Accueil Actualités Plongée dans le secret des « bruts réserve » de Charles Heidsieck

Plongée dans le secret des « bruts réserve » de Charles Heidsieck

©Leo Ginailhac

Auteur

Claire
Hohweyer

Date

03.11.2023

Partager

La maison dévoile un coffret inédit de 18 bruts réserve, mis en cave depuis 1986 et jusqu’à 2018. Charles Heidsieck offre une expérience d’immersion dans le temps à travers les années de tirage et l’évolution de la proportion de vins de réserve. 

Voilà un voyage dans le temps exceptionnel que propose le champagne Charles Heidsieck. À travers un coffret de 18 flacons, édités à seulement 48 exemplaires, la maison fondée à Reims en 1851 présente une expérience inédite à des amateurs avisés : une dégustation comparative de 18 années de tirage de brut réserve de 1986 à 2018. La malle « collector » repose sur un concept inventé par Daniel Thibault, « grand chef de caves » de la maison disparu prématurément en 2002 : la mention de « mis en cave ». Le maître des vins est à l’époque « le premier à faire inscrire sur l’étiquette l’année de tirage », revendique Stephen Leroux, directeur général de Charles Heidsieck, de façon à mettre en avant « la capacité d’évolution aromatique du brut réserve multi-millésimé » (lire par ailleurs). Car chez Charles, « cette cuvée peut être composée de 150 vins différents », poursuit le dirigeant. « Nous utilisons jusqu’à 50% de vins de réserve. » Le coffret démontre en effet que cette proportion importante évolue dans le temps, de 23% à la mise en cave en 1986 à 51% à la mise en cave en 2018. « Daniel Thibault a fait monter les vins de réserve progressivement dans les années 1970, 1980. » Les chefs de caves successifs, Thierry Roset et Cyril Brun, ont suivi la tendance, passant à 30%, puis 40% et « jusqu’à 50% depuis 5, 6 ans ». « On oscillera entre 45 et 55% avec Elise Losfelt », cheffe de caves nommée en mars dernier

©Emmanuel Goulet

 « Les entrailles de la maison »
« L’idée était géniale, sourit Stephen Leroux, incollable sur l’histoire de la maison. Daniel Thibault avait ouvert là un monde de dégustations comparatives. » En 1994 et 1995, par exemple, la maison commercialise les « mis en cave » en 1991, 1990 et 1989, sur des bases de vendange 1990, 1989 et 1988. « Le caviste pouvait donc vendre des non vintages de différentes bases de vendange et des temps de vieillissements différents. » Car, c’est bien là l’intérêt : percevoir l’impact du temps. 

À la dégustation, le mis en cave en 1990 (23% de vins de réserve) semble « plus jeune » que le mis en cave en 1995 (27% de vins de réserve). Le mis en cave en 1990, encore très frais, profite d’une année 1989 ensoleillée, « très gastronomique », relève Stephen Leroux. Le nez présente des notes de truffe, de fruits confits, de mandarine. En bouche surgissent les arômes de moka, de cacao. La truffe persiste. Tandis que le mise en cave en 1995, sur la base de la vendange 1994, année difficile, stimulante, apporte plus de notes gourmandes autour de la pâte de coing, de la figue séchée et du tabac. « Avec ce coffret, nous vendons les entrailles de la maison, livre Stephen Leroux. Avec une seule de ces bouteilles, les amateurs peuvent accéder à presque 30 ans d’histoire. » Afin de sublimer l’expérience de dégustation, la malle « collector » s’accompagne d’un dîner au Royal, restaurant gastronomique auréolé d’une étoile au guide Michelin de l’hôtel et spa de Champillon. Un séjour de deux nuits, l’accès au spa ainsi que d’un ensemble dégustation, déjeuner et visite des crayères au domaine Charles Heidsieck complète cette offre limitée et exclusive. 

Malle « collector » et expérience : 15 000 euros. Le coffret sera exposé au Royal Champagne jusqu’au 18 décembre. 48 exemplaires.

« Mis en cave » un concept (trop) visionnaire ?
Sur chacune des bouteilles est apposé, au-dessus de l’étiquette, un médaillon coloré correspondant à une année de « mis en cave ». L’expression est d’ailleurs parfaitement visible afin de ne pas confondre avec une revendication en millésime. Car il s’agit bien de l’année de tirage et pas de l’année de vendange. C’est là toute la subtilité du concept inventé par le chef de caves Daniel Thibault. Seulement, dans les années 1990, ce principe de « mis en cave » est un peu complexe, admet Stephen Leroux. Les consommateurs ne sont peut-être pas encore assez fins connaisseurs. « Le Comité interprofessionnel des vins de Champagne nous a épinglés, en disant que nous vendions du millésime déguisé ». Bien entendu, les cuvées n’étaient pas revendiquées en millésimes, mais bien en bruts sans année. Démarrée au début des années 1990, l’aventure s’arrête dans les années 2000. Trop visionnaire, sûrement. Appréciée de consommateurs plus aiguisés, de « fines gueules », assure le directeur général, la maison Charles Heidsieck commercialisera finalement de nouveau quelques coffrets en éditions très limitées en 2019, 2020, puis cette année, la malle « Ultimate collection ».