Mardi 5 Novembre 2024
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26.01.2020
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Les vins français sont toujours « dans la gueule du loup » et menacés de nouvelles sanctions américaines dans le différend qui oppose Washington et Bruxelles sur Airbus et Boeing, malgré la trêve évoquée cette semaine sur la taxe numérique.
« Depuis le milieu de la semaine, nous avons senti un allègement de la pression concernant d’éventuelles rétorsions américaines à la volonté française d’instituer une taxe numérique, mais les exportations de vins français sont soumises depuis le 18 octobre à des taxes de 25% dans un conflit aéronautique Boeing/Airbus qui peut encore s’envenimer d’ici la mi-février », résume pour l’AFP un haut responsable de la filière viticole.
« Nous nous inquiétons du risque de durcissement du conflit aéronautique qui pénalise nos exportations mois après mois » ajoute Bernard Farges, président de la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie à appellations d’origine contrôlées (CNAOC). « Les vins français sont dans la gueule du loup » ajoute-t-il.
Outre les vins français, Washington a été autorisé par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à appliquer ces taxes sur l’huile d’olive espagnole, les fromages italiens et les whiskies écossais, en représailles à des subventions versées à Airbus par les Etats européens.
En France, toute la filière viticole a demandé au gouvernement la mise en place rapide d’un « fonds de compensation français des entreprises impactées » pour défendre un secteur « attaqué dans un conflit qui n’est pas le sien ».
« Gagner du temps »
L’inquiétude est d’autant plus forte qu’avec un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros en 2018, « les Etats-Unis sont le premier marché d’exportation en valeur des vins français », rappellent M. Farges et Louis Fabrice Latour, vice-président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS).
Signe que les taxes du 18 octobre font déjà des victimes, la valeur des exportations des vins de Bordeaux aux Etats-Unis a chuté de 46% en novembre sur un an.
Pour MM. Farge et Latour, la trêve entrevue sur le dossier numérique permet seulement de « gagner du temps » et « ne règle pas le dossier Airbus ». La France a fait savoir cette semaine qu’elle reportait le prélèvement cette année d’une taxe sur les géants du numérique pour éviter de nouvelles taxes américaines dans le domaine du luxe et des champagnes. Paris attend désormais la suspension formelle par l’administration Trump de la procédure ouverte en décembre contre la taxe française sur le numérique qui pourrait déboucher sur des sanctions.
Sur le dossier Airbus de surcroît, « il y a un système qui s’appelle carrousel au sein du ministère du Commerce américain qui permet au bout de quatre mois après le déclenchement des premières taxes de revoir en l’alourdissant leur montant ou leur objet, ce que les Américains peuvent faire à tout moment jusqu’au 15 ou 16 février, puisque l’OMC leur a accordé le principe de taxer jusqu’à 7,5 milliards de dollars de flux commerciaux et qu’ils n’ont pas rempli leur quota le 18 octobre », s’inquiète M. Farges.
« Ils n’ont utilisé que 1,4 milliard sur les 7,4 dont ils disposaient. Ils ont une capacité à monter la température qui n’est pas très rassurante », précise une source proche des négociations.
« Exception agricole et alimentaire »
A son tour, l’UE devrait être autorisée l’an prochain par l’OMC à imposer des sanctions douanières contre les Etats-Unis, accusés d’avoir subventionné Boeing. « Mais le monde du vin français ne pourra pas attendre si longtemps » estime un professionnel.
Pour régler le différend, le nouveau commissaire européen au Commerce, Phil Hogan – ancien commissaire à l’Agriculture – s’est rendu à la mi-janvier à Washington. Dans la foulée, Donald Trump et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont annoncé cette semaine à Davos leur volonté de conclure dans les prochaines semaines un accord commercial global, une déclaration surprise pour tenter de calmer le jeu des deux côtés de l’Atlantique.
Pour défendre le secteur agricole français et européen, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a indiqué cette semaine que la France souhaitait désormais obtenir une « exception alimentaire et agricole » dans le commerce mondial pour les futurs traités de libre-échange, afin d’épargner ces secteurs des guerres commerciales.
Par Antonio RODRIGUEZ et Isabel MALSANG pour AFP
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