Accueil Ruinart 1926 : le dernier clin d’œil de Paul Bocuse

Ruinart 1926 : le dernier clin d’œil de Paul Bocuse

Auteur

Yves
Tesson

Date

27.02.2023

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Décédé en 2018, Monsieur Paul formé chez la mère Brazier est resté le maître à penser des bouchons lyonnais, mais c’est avec quelques vieux bouchons champenois, des flacons millésimés 1926 de la Maison Ruinart, qu’il nous éblouit encore aujourd’hui depuis l’au-delà… 

La découverte est sensationnelle. Imaginez un peu le graal pour la plus ancienne Maison de Champagne qui s’apprête à célébrer ses 300 ans en 2029 : une série de flacons millésimés 1926 conservés par Paul Bocuse lui-même qui adorait collectionner les cuvées de son année de naissance. Cerise sur le gâteau, elles portent la mention « Bi-centenary», la marque Ruinart célébrant à l’époque ses 200 ans… De quoi enrichir l’œnothèque de la Maison qui ne possédait plus de millésimes aussi anciens, les Allemands ayant pillé l’essentiel de la cave pendant la Seconde Guerre mondiale.

© Romain Guittet

On doit cette jolie découverte à Maxime Valery, le nouveau chef sommelier du restaurant de Paul Bocuse à Lyon, alors qu’il procédait à un nettoyage en profondeur des caves. Eparpillés dans différents casiers, les 18 flacons reposaient sous une couche de poussière. L’établissement en a conservé quelques spécimens et cédé la majorité à la Maison Ruinart, dont le chef de caves, Frédéric Panaïotis, a fait spécialement le déplacement dans la capitale des Gaules pour déguster la sainte relique. Verdict ? «Un vin corsé, ayant de la chaleur. Très blanc. Doit faire un vin anglais parfait. Le vin n’a pas été trop altéré par l’oxygène avec le temps. Il conserve encore des arômes de fruits mûrs, d’abricot, de citrons confits, d’oranges confites. C’est remarquable. » Il est vrai que l’on ne pouvait rêver meilleures conditions de conservation, alors que les vieux millésimes passent souvent de main en main, sans que l’on dispose d’une traçabilité très exacte.

© Matthieu Bonnevie

Ruinart fait partie de ces rares maisons rémoises à posséder un fonds d’archives très complet. Elle a pu retrouver la description de l’année donnée par les carnets de caves. « En 1926, la température devait donner un bon vin. Août a été beau mais la fleur s’est faite tard : le raisin a mûri sous le soleil d’octobre. Toutes les maladies possibles la vigne les a eues : mais la vendange était belle étant donné la sécheresse. » Quant au commentaire de dégustation de Maurice Hazart, le chef de caves de l’époque, il est tout aussi précis : « les vins sont assez élégants, pas très corsés. On pourra peut-être parler de 1926 comme étant de bons vins mais pas de grands vins : ce n’est pas 1911 ni 1921 mais c’est au moins des 1923 ». On le croit sur parole, en attendant, qui sait, de retrouver ces trois autres millésimes dans le recoin d'une cave de quelque vieux restaurant gatronomique et de procéder à une jolie verticale à laquelle participeront d'heureux spécialistes… Le commun des mortels, lui, se consolera en contemplant la magnifique étiquette et ses mentions si joliment désuètes : « Carte anglaise » sans oublier la ville de Reims orthographiée à l’ancienne « Rheims ».

© Romain Guittet
© Romain Guittet