Samedi 21 Décembre 2024
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13.06.2024
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Vigneron mais aussi expert en viticulture auprès des assurances, enseignant et consultant aux quatre coins du monde, Dominique Roy nous livre aujourd’hui son point de vue sur le vignoble bourguignon.
Le début de la campagne a été particulièrement complexe et de nombreuses zones bourguignonnes ont frôlé la catastrophe. Les dégâts ont été comme souvent très hétérogènes. Les parcelles les plus à risques, enherbées, en bas de coteaux, ont pour beaucoup subi des gelées blanches, dans le châtillonnais, en côte Chalonnaise ou dans le Mâconnais. La grêle qui a été catastrophique le 1er mai à Chablis, a fait des dégâts très localisés à Marsannay ou à Solutré par exemple. Un début très mouvementé, donc, aggravé par un printemps extrêmement pluvieux avec un taux d’humidité -qui bat tous les records- subi par la vigne et qui accroit bien-sûr la pression maladie, mildiou en particulier. Pas de difficulté sans lueur d’espoir : les nappes phréatiques se portent bien ! Mais à quel prix ? L’herbe qui pousse de façon accélérée et qui maintient l’humidité accroit les risques de gel. A l’inverse, la vigne, qui a d’abord besoin de lumière pour pousser (chacun connaît le fonctionnement de la photosynthèse), est au ralenti. Quant au travail du sol, il est rendu très compliqué avec cette charge d’eau et rend la maîtrise des adventices très délicate. Là aussi, des disparités entre les parcelles : le vendangeur qui a souffert dans les coteaux très pentus est alors vengé, le travail y est alors plus facile grâce à l’écoulement structurel de l’eau. A contrario, les traitements dans les parcelles où l’humidité est stagnante sont de véritables parcours du combattant : trouver la bonne fenêtre pour pulvériser devient un pur défi !
Une forte pression mildiou
Pour le pinot noir, c’est surtout cette maladie qui est crainte et présente alors que le chardonnay est atteint de façon plus équilibrée par le mildiou comme par l’oïdium. Les vignerons, de plus en plus nombreux en Bourgogne, qui sont certifiés Bio ou en conversion et privilégient les produits de contact, sont obligés de traiter de nombreuses fois, les produits étant lessivés par les pluies à répétition qui augmentent elles-mêmes la pression maladie. Aujourd’hui, le dernier bulletin de la chambre d’agriculture datant du 4 juin, indique 90% des parcelles suivies atteintes par le mildiou. Rappelons que l’approche contre ce fléau, en Bio comme en conventionnelle, est essentiellement préventive ; une fois les dégâts constatés, ils ne peuvent qu’être limités mais pas supprimés.
Quelle projection pour la récolte 2024 ?
Pas de certitude, certes, mais il paraît difficile d’envisager de faire le plein en 2024. Viser au moins deux tiers d’une récolte complète semble plus raisonnable. Outre le gel, la grêle et les maladies, le froid a aussi provoqué des filages importants, c’est-à-dire des inflorescences (futures grappes) parties en vrilles. Cela parce que, quand la vigne subit un stress lié au froid, elle privilégie toujours sa pérennité à sa fructification. A ce jour, la fleur pointe doucement son nez dans les vignes de Bourgogne avec une grande disparité observée, y compris au sein des mêmes parcelles. Si elle s’étale dans le temps et si les températures, après l’éphémère chaleur de ces jours-ci, redescendent au-dessous de 15°, de nombreuses fécondations ne pourront avoir lieu, le risque de coulures sera accru comme celui de millerandages (tous petits grains).
Optimisme malgré tout
Si le travail à la vigne comme la floraison sont perturbées par les conditions météo, rappelons qu’au départ, la Bourgogne est partie avec un beau potentiel de récolte grâce aux bonnes conditions de floraison de 2023. Cette condition préalable à de belles vendanges réduit l’impact des pertes probables. L’espoir réside aujourd’hui dans un ciel lumineux et assurément printanier.
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