Dimanche 22 Décembre 2024
©F. Hermine
Auteur
Date
25.10.2023
Partager
Philippe Austruy, propriétaire de la commanderie de Peyrassol, du château Malescasse et de Tenuta Casenuove, a métamorphosé en une décennie la Quinta de la vallée du Douro avec la collaboration de Stéphane Derenoncourt pour les vins.
Philippe Austruy est arrivé presque par hasard dans la vallée du Douro. Cet acteur majeur dans le secteur de la santé cherchait il y a dix ans à construire une maison de retraite au Portugal. Il rencontre un jour José, propriétaire d’un vignoble près de Pinhão, à 2h de route de Porto, qu’il souhaite vendre. « J’ai demandé à Stéphane Derenoncourt qui travaillait déjà sur mes propriétés de Peyrassol en Provence et Malescasse en Haut-Médoc, de venir voir l’endroit avec moi, raconte Philippe Austruy. On est tombé littéralement amoureux de l’endroit. Après le premier émerveillement dans ce paysage magnifique, Stéphane s’est baladé dans les vignes, a goûté la terre et ce schiste que l’on ne trouve quasiment nulle part ailleurs et en a vu tout de suite le potentiel mais il fallait restaurer et restructurer les vignes en mauvais état et la Quinta, dans son jus. Tout était à refaire et on est parti pour neuf ans de travaux ».
Renaissance des portos, naissance des vins
La Quinta da Côrte avec ses 25 hectares de vignes et cinq d’oliviers est confiée aux bons soins de la vigneronne Marta Casanova avec la collaboration, côté vins tranquilles, de Stéphane Derenoncourt et de son équipe. L’œnologue consultant se souvient aussi de sa première rencontre avec « cet endroit incroyable, sans doute le plus beau vignoble du monde mais avec des parcelles peu homogènes et compliquées à travailler, qu’il a fallu rééquilibrer. Je savais que ça allait prendre du temps mais que l’on pouvait arriver à faire des grands vins identitaires en gardant les cépages locaux et je voulais devenir l’ambassadeur de ce schiste. Le plus difficile ici est de combattre le soleil et de garder du minéral dans les vins. Après dix ans, je pense que nous sommes arrivés à faire des vins aériens, fruités, floraux et épicés ».
Du temps des familles Pacheco & Irmaos, les précédents propriétaires, la Quinta produisait surtout du raisin et quelques lots de vins de porto vendus aux grandes maisons telles Delaforce, Croft, Taylor’s, Ramos Pinto. Elle élabore désormais ses propres portos en single quinta, et des vins tranquilles, d’abord en rouges à base principalement de touriga nacional, touriga franca et tinta cao, et depuis le millésime 2019, un Côrte blanc à partir de viosinho.
Des travaux titanesques
Pour fêter les 10 ans de la Quinta, Stéphane et Marta ont isolé à partir de la belle vendange 2021 un lot exceptionnel pour produire un très grand rouge, le TNX (traduire Touriga Nacional sur Schistes) élevé 16 mois en barriques de 500 l. (650 bouteilles). Une expression épurée alliant puissance et élégance pour un vin frais et minéral sur des notes de fruits noirs, de graphite, eucalyptus, poivre et des tanins enrobés.
Ces grands vins ont bénéficié de lourds investissements. Philippe Austruy tout en faisant restaurer et moderniser la cave à portos a initié la construction d’une nouvelle cave pour les tranquilles. Un chai ultra contemporain sur trois niveaux avec une vue panoramique sur la vallée du Douro, confié à l’architecte designer Pierre Yovanovitch. « Il a nécessité des travaux titanesques pendant 4-5 ans car il a fallu creuser dans la colline à une profondeur de près de 20 m pour un fonctionnement par gravité », précise Stéphane Derenoncourt. Tout est jeux d’ombres et de lumières dans ce chai en schiste, bois et béton, avec ses vastes volumes, son escalier majestueux, ses voûtes croisées d’ogives blanchies à la chaux, la salle de dégustation avec sa grande table en béton bleue, ses canapés en chêne massif…
Œnotourisme entre art et vin
En parallèle, Philippe Austruy a également confié à Yovanovitch la restauration de la ferme du XIXe qui propose désormais une douzaine de chambres d’hôtes. « Je voulais à la fois de grands vins, un espace de dégustation et un habitat touristique pour accueillir les visiteurs et les amateurs de vins dans un lieu magique marqué par l’authenticité et dans le respect de la tradition de la région, un lieu à la fois simple et raffiné, spectaculaire et fonctionnel, offrant une expérience unique » commente Philippe Austruy. A l’intérieur, de nombreuses œuvres d’art, notamment une lampe suspendue signée par le maitre verrier Matteo Gonet, une grande table en bois dessinée par la céramiste Laura Carlin. Une mosaïque, un assemblage pourrait-on dire, de meubles chinés, d’antiquités portugaises, d’œuvres d’art du XXe siècle et de créations originales au résultat éblouissant. Sur la magnifique terrasse qui embrasse le paysage classé patrimoine mondial de l’Unesco, une table d’hôtes sous les arbres. Sur un promontoire un peu plus haut, une piscine intégrée dans le schiste.
Alors que les travaux en vignes, en chais et à la ferme sont quasiment terminés, Philippe Austruy annonce de nouveaux projets. Après avoir racheté le bar du village de Vanlença do Douro perché au-dessus de la quinta, il envisage d’en faire un restaurant. Il projette également de créer une « université de la conduite de la charrue » : « Nous allons acheter chevaux et charrues pour former des jeunes à ce travail en voie de disparition. La majorité des terrasses doit être travaillée au cheval afin de ne pas détruire les restanques pour faire passer des tracteurs, Nous allons donc installer une écurie dans le village et les aider à créer leur entreprise en tant que prestataire pour le travail de la terre ». De quoi occuper les prochaines années.
Articles liés