furent nécessaires pour accéder à l’appellation communale, et consacrer l’importance du cot (aussi appelé malbec dans le sud-ouest, ndlr) et du chenin pour ce terroir », nous précise Xavier Frissant, producteur de vins de Touraine et de Touraine-Amboise.
Cette dernière est la seule appellation de Loire 100 % cot et joue de cet atout en produisant des vins rouges équilibrés, fruités, avec des nuances florales. Ainsi, aujourd’hui, la Touraine compte 5 appellations communales : Chenonceau, Oisly, Amboise, Azay-le-Rideau et Mesland, qui se distinguent par leurs terroirs et leurs cépages de prédilection…
Cépage ou AOC, nous avons l’habitude d’opposer les deux approches. L’exemple de la Loire illustre que d’un côté ou de l’autre, le sectarisme est toujours réducteur. L’appellation Saumur blanc entreprend de faire reconnaître six nouvelles DGC : Berrie, Brézé, Brossay, Courchamps, la Côte et Puy-Notre-Dame, pour mieux valoriser les vins blancs issus de chenins secs. Parallèlement, les appellations trouvent aussi leur compte dans la mise en valeur de leurs cépages. Sans le pineau d’Aunis, les coteaux-du-vendômois n’auraient pas cette singularité, et les vins rouges issus de ce cépage, à la fois friand et poivré, ne seraient pas mis en valeur.
Et que dire de l’initiative de #fandechenin ? Philippe Porché, du domaine de Rocheville, assume très bien les deux casquettes : président de l’appellation Saumur blanc et de « Fan de Chenin ». Il participe activement à la protection et au développement d’une appellation tout en assurant la promotion d’un cépage unique, « véritable passeur de terroir », commun à des producteurs de la Loire et jusqu’en Afrique du Sud. L’ambition de « Fan de chenin » : hisser haut la bannière du cépage, pour aider les différentes appellations qui le travaillent à se positionner sur ses nuances : sec, demi-sec, moelleux ou fines bulles.
À l’heure où la résilience devient un concept un peu galvaudé dans le domaine du management de la crise, les vignobles de Loire peuvent se prévaloir de leur diversité, ancienne et toujours cultivée, pour absorber les fluctuations du marché. La répartition entre les couleurs : 36 % de blancs, 28 % de rosés, 19 % de rouges, 17 % de bulles, atténue l’impact de la baisse de consommation de rouges. Les vins de Loire, alors que les habitudes de consommation sont en pleine mutation, ont plus d’un argument à faire valoir… peut-être autant que d’appellations. Ainsi, même les plus confidentielles participent de cette stratégie collective : AOC is not dead !
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