Lundi 23 Décembre 2024
Moët & Chandon lance le Grand Vintage 2016 ©Moët & Chandon
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18.09.2024
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On se souvient du Grand Vintage 2015, ample, charnu, avec de beaux amers très structurants. Le nouveau millésime 2016 que s'apprête à lancer Moët & Chandon sur le marché, offre un visage plus champenois, tout en délicatesse, en élégance, avec un très bel équilibre entre le fruit et la fleur.
Voilà un millésime qui avait aussi mal débuté que 2024, avec une succession de calamités à peu près identique, un hiver trop doux qui n’avait pas fait son travail, des gelées printanières qui provoquèrent des ravages sur la Côte des Bar avant d'enchaîner sur des pluies et le mildiou qui détruisirent 50 % de la future récolte. Et comme si ce n'était pas assez, il fallut encore subir la coulure, le millerandage, puis l’échaudage pendant l’été. La vendange assez tardive, débutée le 17 septembre, se déroula heureusement sous le soleil. Une particularité notable : on a cueilli à l’envers, en commençant par les chardonnays et en finissant par les meuniers.
Néanmoins, une année difficile pour les vignerons, ne l’est pas forcément pour les œnologues. En l’occurrence, en 2016, la récolte était petite, mais la qualité sanitaire était irréprochable. L’acidité à 7,5 g était bien supérieure à celle que l’on avait pu obtenir en 2015 (5,7g). Quant au degré potentiel, situé entre 9,5 et 10,5, il était assez satisfaisant. « Si vous prenez les 30 plus grands millésimes de la Champagne, seulement six ont été vendangés en dessous de 9,5 », rappelle Benoît Gouez, le chef de caves de Moët & Chandon. L’abondance des pluies au printemps a évité les carences d’azote, si bien que les fermentations se sont très bien déroulées, sans problème de réduction. Après un millésime 2015 très solaire, avec un profil parfois un peu végétal, on revient ainsi à un style beaucoup plus classique et c’est tant mieux !
Benoît Gouez ne boude pas son plaisir : « Quelle satisfaction de goûter un champagne aussi bien intégré, paisible et dont la sérénité ne reflète en rien le chaos climatique qu’a dû affronter la vigne. C’est vraiment un vin sans couture, un peu comme un fondu enchaîné. On part d’abord sur le fruit, de la douceur, avant d’arriver sur une finale plus structurée, mais sans jamais aucune rupture nette. C’est un vintage qui a aussi quelque chose d’assez floral, là où 2015 était beaucoup plus sur le fruit et 2013 sur l’automne. »
Le chef de cave poursuit, « dans le vin, j’ai toujours pensé qu’il y avait une question de place. Plus le fruit est intense, moins il y a de place pour les arômes que développent les levures, ou du moins, mettront-ils davantage de temps à se manifester. Or, la fleur vient justement souvent des levures, quand le fruit est l’expression plus directe du raisin. 2016 est une année complète de ce point de vue. Ce n’est pas une bombe de fruit, cela n’explose pas comme un champagne vendangé en août, le caractère fruité est plus délicat et laisse l’autolyse s’exprimer. »
La proportion très forte de chardonnay (48 %) détonne un peu avec l’assemblage habituel de cette cuvée. « Je pense que l’explication de cette forte représentation, c’est que lorsque la maturité est modérée, vous avez toujours un côté un peu vert et végétal dans le pinot noir. Au contraire, comme les chardonnays cette année-là ont été cueillis après le meunier et le pinot noir, ils étaient plus concentrés et plus séduisants. Ils avaient aussi quelque chose de très vibrant et une belle palette d’agrumes, sans toutefois basculer dans l’exotisme. »
Dans la version rosé, on retrouve à côté des fruits rouges cette dimension florale à travers des notes de rose, d’hibiscus. La maison a beaucoup travaillé au cours des 25 dernières années sur cette cuvée. Il est vrai que la part dans les ventes, que ce soit au niveau de l’appellation ou de la maison, s’est considérablement accrue.
« Cela ne représentait que 3 % de nos ventes en 1998, aujourd’hui, toutes cuvées confondues, nous sommes à 20 %. Je me rappelle lorsque je suis arrivé, Philippe Coulon m’a dit, "Benoît, va voir dans le vignoble si tu peux trouver des raisins pour faire du rouge." Je me suis étonné. "Vous n’avez pas de parcelles fétiches ?" Non… Rien n’était anticipé, c’était du pur opportunisme. Même côté vinification, nous n’avions que quatre petites cuves de macération à chapeaux immergés. Le matériel était si pauvre que l’on pratiquait des macérations très courtes, si bien que la proportion de rouge à l’assemblage atteignait 27 % contre 13 % aujourd’hui. »
Benoît Gouez conclut : « Depuis, nous avons beaucoup investi dans la catégorie, que ce soit au niveau des cuveries où nous pouvons assurer un pilotage beaucoup plus précis, ou des vignes, en identifiant les bonnes parcelles, en travaillant sur le matériel végétal. Ici, ce sont essentiellement des vignes d’Aÿ qui fournissent le vin rouge. »
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