Quand le Rhône rejoint la Gironde

Assembler les cépages rhodaniens et bordelais ne relève ni de l’hérésie, ni d’une fraude. C’est un fait historique qui a encore quelques adeptes. Exemple avec la nouvelle cuvée Axiome. 

Au XIX^e siècle, les vins de l’Hermitage descendaient le fleuve Rhône pour s’assembler, en petite quantité, à ceux des négociants bordelais afin de leur apporter un peu de couleur et de structure. Dénommés « Bordeaux Hermitagé », ces vins étaient appréciés par les amateurs anglo-saxons. Sur le site du château Palmer qui commercialise, dans cet esprit, les millésimes 2004, 2006 et 2007 de la cuvée Historical XIXth Century Wine, on lit : « L'époque tolérait le croisement des cépages et des géographies : les amateurs anglais appréciaient ces quelques gouttes du Rhône versées dans la Gironde, qui teintaient le vin de grenat et l’aromatisaient de poivre ou de violette. La syrah avait la réputation d’être un cépage « médecin », capable de sublimer des cuvées ordinaires et parfois de les métamorphoser en vins onctueux et puissants. Certains grands crus de Bordeaux furent, eux aussi, « hermitagés » au fil du siècle. » 

« Une bêtise qui a du sens »

Jean-Christophe Meyrou connaît bien cette histoire. L’associé de Peter Kwok, directeur des vignobles K*, copropriétaire du château Le Rey (AOP Castillon Côtes de Bordeaux) est un grand amateur des vins du Rhône, qu’il commercialise avec son entreprise de négoce La Vintage Company. « J’ai un gros affect pour ces vins dont la lecture des tanins me plaît » assure le connaisseur. Aussi, lorsque Quentin Heller « le semeur de trouble qui n’a pas d’œillères », entre en scène et lui fait rencontrer Stéphane Usseglio (domaine Raymond Usseglio), il embarque sa directrice technique Emmanuelle Fulchi d’Aligny pour « faire une bêtise qui a du sens et qui n’est pas contradictoire ».

Du côté de Châteauneuf-du-pape, Annaëlle Ritz, la compagne de Stéphane Usseglio, rappelle que la cuvée Oxymore mêlant Rhône nord et sud avait vu le jour en 2020. Aussi, cette sortie de route ne les effraie pas, au contraire. Une rencontre à Bordeaux préfigure alors le futur bébé.

Grenache, merlot et quelques autres…

De l’union des jolis terroirs de Saint-Émilion et de Châteauneuf-du-pape, Axiome voit le jour après un premier assemblage, en juin 2022, où plusieurs échantillons de différentes barriques et autres contenants sont dégustés. 45 % de grenache, 23,5 % de merlot, 23,5 % de cabernet franc, 5,3 % de mourvèdre et 2,7 % de syrah, composent cette « proposition considérée comme évidente, admise sans démonstration », selon la définition littéraire du terme. Avec ses formules mathématiques, l’étiquette colle à la réalité voulue par les associés, à savoir cette volonté de toujours s'amuser à faire des vins sérieux. La « bêtise » est désormais commercialisée en CHR et dans les domaines respectifs. Attention, seulement 5 000 bouteilles sont disponibles !

Terre de vins aime

Axiome 2020 – Vin de France 80 €
La première impression olfactive est la bonne. C’est une explosion de fruits noirs et de cerise burlat qui débutent gentiment leur évolution, avec des petites touches de poivre, de garrigue, de figue, de poivron. En bouche, la matière riche et la rondeur sont typiquement méridionales, comme les tanins, encore légèrement granuleux. La longue finale soulignée par une brassée d’herbes fraîches identifie l’apport bordelais. Entre force et finesse, Axiome accompagnera une pintade farcie à la semoule, fruits secs, zaatar. À conserver.

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*Le Groupe Vignobles K se compose de sept propriétés : Château Bellefont-Belcier – Château Tour Saint-Christophe – Enclos Tourmaline – Château La Patache – Château Le Rey – Château Haut-Brisson – Enclos de Viaud.