Mardi 5 Novembre 2024
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05.03.2020
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Les vins européens ont pour l’instant échappé aux droits de douane, de 100%, dont l’administration Trump les menace, mais l’industrie viticole n’a pas pour autant sabré le champagne au salon Vinexpo à New York.
« Il y a tant d’incertitudes », soupire Philippe Chainier, dont le domaine familial dans la Vallée de la Loire n’en est pourtant pas à sa première crise.
Les producteurs européens de vin doivent en effet faire face à la morosité du marché britannique post-Brexit, à une surabondance de vins californiens, et désormais à l’épidémie de coronavirus.
Mais les droits de douane à 25% imposés par Donald Trump en octobre restent au cœur des préoccupations, ainsi que l’épée de Damoclès d’une deuxième salve de tarifs douaniers, à 100%, que le président menace d’appliquer sur certains vins français.
Steve Melchisey, fondateur de l’importateur US Wine West, explique qu’il a plus que doublé ses stocks et négocie avec les producteurs pour partager le coût des taxes.
Il réfléchit également à modifier la provenance des vins qu’il achète, à la lumière de ces 25% de droits de douane, qui, selon de nombreux acteurs du secteur, pourraient rester en place pendant un bon moment.
Car seuls les vins ayant un degré d’alcool de 14% ou moins sont imposés, ce qui met de facto sur la touche les vins français légers de Loire ou de Bourgogne, tandis que ne sont pas concernés les vins espagnols ou du sud de la France – Bordeaux, Côtes-du-Rhône, Languedoc – qui ont un degré d’alcool naturellement plus élevé du fait du climat ensoleillé.
Résultat : « nous importons moins de vins de Loire qu’auparavant, moins de Bourgogne, moins de vins des régions plus froides de la France », devenus plus onéreux à cause des droits de douane, détaille Steve Melchisey, soulignant que la menace est désormais « existentielle » pour ces productions.
Pour compenser, « nous nous tournons vers l’Australie, le Chili, l’Argentine, la Nouvelle-Zélande », énumère-t-il.
Certains producteurs s’arrangent pour être juste au-dessus des 14%. Philippe Chainier, dont les Etats-Unis sont le plus important marché à l’export après la Grande-Bretagne, assure qu’il préfère travailler avec les importateurs pour partager le surcoût lié aux droits de douane, mais refuse d’ajuster sa production pour monter le niveau d’alcool. « Nous voulons conserver notre identité », dit-il.
Aubaine
Pour les producteurs de vins avec un degré d’alcool plus élevé, en revanche, ces taxes sont une aubaine. Vignobles Gabriel & Co., qui regroupe une quarantaine de producteurs de Bordeaux, a revu son catalogue, et mis en avant les vins à plus de 14 degrés d’alcool. « On n’est pas taxés, c’est vraiment une opportunité pour nous », se réjouit son directeur, Jean-François Réaud. Le marché américain représente 15% des ventes de l’entreprise, qui fournit notamment le spécialiste de la vente en gros Costco.
Les droits de douane imposés par Donald Trump ont également épargné l’Italie, qui a toutefois eu un amer avant-goût de la menace de droits de douane à 100% brandie par le président.
Les importateurs ont en effet repoussé leurs nouvelles commandes, qui sont, depuis, revenues à la normale. Mais les craintes persistent chez les importateurs américains.
Ainsi, Mauro Sirri, du Celli, qui exporte aux Etats-Unis des vins de la région d’Emilie-Romagne, évoque l’un de ses clients de Caroline du Nord, qui se posait la question de ne plus acheter en Europe au profit d’autres marchés, pour ne pas prendre le risque de subir un surcoût. « Quand vous vous mettez en tête qu’il y a un danger, il devient difficile d’en sortir », regrette-t-il.
Washington inflige depuis octobre des tarifs douaniers de 25% sur des produits européens, parmi lesquels les vins, en représailles à un vieux conflit autour d’Airbus. Et l’administration Trump menace également les vins français d’une taxation à 100% pour protester contre la taxe sur les géants du numérique mise en place par l’Hexagone. La France a suspendu sa taxe, et les Etats-Unis leurs droits de douane pendant des négociations menées sous l’égide de l’OCDE.
Par John BIERS pour AFP
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