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Les vins de Provence vont prendre la température aux Etats-Unis

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

11.04.2025

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Avec environ 40 % des exportations à destination du marché américain, les vins de Provence sont suspendus à la menace des taxes Trump. Ils vont donc aller sonder les professionnels outre-Atlantique pour affiner une nouvelle stratégie.

« Quand on avait pris 25 % lors du premier mandat Trump, on avait perdu 7% de volumes que l’on avait rattrapés progressivement car il restait un certain dynamisme sur le marché américain » analyse le président des vins de Provence Eric Pastorino. « Ce n’est hélas plus le cas actuellement, et à l’époque, les taxes ne concernaient pas le vrac, ce qui avait sauvé quelques opérateurs. De nouvelles taxes pourraient pénaliser les petits producteurs qui ne pourraient pas forcément continuer à exporter, quant aux plus gros, ils croient toujours aux négociations ».

Une tournée était prévue de longue date aux Etats-Unis en mai prochain après le salon Vinexpo America à Miami où le CIVP (Conseil Interprofessionnel des Vins de Provence) accompagne une dizaine d’opérateurs. « Nous irons au Texas et à New York avec l’organisation d‘un diner et d’une conférence de presse et nous irons voir les importateurs sur place pour prendre la température et savoir si l’on maintient les efforts sur ce marché car c’est notre plus gros budget ». En 2024, environ 40% des expéditions à l’international des vins de Provence étaient à destination des Etats-Unis. « Il est évident que nous devons nous attacher à trouver de nouveaux marchés, même avec de petits débouchés comme en Asie du Sud-Est pour la clientèle touristique, même si ça ne compensera qu’à la marge ».

La GD à la peine

« Le contexte est rude mais au vu de la situation dans d’autres régions , on ne peut pas dire que la Provence va mal, » avoue Brice Eymard, directeur de l’interprofession. « On constate néanmoins un tassement des ventes de l’ordre de 4% en 2024 mais ce n’est pas vraiment une crise même si l’on prend de plein fouet le contexte défavorable avec l’effet inflation conjugué à une mauvaise météo qui impacte forcément davantage les rosés ». Sans surprise, les effets se font surtout ressentir en grande distribution à – 6%, mais à un prix moyen stabilisé à 6,9 €. L’export en 2024 était même en légère progression en volume (+1% mais -3% en valeur) avec un rebond en fin d’année qui correspondait à l’anticipation des taxes Trump. 

Les prix se sont certes détendus sur le vrac en début de campagne « mais cela nous permet de regagner en compétitivité ». Les derniers chiffres sont plutôt optimistes avec des stocks maîtrisés par la distillation, le déclassement et une récolte faible à 1,1 million d’hl. « Le message de réserve pour ne produire que ce que l’on peut vendre est bien passé avec un début de campagne sain et un vrac dynamique », estimait le président Eric Pastorino il y a encore quelques semaines. « 2025 ne sera pas l’année de la reprise mais au moins celle de l’équilibre ». C’était sans compter les coups de boutoirs trumpistes.

Portrait Brice Eymard Eric Pastorino CIVP
Brice Eymard et Eric Pastorino ©F. Hermine

D’autres chemins

La récente augmentation des cotisations de 1 €/hl témoigne du dynamisme de l’interprofession qui entend bien continuer à investir. D’abord dans l’œnotourisme : « Malgré les nombreux freins administratifs et réglementaires à l’investissement soulevés lors d’une journée juridique organisée par le syndicat des Côtes-de-Provence, il est important de mettre tous les intervenants autour de la table et de susciter les échanges pour faciliter l’accès à l’administration » insiste Eric Pastorino. « On doit amener le consommateur aux vins par d‘autres chemins ». Notamment en travaillant les leviers de croissance comme le CHR et les cavistes. Pendant les JO, une décoration en vitrophanie avait été mise en place chez une vingtaine de cavistes parisiens qui devaient s’engager à commander de nouvelles références de vins de Provence. Mais tous n’ont pas joué le jeu. « Nous avons donc estimé que faire la promotion des ventes n’était pas assez efficient. Nous allons donc nous orienter vers la formation des distributeurs, mieux expliquer l’AOP et ce qui nous distingue et pas seulement une couleur pâle dans une belle bouteille ; l’idée est d’initier un travail de fond auprès des grossistes car offrir des sets de table et des goodies, ça n’avance plus à rien ».

Plancher sur les blancs

Si les blancs sont passés depuis deux ans de 4 à près de 6%, la production provençale caracole toujours à 90% de rosés. « Nous n’avons pas encore constaté un fort engouement pour la couleur et une explosion des ventes », avoue Brice Eymard. « Nous préférons garder la tête froide et nous méfier des tendances. Car celle-ci semble plutôt générationnelle avec peu de volumes et les rosés ont encore du potentiel ». Le blanc reste donc une niche à progression douce, à l’étude en matière de plantations. Les producteurs sont d’autant plus frileux qu’ils ont été confrontés au dépérissement du rolle il y a 20 ans. L’avantage est un possible « recyclage » dans les assemblages de rosés. D’où une réflexion en cours pour décider ou non d’augmenter la part de blancs autorisés dans l’encépagement, actuellement limitée à 20%.

Front commun

La Provence avec ses trois AOP va monter au front en rangs élargis puisqu’elle vient de signer la création de la Fédération des AOP de vins de Provence avec Bandol, Cassis, Palette, Baux-de-Provence et Bellet. La nouvelle structure fédérative présidée également par Eric Pastorino se veut « le prolongement des ODG existantes pour réfléchir collectivement à l’avenir de nos AOP et mutualiser nos moyens pour renforcer leur valorisation ». Elle est structurée en quatre pôles de compétences : Défense et protection du nom pour

empêcher le détournement de notoriété et la contrefaçon; Technique pour la coordination et la mise en œuvre du Plan Climat afin de faciliter l’adaptation du vignoble au réchauffement climatique ; Affaires Publiques pour devenir force de proposition sur les sujets viticoles et les orientations nationales et européennes concernant la filière ; Dématérialisation afin de mettre en place une plateforme unique pour les déclarations directement en ligne. Chaque ODG conserve toutefois la gestion autonome de son cahier des charges.

Quelques chiffres

Récolte 2024 ;

Cotes-de-Provence : 805 807 hl (pour 20 314 ha), soit 71,3 % du total Provence

89,6 % en rosé, 5,5 % en blanc, 4,9 % en rouge

Coteaux d’Aix-en-Provence : 201 984 hl (pour 4261 ha) soit 17,9 % du total

84 % en rosé, 10 % en blanc, 6 % en rouge

Coteaux Varois-en-Provence : 122 348 hl (pour 2866 ha) soit 10,8 % du total

90,7 % en rosé, 4,4 % en blanc, 4,9 % en rouge