Vendredi 27 Décembre 2024
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21.08.2012
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A Lectoure dans le Gers, Charles et Charles-Antoine Hochman extraient de leur terroir un vin blanc sec sans aucune chimie. Une cuvée extrêmement rare. Rigueur, patience et poésie…
On ne sait pas encore si « Mirlandes natures » aura une cuvée 2012. Tout dépendra de la météo de ces prochains jours. Celle de 2011 est encore en cuve. La 2010 a été produite à seulement 2000 bouteilles. Une cuvée extrêmement rare. Il n’en reste qu’un millier.
Charles et Charles-Antoine Hochman, du domaine de Mirail à Lectoure (Gers), créent un vin blanc sec totalement naturel, sans aucun traitement chimique. Ni dans la vigne, ni le chai.
Charles, qui a racheté le domaine en 1998 après une vie de commerce international au Japon et à Paris, confie les rênes du domaine viticole à son fils, Charles-Antoine. « Mon père voulait « un vin comme autrefois », narre le trentenaire. Il souhaitait « laisser faire le vin » alors, chaque année, nous sélectionnons une parcelle pour cette cuvée. » Il s’agit véritablement d’une odyssée. Le « Mirlandes natures », raisin à l’état pur, jus du terroir sans quasiment aucune intervention humaine, est le résultat d’une parcelle de fruits parfaits. Du raisin 100% colombard.
« C’est une cuvée aléatoire, explique Charles-Antoine, car nous devons choisir une parcelle de vigne qui soit irréprochable d’un point de vue sanitaire puisque nous n’avons recours à aucun produit chimique pendant la vinification. Nous n’ajoutons aucun intrant, il faut donc que le raisin soit parfait. Sinon, si on laisse vieillir un vin dont le raisin n’est pas bon, il devient trouble, sucré ou pétillant. »
Plus loin que le bio
Le colombard de « Mirlandes natures » pousse sur des sols d’affleurements de roches calcaires du quaternaire, que l’on nomme en Gascogne, avec beaucoup de poésie et pas mal d’accent, le peyrusquet (prononcez, légèrement le « t » final). Les grappes de raisin doivent être espacées pour être aérées et éviter ainsi les maladies. Les rendements sont donc faibles, d’où la rareté de la cuvée. Ajoutez à cela les aléas de la météorologie du ciel estival gersois. « Nous ne savons pas encore si nous pourrons faire une cuvée 2012, avoue Charles-Antoine Hochman. Tout dépendra de la météo, il faut que le temps soit sec jusqu’au 15 septembre. »
C’est là, l’essence-même du travail en agriculture biologique, dans laquelle est engagée le domaine de Mirail depuis 2009. Actuellement en conversion bio, le domaine lectourois produira tous ses vins certifiés « agriculture biologique » en 2013. « Pour « Mirlandes natures », nous avons voulu aller encore plus loin que le bio, raconte celui dont les vins sont déjà placés sur les cartes des grandes tables gersoises. L’idée était d’extrapoler le bio : aucun produit de synthèse dans la vigne, des vendanges faites à la main et une vinification bio comme le stipule la nouvelle charte européenne. »
Il en résulte un vin « gustativement différent des autres 100% colombard » assure Charles-Antoine Hochman. « On retrouve la pureté du minéral, on a l’impression de toucher le terroir. Ce vin a d’ailleurs été salué par des sommeliers et des restaurants gastronomiques ».
Le vin blanc naturel du domaine de Mirail laisse le temps au temps et s’exprimer le terroir dans sa robe, son nez et sa bouche. « Il existe un décalage de millésime puisque nous réalisons les filtrations naturelles en barriques, détaille le vigneron, afin que le vin se clarifie de lui-même. Des barriques qui ont déjà servi pour éviter qu’elles donnent un goût de bois. » Le temps que la cuvée 2011 achève son processus et on pourra la déguster dans six mois. Pour Noël.
Tendance nature
Alors que les palais des amateurs de vin s’avèrent souvent formatés par les habitudes, « Mirlandes natures » bouscule l’accoutumance. Il existe pourtant un marché pour les vins nature. A Paris notamment, c’est la grande tendance. « Mais moi, ça m’amuse beaucoup plus d’essayer de vendre mon vin aux gens d’ici, sourit le taquin vigneron, un brin provocateur. Car les Gascons sont moins sensibles au baratin alors qu’à Paris c’est une mode pas toujours fondée sur la qualité intrinsèque du produit… » Et pan, sur le bec !
En 1998, lorsque son père achète les 30 hectares de vigne et le domaine autrefois propriété de campagne du baron de Bastard qui produit du vin depuis le XVème siècle, Charles-Antoine, tout juste 25 ans, change de destin. « Je m’orientais vers une vie totalement différente, lâche le laconique néo-Gersois. Je savais à peine conduire un tracteur mais j’ai plongé dans le monde de la viticulture en arrivant ici. J’ai beaucoup lu et me suis entouré de gens qui savent. »
En 2000, Charles, le père, et Charles-Antoine, son fils, décident de planter les vignes à 7000 pieds à l’hectare. Sur une roche calcaire, la vigne est obligée de plonger profondément ses racines, puisant ainsi au plus profond du terroir pour mieux le restituer. En 2005, les Hochman s’orientent vers le bio et s’y engage véritablement en 2009, avec un engrais naturel, un désherbage mécanique et un minimum de traitement chimique au soufre. « Par respect de notre terroir, notre terre, notre patrimoine et notre avenir » argue Charles-Antoine. En 2004, le domaine réalise sa première cuvée de vin rouge. « La fin d’une grande frustration commerciale de ne pas pouvoir vendre toute une gamme. » Parmi les rouges du domaine, le « Peyrusquets 2007 » est issu, comme son nom l’indique, d’un sol d’affleurements de roche mère dure calcaire. Du cabernet-sauvignon et un tiers de merlot. Il est issu de parcelles de vignes à 7000 pieds à l’hectare. C’est un vin de garde au moins dix ans, d’une grande suavité. « Il ressemble à du velours » assure Charles-Antoine Hochman, « avec des notes de cerise noire d’une belle acidité en fin de bouche ».
Aujourd’hui, les vins du domaine de Mirail se vendent notamment aux Etats-Unis, au Canada, en Asie, en Chine, au Japon. La poésie du terroir gascon tout autour du monde.
Gaëlle Richard
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