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Moët & Chandon inaugure « Essentia », un conservatoire du vignoble

Auteur

Yves
Tesson

Date

23.05.2024

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C’est aujourd’hui le plus vaste conservatoire privé de vignes au monde, même s’il a reçu aussi le soutien de différents acteurs publics dont le Comité Champagne et de nombreux vignerons partenaires. Implanté sur la commune de Puisieulx, près de Reims, Moët & Chandon l’a présenté à la presse hier à l’occasion de la journée mondiale de la biodiversité. 

L’implication de Moët & Chandon dans la recherche viticole remonte à la création de Fort Chabrol pendant la crise phylloxérique. Cependant, souligne le directeur du vignoble Frédéric Gallois, « depuis l’histoire a fait que l’on a un peu délaissé ces sujets ». Cela jusqu’en 2013, où la Maison face au réchauffement climatique, aux nouvelles attentes sociétales exigeant moins de traitement phytosanitaires, et enfin aux maladies de dégénérescence de la vigne, a réinvesti ce terrain. Elle s’est d’abord intéressée aux porte-greffes à travers la plantation de 7,5 hectares de neuf variétés de vignes mères. Dans un deuxième temps, à partir de 2019, elle a élargi son champ d’investigation en se consacrant à la préservation de la diversité des cépages. L’objectif est d’identifier les individus les plus intéressants au travers d’une large campagne de prospection à travers tout le vignoble, dans les parcelles datant d’avant les années 1970 (donc avant l’apparition des clones), ou dans celles dont on est certains qu’elles sont issues de sélections massales. Tout cela pour aboutir à la constitution d’un conservatoire des cépages.

Il y avait urgence. « Le rythme de renouvellement de notre vignoble faisait que si on ne faisait pas ce travail maintenant, on allait potentiellement perdre toute cette diversité. » Pour réaliser ce travail, la Maison est sans doute la mieux placée de la Champagne. Elle regroupe en effet un vignoble propre de 1200 hectares (qu’elle partage avec Ruinart, Mercier et Dom Pérignon), avec des parcelles dans toutes les régions de l’appellation. Elle peut aussi compter sur un réseau de 2300 vignerons ce qui lui permet de totaliser 6000 hectares. Un grand nombre de vignerons partenaires ont en effet activement participé au projet. « C’est souvent là où on a fait les plus belles découvertes. Ils viennent vous chercher en vous disant, j’ai la vigne de l’arrière grand père, des vieux pieds magnifiques… » explique Félix Bocquet, directeur qualité approvisionnement raisins. Le premier critère a été celui de la préservation de la diversité, donc l’originalité des caractéristiques de chaque pied. « Ce qui fait la force des sélections massales par rapport aux sélections clonales, c’est qu’elles jouent en équipe, il y a des avants de terrains, des milieux, des arrières, tous sont importants. » Mais il s’agissait aussi évidemment d’identifier les vignes les plus adaptées aux nouvelles ou futures conditions climatiques. « Nous essayons en particulier de repérer les pieds qui débourrent tardivement ce qui évite le gel printanier. » Evidemment, la résistance aux maladies a également attiré l’attention. « C’est souvent les années difficiles, où le mildiou par exemple est virulent, que l’on est en mesure d’identifier les pieds les plus intéressants ».

Le conservatoire a été implanté dans la plaine sur la commune de Puisieulx, au pied de la Montagne de Reims. « Le site s’étend sur quatre hectares, 2,5 sont consacrés à la vigne et 1,5 à la biodiversité. 65 ares sont plantés en meuniers, 65 en pinots noirs, et 65 en chardonnays, avec environ 600 déclinaisons par cépage. Il existe aussi 10 ares de cépages oubliés que l’on a retrouvé principalement sur la Côte des Bar, avec du petit meslier, de l’arbane, mais aussi du gouais, du Troyen…. Dans la mesure où la viticulture de demain devrait limiter très fortement l’usage des produits phystosanitaires, tout est cultivé en bio.»

La zone a été choisie parce qu’elle était hors appellation et qu’elle n’avait jamais connu la vigne. Il s’agissait d’un champ de céréales. Mais parce qu'elle était aussi relativement proche du vignoble de Romont de Moët & Chandon. Les équipes doivent en effet pouvoir avoir accès rapidement au vignoble pour effectuer leurs observations. « Lorsque l’on veut déterminer la date de débourrement d’un pied, il faut passer tous les jours pendant toute la période ».

Le site se veut enfin une vitrine de tous les aménagements possibles pour préserver la biodiversité. Ce paramètre a d'ailleurs également joué un rôle déterminant dans le choix du lieu, puisqu’il est implanté sur un tracé de corridors écologiques déjà existants entre la forêt de la Montagne de Reims et le massif forestier du Mont de Berru. Un inventaire préalable de la biodiversité a été effectué sur la zone par la LPO. « Il s’est révélé très succint compte tenu de l’ancienne vocation céréalière. Mais on va pouvoir justement mesurer l’impact des nouveaux aménagements lors de prochains recensements » souligne Véronique Bonnet, responsable stratégie biodiversité et paysages.

Comme la parcelle est hors appellation, la maison pouvait plus facilement s’offrir le luxe de larges surfaces pour accueillir des prés, des vergers, une zone humide, une haie benge dont « le procédé – comme l’indique un panneau - consiste à amasser entre des vieux des branchages de bois mort qui serviront de refuge pour la faune. (…) Les oiseaux nichant dans cet habitat vont consommer fruits et graines qui, via leurs déjections, ensemenceront le sol. C’est ce que l’on appelle la dissémination naturelle. Dans quelques années, cette haie morte va ainsi prendre vie avec l’apparition de végétaux venus s’implanter naturellement. » On a veillé cependant à ce que toutes ces installations ne bloquent pas les masses d’air qui viennent du Nord, l’endroit étant assez gélif.

Dans la mesure où ce conservatoire est d’abord une œuvre collective, à laquelle beaucoup de vignerons partenaires ont été associés, Moët & Chandon a décidé d’en laisser l’accès libre au public qui peut y déambuler en profitant de différents panneaux pédagogiques.


La Maison sera présente à Champagne Tasting ce samedi au Palais Brongniart où elle animera une masterclass sur sa nouvelle cuvée « Collection Impériale N°1 »