Vendredi 27 Décembre 2024
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25.03.2020
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Touché de plein fouet par l’annulation temporaire des primeurs, le cru classé de Graves, dans l’appellation Pessac-Léognan, se mobilise pour le millésime 2020 avec des équipes réduites pour travailler en biodynamie.
« J’ai beaucoup de chance, je fais partie des privilégiés », reconnaît sans ambages Florence Cathiard. Ancienne championne de ski dans sa jeunesse, Florence Cathiard n’a rien perdu de son esprit combatif, même en cette période de confinement. « Je suis dans ma maison, au cœur des vignes du Château Smith Haut Lafitte, dans un cadre idyllique », explique au téléphone la propriétaire du domaine de Pessac-Léognan, cru classé de Graves hissé à force de travail et d’investissements, avec son époux Daniel, au sommet de l’appellation bordelaise. « Mais économiquement parlant, c’est un désastre. Même les crus classés sont sous la drogue douce des primeurs », se désole-t-elle.
Comme tous les domaines bordelais vendant leur production au négoce, le Château Smith Haut Lafitte a pris de plein fouet l’annulation des primeurs prévus fin mars. Cette semaine de présentation des vins en primeurs n’est pas uniquement un grand évènement médiatique où se précipitent les dégustateurs du monde entier pour évaluer le nouveau millésime (le 2019, donc). Le système de vente des vins en primeurs, historique dans le Bordelais, permet aux propriétés de vendre à l’avance aux maisons de négoce, sur réservation en quelque sorte, leur toute nouvelle production qu’elles continueront à élever jusqu’à deux ans avant de les livrer. En plus de fixer le prix du nouveau millésime (en fonction de la demande et de sa qualité), le système des primeurs donne aux châteaux la possibilité d’engranger des fonds avant la commercialisation de leurs vins. Florence Cathiard n’ose penser à leur annulation pure et simple : « On espère que ces primeurs se tiendront fin mai ou début juin. »
2019, millésime pourtant « magique »
Le coup est d’autant plus dur pour le Château Smith Haut Lafitte que « 2019 est une année magnifique ». Et qu’elle succède à 2018, « année très délicate » touchée par le mildiou : « nous avions fait un grand vin mais avec la moitié de la récolte seulement », rappelle Florence Cathiard. 2019, sous des conditions climatiques beaucoup plus propices, « a été magique ». « On sait que ce millésime se bonifiera avec le temps ». Le domaine a produit l’équivalent de 110 000 bouteilles de son premier vin rouge. Mais n’a encore rien vendu.
« Sur le bilan, nous sommes bons, nous allons payer des impôts. » Mais la trésorerie va être « tendue ». Les Cathiard ont de plus réalisé un investissement important en début d’année en achetant un domaine historique de la Napa Valley, à Rutherford, en Californie.
Côté œnotourisme, le domaine familial où est né la marque de cosmétiques Caudalie est à l’arrêt. Fleurons touristiques en Pessac-Léognan, le restaurant étoilé (deux macarons Michelin) et l’hôtel cinq étoiles avec spa, les Sources de Caudalie, ont été fermés alors que la saison était sur le point de redémarrer.
Le spectre du gel
Hors hôtellerie et restauration, le manque à gagner pour le château est encore difficile à évaluer. A chaque vendange, le domaine dépense entre 7 et 8 millions de frais, pour une bouteille de vin rouge vendue plus de 100 euros lors des belles années.
Dans les vignes, où le travail continue, c’est le prix de revient de la conduite en bio et biodynamie qui inquiète Florence Cathiard. « Cela coûte cher de travailler en bio : nous élevons nos plantes, nous les séchons, nous avons recours à beaucoup de phytothérapie, nous travaillons avec des chevaux… »
Le domaine s’impose un niveau d’exigence et de précision élevé, mais à l’image des vignobles bios, la main d’œuvre s’avère cruciale alors que le millésime 2020 se prépare dès à présent.
Le Château Smith Haut Lafitte dispose de ses propres équipes : une quinzaine de personnes sont à l’œuvre en suivant les précautions imposées. Le recours aux prestataires a été suspendu. « Là, on voit les privilégiés », redit Florence Cathiard. Pour les petits propriétaires de Bordeaux, en manque d’argent et de temps, faute de pouvoir salarier suffisamment de main d’œuvre, « c’est bien plus dur encore ».
La dirigeante de Smith Haut Lafitte s’avoue néanmoins « nerveuse » face à une éventuelle vague de gel, alors que les prévisions météo annoncent des températures négatives pour les nuits à venir. « Pour l’instant nos équipes suffisent. Mais il ne faut pas qu’il y ait de coup dur. Je touche du bois », déclare Florence Cathiard, bien décidée à se battre, avec sa pugnacité habituelle, pour le millésime 2020.
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