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Les coopératives jouent le réseau pour mieux s’en sortir

bouteilles rosés

Gamme des rosés Estandon ©F. Hermine

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

11.03.2025

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Face à l’adversité et la crise structurelle qui touche particulièrement les coopératives viticoles, certaines ont choisi depuis déjà plusieurs années de se regrouper pour mutualiser leurs moyens. En salons ou en forces commerciales.

Cela ne résoudra pas tout mais bien pensées, les solutions partagées permettent déjà de faire quelques économies. C’est dans ce cadre qu’une douzaine de coopératives ou unions font salon commun à Paris depuis l’an dernier. Une manifestation baptisée Terra Nostrum qui s’est tenue en février dans les locaux de la prestigieuse école de restauration Ferrandi à Paris (17ème) pour susciter l’intérêt des professionnels du secteur traditionnel et des prescripteurs.

Expliquer les nouvelles cuvées 

« Il s’agit de mettre en valeur nos terroirs avec les caves leaders dans leur région », précise Murielle Chardin-Frouin, responsable marketing de la cave de Tain (26). « Et de rester en contact avec le terrain au vu du contexte pour recruter de nouveaux consommateurs. Pour cela, nous mettons en avant nos innovations, les sélections parcellaires et surtout les cuvées bio de plus en plus importantes ».

Pour Jean-Jacques Chezaud, responsable du secteur traditionnel à la cave de Tutiac (33), « un salon confidentiel permet d’offrir aux cavistes, aux CHR, aux grossistes et à la presse spécialisée des moments privilégiés, contrairement à Wine Paris où on est noyé au milieu de milliers de personnes. On a plus de temps pour expliquer ce que l’on fait, le bio, nos expérimentations avec de nouveaux cépages et même ce qu’est réellement une cave coopérative. C’est aussi une occasion d’échanger avec nos confrères ». 

Pour Emmanuel Hénon, directeur de Chassenay D’Arce (10) en Champagne, cela donne l'occasion de montrer que l’on a « beaucoup travaillé sur les packagings en épurant les étiquettes, sur l’identification des parcelles, exposer la diversité de la gamme et surtout de montrer que l’on sait faire autre chose que du pinot noir avec des nouvelles cuvées notamment celles avec du pinot blanc et du meunier. Nous expliquons aussi aux cavistes pourquoi nous avons supprimé les étuis, remplacés par des sacs en papier kraft, plus développement durable ».

Étoffer la distribution

 « Ce type d’événement peut nous aider à développer le secteur traditionnel, en particulier avec des vins plus haut de gamme qui souffrent moins actuellement que le milieu de gamme  », précise Pierre Cohen, directeur du Cellier des Princes (84). « Nous avons construit pour ce circuit une ligne  spécifique d’une trentaine de références de crus de la vallée du Rhône qu’il faut faire connaître aux metteurs en marché et nous en profitons pour étoffer notre portefeuille d’agents ». Chez Vinovalie, on s’attache à rebattre la campagne pour élargir ses distributeurs et mieux s’implanter en Île-de-France. « Il faut refaire déguster nos vins comme avant et on le fait peu finalement à Paris. Nous devons nous intéresser à tous types de détaillants, pas seulement les cavistes mais les bouchers, les épiciers, les corners »., précise Christophe Abadie, son directeur commercial. « On avait opté ces dernières années pour une commerciale parisienne mais elle était isolée de la base et il faut plutôt renouer avec les anciennes méthodes, revenir à des agents qui viennent du Sud-Ouest avec leur accent car ça plait beaucoup à Paris. En buvant un pot au comptoir, on sympathise, on trouve des contacts et il ne faut pas oublier que les brasseries sont très liées dans la capitale ».

Un réseau européen de 400 cadres

Philippe Brel, directeur de l’union coopérative Estandon croit beaucoup à cette coopération inter-entreprises. « C’est plus simple quand on partage les mêmes valeurs ». Et de rappeler l’historique du regroupement d’une quinzaine de coopératives en 2007, d’abord basé sur la réunion des directeurs. Elles sont aujourd’hui 35 autour de la table s’appuyant sur une dizaine de commissions thématiques. Chaque coop choisit celles auxquelles elle souhaite participer avec un engagement d’un an : Ressources Humaines, Qualité, Gestion, Informatique, RSE et bientôt une commission sur le climat et le bilan carbone. « Il est indispensable d’échanger les bonnes pratiques pour se professionnaliser et résoudre des difficultés comme l’accès aux clients ». D’où l’organisation de deux salons par an, le Wine Rendez-Vous à l’automne depuis 3-4 ans qui accueille les acheteurs étrangers au Pullman Tour Eiffel (une vingtaine de coops participaient à la dernière édition) ; et le Terra Nostrum (2e édition en 2025) pour rencontrer les prescripteurs français.

bouteilles de vin
Salon Terra Nostrum ©F. Hermine

Certaines coops adhérentes de l’UNSCV (Union Nationale de Services des Coopératives Vinicoles) ont par ailleurs créé des filiales communes à l’export comme Vinergie Allemagne ou le bureau de vente Casal en Chine. L’UNSCV, présidée à tour de rôle par Philippe Brel, Philippe Tolleret (Marrenon), et aujourd’hui Olivier Bourdet-Pees (Plaimont), équivaut « à un réseau d’entreprises européennes de 400 cadres et en même temps de pme régionales, parfois même concurrentes dans la même région mais qui fonctionnent en toute démocratie et en acapitalisme [basé sur une économie sociale et solidaire] pour développer le projet collectif », détaille Philippe Brel. « Il est important de passer le message de la qualité en coopération avec des cuvées haut de gamme sans toutefois créer de vins hors cadre ou à la rareté artificielle. Ce ne sont pas des demandes de nos clients ni nos valeurs d’équité ».

Force de vente partagée en GD

Estandon vient de rejoindre un autre regroupement de coopératives et producteurs-négociants, CJW qui fédère déjà Cellier des Dauphins, Jaillance, Wolfberger, Veuve Ambal, Sieur d'Arques, Bonfils, Champagne Jacquart et Montaudon. Créée en 2005 pour bénéficier d'une force de vente partagée spécialisée dans la grande distribution française, la structure visite plus de 2000 hypers et supermarchés par an avec une fréquence mensuelle pour développer le référencement, la promotion des marques, leur positionnement... A elles seules, la dizaine d'entreprises représentent plus de 30 millions de cols. Fin 2024, trois structures coopératives, Loire Propriétés en vallée de la Loire, Rhonéa en vallée du Rhône méridionale et l'Union de Producteurs de Saint-Emilion (UDPSE), ont fondé Distribution Vignerons Réunis (DVR) pour profiter d'une force commerciale commune afin de renforcer leur présence en GD. L'union pourrait donc bien faire la force, en particulier sur le secteur fortement concurrentiel de la GD.