Samedi 21 Décembre 2024
Tanja et Klaus Heller les propriétaires du château Gasqui accompagnés de l'œnologue Louis Lienhart ©H.Fabre
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05.07.2024
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Longtemps dans l’escarcelle du groupe Fiat, le château Gasqui, au cœur du Var vert, est passé entre les mains d’un couple d’industriels allemands. Il l’a confié à un jeune œnologue passionné d’agroécologie qui offre une cure de jouvence au vignoble et aux vins.
Gasqui est blotti dans un vallon entre coteaux et forêts dans un triangle de nature, entre Gonfaron, Flassans et Le Luc dans le Var. Le château a été annoncé à la vente pendant plus de 10 ans. C’est finalement le couple Heller, Klaus ayant fait fortune dans le groupe industriel éponyme en Allemagne, et sa femme Tanja qui en a fait l’acquisition en 2022. « Nous rêvions d’un vignoble depuis 30 ans et nous avions d’abord pensé à l’Afrique du Sud où nous avions passé notre voyage de noces mais c’était trop loin, avoue Klaus Heller. Je venais déjà en Provence il y a 40 ans avec mes parents. J’aime cette région, le soleil, l’art de vivre et quand je n’ai plus été actif dans le groupe – je suis juste resté au conseil d’administration, je me suis dit que c’était peut-être le moment de transformer le rêve en réalité. Quand nous sommes venus visiter le domaine, nous avons su que nous avions trouvé le paradis ».
Le vignoble était conduit depuis 15 ans en biodynamie (certifiée Demeter) par François Miglio, l’un des pionniers du bio dans le Var et qui s´est occupé pendant près de trois décennies du domaine de François Fiat (ex-patron des enseignes Franprix). Le vignoble de 27 hectares, 19 en Côtes-de-Provence et 8 en IGP des Maures, accuse de nombreux manquants. Les Heller embauchent comme directeur commercial Christophe Taberner (qui vient de la Garnaude, également à Gonfaron) et le jeune œnologue Louis Lienhart à qui ils donnent carte blanche pour restructurer la propriété. Il entreprend de régénérer le vignoble en douceur, de préférence en greffant sur place notamment en sélection massale. Sur les 27 hectares, 6 sont arrachés et laissés en jachère. Les chutes d’arbres de la forêt sont conservées pour le bois de chauffage et pour faire du compost. « L’avantage est que les ouvriers agricoles travaillaient déjà en biodynamie, il n’y avait plus à convaincre. Je me suis donc penché sur la biodiversité des paysages avec des haies de cornouillers, de fruitiers comme des poiriers et des amandiers, des arbres trognes en complément des 200 oliviers ». Louis réfléchit à des rétentions d’eau et à l’agroforesterie après des échanges avec Stefan Reinig et Séverine Cachod dans le cadre de l’association varoise Les Résilients qui promeut des pratiques agro-écologiques plus durables. Il envisage aussi de créer une bergerie à l’année pour accueillir vaches et moutons. Une bergère passe déjà depuis 7 ans dans les vignes l’hiver de Noël à mars. Il confie 10 hectares de friches à un céréalier bio qui cultive de l’orge pour lui mais également pour fournir des semences pour l’enherbement en engrais verts du vignoble. « L’objectif est d’amplifier la biodynamie avec l’agroecologie, des moutons et des chevaux et revenir à l’esprit d’une ferme en osmose avec son environnement puisque nous sommes en zone Natura 2000 à partir du lac de Bonne Cougne ».
Les Heller attendent aussi une évolution de style pour les vins, travaillés auparavant sur les extractions, les raisins en surmaturité et les longs élevages en bois. Louis va s’employer à élaborer des vins moins sur la puissance, plus frais et digestes. Gasqui produit environ 800 hl par an en moyenne, un millier prévu en vitesse de croisière quand le vignoble sera régénéré. Les rosés représentent 60% de la production, les rouges 30%, les blancs 10%. Klaus préfère les blancs et les rosés, Tanja a un faible pour les rouges. Louis a signé son premier millésime en 2023 avec deux gammes certifiées AB, Demeter et Vegan, vinifiées en levures indigènes, Citius en cuves, Tardius encore dans le nouveau chai d’élevage qui s’est enrichi d’une vingtaine de foudres. Les noms de cuvées font écho à la devise olympique depuis 1894 imaginée par le prêtre dominicain Henri Didon, ami de Pierre de Coubertin : « Citius, Altius, Fortius », plus vite, plus haut, plus fort. À charge désormais du directeur de « recréer un réseau de commercialisation en CHR, chez les cavistes et de redémarrer à l’export, rappelle Christophe Taberner. Car avant, tout était vendu dans les magasins Franprix ». Quatre grands appartements avec vue sur vignes, pour 2 à 6 personnes, ont par ailleurs été restaurés dans une ancienne bâtisse provençale en pierre sèches au bout de la propriété. Ils viennent d’être ouverts à la location en ce début d’été pour un véritable dépaysement au cœur du Var vert.
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