Dimanche 24 Novembre 2024
@Ballade Studio
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Date
19.06.2022
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Il y a le rêve, mais il y a aussi la rêverie, cet état de semi-conscience où l’esprit plus libre se livre à toutes les associations d’idées, un état prisé par les artistes qui y puisent souvent leur inspiration. Le domaine Pommery à Reims pour sa 16ème exposition éphémère nous invite à en explorer les labyrinthes.
Avec « Rêveries », Nathalie Vranken ne pouvait choisir meilleure manière de rendre hommage à l’esprit vagabond de Jeanne Pommery qui a façonné ce champagne de légende. Comme toujours dans les expositions de la Maison, le génie des artistes est d’avoir su jouer avec les différents espaces, escalier infini, crayères aux allures de cathédrale, cellier à la charpente métallique façon Eiffel, la richesse du patrimoine du domaine ne pouvait que les inspirer et leur talent nous en révèle des facettes insoupçonnées.
Ainsi, devant ce château insensé digne de la Belle au bois dormant dont l’architecture reprend les codes des Tudor (sans jeu de mot !), Lilian Bourgeat a installé un banc surdimensionné (2,5 fois la taille d’un banc normal). Le visiteur qui veut jouir du spectacle onirique de la bâtisse est donc obligé de se hisser au sens propre comme au sens figuré à la hauteur du rêve fou et démesuré sorti de l’imagination de Madame Pommery pour mieux rêver avec elle. Le banc n’est-il pas aux yeux de tous les poètes le lieu par excellence de la rêverie ? Même s’il n’est pas en pierre, on songe immédiatement aux vers de Théophile Gauthier : « Au fond du parc, dans une ombre indécise, il est un banc, solitaire et moussu, où l’on croit voir la Rêverie assise ».
On se souvient que dans l’univers fantastique du romancier Lovecraft, pour rejoindre les « contrées du Rêve », le rêveur doit descendre deux escaliers. Le premier comporte 70 marches, c’est celui du sommeil léger. En bas, deux gardiens jugeront s’il est apte à descendre les 700 autres marches qui mènent au sommeil profond, un espace dangereux où les secondes du monde éveillé peuvent durer des années, et d’où l’on ne revient pas toujours. Chez Pommery, l’escalier de 116 marches qui conduit aux caves en est le parfait symbole. Le caractère onirique de cette descente est ici figuré par les mobiles en forme de fleurs géantes multicolores de Hsiao-Chi Tsai et Kimiya Yoshikawa qui ornent le plafond…
Nous voici donc immergés dans les caves et la sculpture en marbre « Nightmare » de Javiez Pérèz d’un oreiller encore marqué par l’empreinte de la tête de celui qui y a dormi, placé au beau milieu d’un caveau, nous fait imaginer sans peine l’effet produit sur celui qui se réveillerait dans ce souterrain. L’étrangeté des formes, l’immensité des lieux, ses ombres, le vide, lui procureraient l’impression de déambuler dans un mauvais rêve.
Faire ressortir cette immensité inquiétante, c’est tout l’enjeu de l’œuvre d’Anne-Flore Cabanis « Direction et Aplomb » constituée de sangles tendues et parallèles qui montent depuis la base de la crayère jusqu’à l’ouverture de l’essor. La profondeur abyssale de ce puit creusé dans la craie (30 mètres) devient ainsi beaucoup plus perceptible. Le visiteur a l’impression de se trouver au pied d’un gigantesque gratte-ciel, les lignes verticales formant comme des lignes de fuite se rejoignant vers l’infini, tout là-haut, là où brille, comme l’espoir au bout de la nuit et des mauvais songes, la lumière du jour. La disposition en croix de ces fils indiquant les quatre points cardinaux fait figure de point de repère dans le labyrinthe des caves. Les rêves ne sont-ils pas eux aussi des labyrinthes à l’intérieur des quels on se sent parfois enfermés et où on cherche désespérément une boussole ?
Enfin, on retiendra « The memory hole ». L’œuvre de Skki se compose de néons. Elle est située fort à propos dans la crayère où trône l’ancien bas-relief de Navlet de la fête de Bacchus. Le dessin des tubes incandescents suit les traces d’humidité sur les parois. Dans l’obscurité de cette cave, le clignotement de ces lumières glauques évoque une ambiance post rave party où l’on aurait quelque peu abusé du champagne et où la réalité qui nous entoure ne nous parvient plus que par flashs successifs, pour devenir de plus en plus flou. Ce moment fatal où avant de basculer dans le trou noir (et qu’est-ce qu’une crayère sinon un trou noir ?) tout se met à tourner au ralenti, tout comme la musique diffusée ici par l’artiste.
Tarif : 24 € - Jusqu’au 8 novembre
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