Jeudi 21 Novembre 2024
Photo : Conseil Vins Alsace
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13.12.2021
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Le vignoble alsacien est toujours plus soucieux de gagner en lisibilité et de permettre au consommateur de choisir son vin aussi près que possible de ses goûts. Sa dernière innovation ? La mention du taux de sucre résiduel est désormais obligatoire et uniformisée avec l’emploi de quatre termes, sec (moins de 4g/l), demi-sec (4-12g), moelleux (12-45g), doux (plus de 45g). Philippe Bouvet, directeur marketing du Conseil interprofessionnel des vins d’Alsace, nous explique les motifs de cette démarche.
Quelle est l’origine de cette décision ?
La force de l’Alsace réside dans sa diversité incroyable. Nous avons 13 cépages et tous les types de sol que l’on peut trouver sur la planète, sédimentaires, volcaniques, colluviaux, alluviaux, loess… Il faut encore ajouter à cela la manière de vinifier propre à chaque vigneron. Le revers de la médaille, c’est que ce savoir-faire très large peut amener une forme de confusion chez les consommateurs comme chez les professionnels qui peinent parfois à s’y retrouver. En établissant désormais une grille unique et obligatoire pour identifier le profil plus ou moins sucré des vins, l’objectif de l’interprofession alsacienne est justement de gagner en lisibilité et en clarté. Il s’agit ainsi de pallier cette prise de risques, jusque-là parfois un peu concomitante à l’achat de vins d’Alsace, et d’écouter les consommateurs et les professionnels qui depuis plusieurs années nous faisaient part de cette difficulté. C’est un exemple de plus dans la transformation du vignoble alsacien pour se rapprocher de ses publics cibles. Cela faisait longtemps que la filière travaillait dessus, c’était un peu un serpent de mer, mais ce type de décision collective qui implique 3600 viticulteurs et 850 metteurs en marché, est forcément plus longue à prendre qu’une décision individuelle.
Disposez-vous de chiffres qui pourraient nous donner une idée de ce que représente chaque catégorie (sec, demi-sec, moelleux, doux) dans la production alsacienne ?
Nous ne disposons pas de chiffres précis. Nous savons que nous produisons un peu moins de 3 % de vendanges tardives et de sélections grains nobles. Cela représente une quantité minime, néanmoins il s’agit de très grandes cuvées. Finalement, nous avons encore souvent cette image qui nous colle à la peau alors que cela ne correspond qu’à une toute petite partie de nos savoir-faire. Il est certain que la tendance pousse de plus en plus les vignerons vers des vinifications de vins secs, parce qu’ils sentent très bien que le marché est là. Ces vins sont souvent perçus par les consommateurs comme plus haut de gamme. Le Riesling, par exemple, est un cépage qui se prête très bien à une vinification en sec et sur lequel on a observé des bons qualitatifs ces dernières années. Mais, dans notre démarche, il n’y a évidemment aucun jugement de valeur, je le disais à une chaîne de radio grand public, on ne trouvera aucune corrélation entre le niveau de sucrosité, le profil de vin et sa qualité. Il existe des très grands vins secs comme de très grands vins liquoreux et demi-secs.
Cette nouvelle grille imposée à tout le monde a-t-elle suscité des débats au sein de la profession ?
Des débats ont eu lieu quant aux termes à employer. Certains préféraient par exemple l’expression liquoreux… Les termes retenus sont ceux de la règlementation européenne : "sec, demi-sec, moelleux et doux". Globalement, la filière est allée dans ce sens parce qu’il n’était pas concevable de s’en dissocier. Nous exportons dans 130 pays, nous avons quasiment un tiers de nos volumes qui partent à l’export, il était par conséquent très important d’avoir une grille de lecture qui soit compréhensible par les Danois, les Italiens, les Américains etc…
Connaissez-vous d’autres vignobles qui utilisent cette grille ?
Pas à ma connaissance. Tous les vignobles ne ressentent pas ce besoin de gagner en clarté parce qu’ils sont souvent plus monolithiques, alors que là, on est sur un vignoble qui a une capacité de s’attarder sur tellement de choses ! Jusqu’ici, en Alsace, un peu moins de la moitié des entreprises faisaient mention du profil. A compter du millésime 2021, elles le feront toutes, et en utilisant les mêmes termes !
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