Quand Lirac traverse le Rhône

Entre Lirac et Châteauneuf-du-Pape, il y a le Rhône. Les deux AOC se font face, cultivent leurs différences avec quelques accointances.

Si elle est plus discrète que sa voisine vauclusienne, l’AOC Lirac a sûrement bien des atouts, car elle peut s’enorgueillir de voir des domaines châteauneuvois, de grands propriétaires-négociants et des entrepreneurs investir ses terres. Exemples, le château d’Aqueria qui est tombé dans l’escarcelle de la famille Guigal et plus récemment Thierry Chapusot qui a créé le domaine du Tau, avec 16 hectares sur la commune de Saint-Laurent-des-Arbres. Les chiffres deviennent encore plus parlants quand on découvre que la part châteaunevoise représente 18 % des volumes et 19 % de la superficie de la petite gardoise. Les prix du foncier sont bien sûr une explication. Lirac fait exception dans les Côtes du Rhône, avec une croissance de 18 % pour atteindre 40 000 €/ha en moyenne en 2023, bien loin des 510 000 €/ha à Châteauneuf-du-Pape. 

Une stabilité qui paye

Sa production s’élève à 17 182 hectolitres sur 852 hectares, avec 30 % de bio, 31 % certifiés HVE3 et 8 % en biodynamie. La démarche environnementale est au cœur de l’actualité et cela porte ces fruits avec trois fois plus de certifications que dans la moyenne des AOC. Côté commercialisation, si le bilan de la campagne d’août 2023 à juillet 2024 est en légère perte de vitesse (-4 %) par rapport à 2022/2023, à la fin novembre 2024, la dynamique des sorties de chais était similaire à la campagne précédente. En termes de valorisation du vrac, à l’inverse d’autres crus méridionaux, les vins de Lirac voient leurs prix progresser, et cela, également, sur les millésimes antérieurs. Les ventes en GMS représentent une part très faible pour l’AOC. En effet, les vins sont plutôt commercialisés sur le marché traditionnel (caviste/vente directe/CHR) à hauteur de 46 % ou à l’export pour 46 % également. Pour ce dernier néanmoins, le contexte économique et géopolitique a fortement impacté les différents flux sur les principaux marchés de l’AOC, notamment aux USA, en Belgique et UK. 

Dégustation à Châteauneuf-du-Pape

Nous avons constaté le vrai potentiel des vins, lors de la présentation des derniers millésimes à la Maison Ogier à … Châteauneuf-du-Pape. Une quarantaine de producteurs de l’appellation gardoise avaient donné rendez-vous aux négociants et courtiers, pour présenter autant de cuvées, dans les trois couleurs. Histoire de voir ce qui est maintenant à boire. François Miquel, coprésident de la section Lirac et directeur de la maison accueillante, organisait cette rencontre annuelle. « Il est important de donner des éclairages et d’avoir un regard extérieur sur nos pratiques. Grâce à cette rencontre et ces dégustations à l’aveugle, il y a des signatures de contrats », assure-t-il. Il constate aussi que dans les contractualisations, 70 % sont pour le millésime de l’année et 30 % pour des millésimes antérieurs, vendus plus cher. 

Bruno Ramirez, un des associés du domaine du Tau, participait pour la première fois à la présentation. Le maître de chai connaît les vignes de Châteauneuf comme sa poche pour y avoir travaillé toute sa carrière. Son nouveau terrain de jeu est tout aussi intéressant. Il se dit « assez surpris par la fraîcheur et la qualité. La barre est haute, aussi bien pour les blancs que pour les rouges. Les vignerons vont dans le sens de la qualité. » Nous l’avons également constaté avec, entre autres, ces deux cuvées.

Terre de Vins aime

Lirac rouge 2023 Ben & Vins 16 €

Nous avions repéré ce tout jeune négociant avec ses premiers côtes-du-rhône 

Sa nouvelle cuvée dans l’appellation est tout aussi prometteuse. En collaboration avec des vignerons de Châteauneuf-du-Pape, il a sélectionné des parcelles de syrahs et grenaches sur des terroirs sableux. Une vinification douce et infusée, un élevage de 6 mois en cuve béton révèle un caractère aussi jeune que délicat. Son univers oscille entre cassis, petits fruits rouges et poivre qui titillent la bouche, la dynamisent, l’enveloppent dans de jolis tanins. Idéal sur des petits farcis, des pieds paquets.

Château Boucarut Pierres vivantes rouge 2022 AB Méthode Nature 15 € 

On retrouve les coteaux sableux, où s’ajoutent des terrasses de petits galets mêlés à un sous-sol sableux. Les grenaches, syrahs, mourvèdres et cinsaults ont été vinifiés sans sulfites ajoutés et élevés en cuve béton. Des arômes floraux suaves de rose ancienne, lui donnent un charme fou. Le caractère s’affirme sur des notes subtilement réglissées, un croquant de cacao, de grain de café. Un bœuf bourguignon, un civet de lapin feront la paire.