Mercredi 25 Décembre 2024
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03.05.2023
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2012 est un millésime éclatant de couleurs, 2008 a l’austérité et l’élégance des gravures en noir et blanc. Entre les deux, 2013 est un millésime qui a l’art de la nuance et des demi-teintes. Son charme automnal a tout pour séduire les rêveurs. Le dernier opus de Rare Champagne qui arrivera sur le marché en juin nous en offre l’une des plus belles expressions.
On n’en finit pas de découvrir la qualité du millésime 2013, la dernière vendange d’octobre de la Champagne. Ce millésime plutôt froid a mûri lentement, à l’ancienne. De manière amusante, Rare 2013 est l’exact reflet de cette saison un peu tardive durant laquelle il a été cueilli. A la dégustation, on a l’impression de ressentir cette chaleur si particulière du soleil de l’automne qui vous réchauffe la peau sans pour autant vous agresser, avec cette petite brise fraîche qui vient en même temps vous caresser le visage. Même ses arômes de coing et de poire sont de saison… Ils s’expriment d’autant mieux que l’on n’est pas dans un style ultra réductif. En Champagne, sur les grandes cuvées, celui-ci écrase trop souvent le fruit. Le dégorgement étant encore récent (décembre 2022), il faut s’attendre toutefois à voir les notes grillées revenir bientôt et le vin se refermer un peu, mais sans casser ce bel équilibre. Quant à la fraîcheur, comme le souligne le chef de caves Emilien Boutillat, elle est ramenée par de jolies touches de végétal sec, le romarin, le laurier…
Pour ceux qui se passionnent pour la mécanique des assemblages, vous ne serez pas déçus. On le sait, la cuvée Rare fait la part belle au Nord de la Montagne, pour ses 30 % de pinots noirs comme pour ses 70 % de chardonnays. En ce qui concerne ces derniers, suivant la coutume, Villers-Marmery occupe la première place. Dans la même veine, on trouve aussi des chardonnays de Verzy et de Verzenay. Mais étant donné la froideur du millésime, pour ne pas donner à la cuvée l’allure stricte d’une institutrice anglaise, on est allé chercher aussi des chardonnays du sud de la Montagne. Après Vaudemange qui achève de marquer le tournant de la Montagne, on trouve ainsi Ambonnay, Bouzy et Tauxières, ce qui n’a rien d’académique, ces trois derniers crus étant spécialisés dans les pinots noirs. Sur la Côte des Blancs, le Mesnil est aux abonnés absents. Inutile en effet de remettre une couche de minéralité et de fraîcheur citrique. En revanche, on a misé largement sur le gras d’Oger, complété par Chouilly et Avize, plus intermédiaires.
Un des marqueurs de l’identité de Rare Champagne réside dans ses notes exotiques. Le chef de caves de l’époque, Régis Camus, avait donc mis le cap au sud, dans le cru non classé le plus convoité de la Champagne : Montgueux. Cette touche sur le millésime 2013 a son identité bien à elle. 2006 évoquait l’ananas rôti, 2008 le jus de noix de coco, 2013 nous emmène du côté du kiwi et du kumquat dans lequel on mord à pleines dents, récupérant au passage les amers rafraîchissant de la peau.
Au-delà de l’assemblage, toujours pour arrondir le côté parfois un peu anguleux de ce millésime, on a joué sur d’autres paramètres. D’abord le dosage à 9g, relativement généreux et qui pousse le fruit. La fermentation malolactique, à l’époque systématique chez Rare Champagne, a réduit elle aussi une fraîcheur qui pouvait être un peu incisive. Enfin, si tout a été vinifié dans des cuves en inox, les huit ans et demi d’élevage sur lie qui ont suivi la seconde fermentation, ont apporté une certaine patine et quelques notes d’épices, notamment de vanille. Elles donnent presque l’illusion que le vin a vu le bois, à ceci près que ce parfum est beaucoup plus subtil.
On peut disserter à n’en plus finir des arômes, mais le meilleur moyen de situer un vin est souvent de réfléchir à ses potentiels accords. 2013 s’inscrit dans la lignée de 2008 et nous met d’emblée sur la piste des fruits de mer. Mais alors qu’en 2008, le caractère dépouillé et sur-minéral de l’année, nous incitait à rester sur le produit pur, on peut ici se laisser aller à quelques sauces épicées… Une idée du sommelier de la Maison ? Des coquilles Saint-Jacques rôties, kumquats et grenade à la coriandre, jus pomme citron gingembre.
Prix : 250 €
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