Vendredi 22 Novembre 2024
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17.07.2023
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Longtemps resté dans l'ombre du château Giscours auquel il était rattaché depuis plus de vingt ans, le château du Tertre, 5ème Grand Cru Classé de Margaux, vole de nouveau de ses propres ailes, depuis la reprise de son exploitation par la famille Helfrich (Grands Chais de France) en 2021. Un nouveau chapitre est ouvert, porté par de grandes ambitions.
L'histoire du château du Tertre remonte au moins au XVIe siècle mais c'est véritablement au cours du XVIIIe que la propriété a pris son essor, sous l'influence de la famille Mitchell, à l'origine de la Verrerie Royale de Bordeaux. Au cours de son histoire, le domaine margalais, reconnu 5ème Grand Cru Classé lors du classement de 1855, va passer entre les mains de plusieurs grandes familles : dans la seconde moitié du XXe siècle, ce sont les Gasqueton (alors à la tête de Calon-Ségur) qui vont restructurer le vignoble suite au gel de 1956 ; puis, à partir de 1997, la famille néerlandaise Albada Jelgersma, propriétaire de Château Giscours, reprend les rênes. Bien qu'elle en fasse un vrai lieu de vie et, à ce titre, investit fortement pour rénover la maison comme l'outil technique (avec l'édification d'un nouveau cuvier en 2008 et une nouvelle restructuration du vignoble), Château du Tertre reste toujours un peu dans l'ombre de Giscours, se voyant relégué au rang de sympathique « petit frère ».
Tout (re)part du terroir
La reprise de la propriété en 2021 par la famille Helfrich, à la tête du groupe Grands Chais de France, a amorcé un nouveau chapitre dans la destinée du domaine, qui (re)vole désormais de ses propres ailes. Les Helfrich ne sont pas propriétaires du foncier (c'est le groupe d'assurance CNP qui l'est) mais a la charge pour 25 ans de l'exploitation du domaine, avec la mission de le faire progresser en qualité, précision, reconnaissance et régularité. Pour ce faire, ils ont désigné dès leur arrivée une nouvelle direcrice, Cynthia Capelaere, forte d'une très solide expérience dans le monde du vin qui l'a déjà menée de l'Australie à Ducru-Beaucaillou, puis au château Villemaurine à Saint-Émilion.
La feuille de route est claire, comme le détaille Cynthia Capelaere : « Le château du Tertre a un formidable potentiel que nous devons hisser à son maximum. Notre priorité est d'achever le plan de restructuration et d'optimisation du vignoble qui avait été mis en place par les précédents propriétaires. 40 hectares sont aujourd'hui plantés sur 52 potentiels, nous adaptons au mieux notre densité de plantation, notre matériel végétal et notre encépagement en fonction des sols, qui ont été profondément examinés en 2008 avec Kees van Leeuwen de l'ISVV (Institut des sciences de la Vigne et du Vin). Le vin étant une école de patience, nous savons que dans 25 ans, notre vignoble sera au "top". Sa force vient de ses deux "tertres" de graves et de sables, de respectivement 30 et 22 hectares, qui constituent le cœur du terroir. Tout cela forme les fondations pour affiner le style de nos vins, répondre aux défis environnementaux et climatiques, augmenter nos volumes, et mieux faire connaître notre marque afin de conquérir de nouveaux marchés, face à une concurrence désormais mondiale. »
Un vin blanc atypique à découvrir
Pour faire rayonner Château du Tertre, Cynthia Capelaere a plusieurs atouts dans sa manche : au-delà du terroir et de son potentiel évoqués ci-dessus, un outil technique opérationnel, une offre réceptive de qualité (12 chambres, un espace boutique, des dîners ou déjeuners sur demande, des visites et dégustations, des options de privatisation), un joli stock à la propriété qui permet de travailler sur la commercialisation de millésimes évolués, et depuis 2016, une production de vin blanc atypique (40 % chardonnay, 28 % sauvignon, 20 % viognier, 12 % gros manseng). Le volet technique est assuré par Romain Beurienne, qui a commencé en 2008 comme chef de culture et a supervisé, depuis 15 ans, tout le projet de restructuration du vignoble. Il poursuit aujourd'hui le travail entamé, avec la conviction que ce 5ème Grand Cru Classé a tous les arguments pour venir bousculer la hiérarchie.
Une verticale de plusieurs millésimes (2009, 2010, 2015, 2016, 2018, 2019, 2020) nous confirme cette montée en puissance et en précision, avec une sélection plus drastique appliquée sur la proportion de grand vin à partir de 2016. L'arrivée du consultant médocain Eric Boissenot en 2018 coïncide aussi avec un gain d'éclat, de texture et de profondeur, qui se retrouve en 2019 (à la fois charnu et plein de vitalité) et surtout en 2020, remarquable de densité parfumée et de tannins caressants. Il est important aussi de mentionner la qualité du second vin, Les Hauts du Tertre, qui sur le millésime 2018 décline un fruit gourmand et savoureux qui remporte tous les suffrages (env. 30 €).
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