Lundi 23 Décembre 2024
©F. Hermine
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Date
30.06.2022
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C’est officiel, l’appellation corse de Patrimonio est désormais la première appellation de France à avoir inscrit dans son cahier des charges l’interdiction des désherbants chimiques de synthèse.
Tous les sols viticoles de Patrimonio devront désormais être travaillés mécaniquement que ce soient les vignes en place ou les jeunes plantations et « il n’y aura plus de glyphosate dans les vignes et pas seulement dans les interrangs mais aussi sous le rang », annonce fièrement le jeune président de l’AOP corse Mathieu Marfisi. La décision avait été votée en février 2019 à l’unanimité par la quarantaine de producteurs après que cet herbicide controversé a été déclaré cancérigène par l’Organisation Mondiale de la Santé. L’interdiction du glyphosate tardant à se mettre en place (la proposition de loi du 30 novembre 2021 n’a toujours pas été votée et l’autorisation actuelle de Union Européenne expire fin 2022), un dossier avait été monté en partenariat avec le Giac, organisme typiquement corse présidé par Pierre Acquaviva et qui regroupe l’ensemble des syndicats d’AOC et gère les relations avec l’Inao. La demande d’interdiction du glyphosate avait été déposée auprès de l’INAO en février 2021, mais crise covid oblige, la validation avait pris du retard. Le décret vient enfin d’être officialisé et entrera en vigueur pour le millésime 2022. Seule l’Appellation d’Origine italienne Conegliano Valdobbiadene, terre du prosecco, avait déjà décidé d’interdire l’utilisation du glyphosate en 2019, devenant ainsi la plus grande zone cultivée sans glyphosate en Europe.
Une première marche vers le tout bio
L’interdiction du glyphosate va donc concerner une quarantaine de vignerons pour 458 ha de vignes;, seuls sept utilisaient encore en 2019 le désherbage chimique et s’étaient engagés à l’arrêter (sous peine de devoir retirer l’appellation Patrimonio de leurs étiquettes à la sortie du décret). « La décision d’interdire les herbicides est d’autant plus importante que les parcelles de Patrimonio sont très imbriquées les unes dans les autres, précise Mathieu Marfisi. La quasi totalité des producteurs sur ce territoire travaillent déjà en bio mais nous n’avons pas souhaité encadrer cette démarche dans le cahier des charges car la décision de supprimer le glyphosate implique déjà un gros travail mécanique des sols, notamment pour que la vigne résiste mieux à la sécheresse et qu’il n’y ait pas de perte de rendements, et donc davantage de main d’œuvre. De plus, l’Inao ne souhaitait pas qu’une appellation fasse référence à un autre cahier des charges, même bio ».
Les trois plus grands domaines de Patrimonio sont déjà certifiés
(Orenga de Gaffory et Montemagny) ou en conversion (Clos Teddi, déjà en HVE, Lazzarini). Parmi les exploitations également en conversion bio, Paradella (7 ha), Jean-Noël Grossi (3 ha), et Napoleon Brizi (12 ha). « Ce sera aussi un argument de vente supplémentaire pour les consommateurs, de plus en plus en attente de ce type de démarche, reconnait Mathieu Marfisi. D’ici dix ans, il faudrait réfléchir à l’interdiction de tout engrais chimique et l’inscrire dans le cahier des charges, surtout pour donner un signal fort aux nouveaux arrivants car notre vignoble est très attractif et on enregistre de nouvelles installations chaque année ».
Une décision qui s’inscrit également dans une démarche générale de développement durable dans le Cap corse, cette péninsule en forme de doigt qui avance dans la mer Méditerranée, puisque le vignoble de Patrimonio avec le golfe de Saint-Florent fait partie du Grand Site de France baptisé Conca d’Oru (la conque d’or) et labellisé depuis 2017. De quoi favoriser un œnotourisme écoresponsable qui sera promu par la nouvelle Maison du Grand Site qui ouvrira dans les prochaines semaines sur le port de Saint-Florent.
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