Mercredi 15 Janvier 2025
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15.05.2013
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Dans une ambiance électrique, les vignerons ont adopté le nouveau dispositif dédié à l’AOC Saint-Émilion Grand Cru, malgré quelques questions.
Les mesures destinées à garantir la qualité de l’appellation Saint-Emilion Grand Cru ont été largement discutées et finalement approuvées hier matin. Mais un sujet non inscrit à l’ordre du jour s’est aussi invité à l’assemblée générale du Conseil des vins de Saint-Émilion.
Le Classement et les recours déposés depuis sa publication en septembre 2012 étaient forcément présents dans tous les esprits hier matin. En prélude à la partition, le président Jean-François Quenin a d’ailleurs soumis au vote la présence d’un huissier, « pour la sérénité des débats et en assurer la retranscription ». Une proposition adoptée à l’unanimité.
« Le Conseil n’a pas de commentaire à faire à l’heure actuelle. La Justice doit faire son travail », a assuré Jean-François Quenin, qui a plaidé, au nom du Conseil, pour le maintien du Classement. « C’est un bien collectif qui bénéficie à tous, classés ou non. S’il venait à disparaître, nos recettes se trouveraient amputées de 170 000 euros et cela entraînerait une révision drastique de nos actions… »
Une grande famille
Le président n’a pas hésité à jouer la carte sentimentale comparant Saint-Émilion à une grande famille. « On en voit certaines se déchirer par passion, d’autres traversent ensemble les épreuves. J’espère que Saint-Émilion ressemble à cette seconde catégorie et que le balancier penche du bon côté. »
Un des trois viticulteurs ayant porté plainte contre X pour prise illégale d’intérêts, Pierre Carle, propriétaire de Croque-Michotte, évincé du Classement, s’est contenté, dans un premier temps, de réagir sur le dispositif Grand Cru proposé au vote. « Je suis favorable à la défense de l’AOC Grand Cru mais je refuse le procédé. Si vous voulez ces mesures, il faut modifier le cahier des charges. »
Soutenu par des applaudissements et par sa fille, Lucille, « on a modifié deux fois le cahier des charges en 2011, pourquoi pas en 2013 ? » D’après le directeur du Conseil des vins Franck Binard, l’Inao a indiqué qu’un tel changement n’était pas indispensable et que les mesures proposées pouvaient ainsi être intégrées au plan d’inspection de l’appellation.
Plusieurs viticulteurs dont Hubert Boidron (château Corbin-Michotte), Pierre Carle à nouveau, et Chantal Sclafer (château Maine Reynaud), ont successivement dénoncé « le chèque en blanc et l’usine à gaz » de ce dispositif, peu convaincus par les échantillons de calage, les contrôles systématiques, l’aptitude de vieillissement après cinq ans et sceptiques quant au processus décisionnel. « On nous dit que ce sont les commissions Grand Cru et technique, et le Conseil d’administration qui définiront plus tard les modalités et détails d’application. On veut bien vous faire confiance mais on y est obligés », a commenté Chantal Sclafer.
Prendre ses responsabilités
Le président de la commission Grand Cru Jacques Bertrand, comme Jean-François Quenin, a rappelé la concertation de ces deux dernières années ayant débouché sur le projet, avec notamment de nombreuses réunions communales et tables rondes. Alain Naulet vice-président du Conseil des vins, a clairement posé la question : « Qui craint d’être contrôlé ? Cette réforme c’est 100 % de contrôle alors qu’il n’y en avait que 50 % jusqu’ici. Il faut prendre ses responsabilités. » Un passage obligé selon eux pour réduire le taux de non-conformité sur les rendus-mises et garantir la promesse de qualité de la mention Grand Cru.
Les échanges ont finalement abouti sur le vote du nouveau dispositif Grand Cru par la majorité des viticulteurs présents, bien que le quorum n’ait pas été atteint hier matin. C’est après la présentation des candidats aux postes d’administrateurs à pourvoir que la réunion a sensiblement dérapé. Reprenant la parole, Pierre Carle a demandé aux candidats de se positionner sur les critères d’évaluation du Classement.
« La famille j’y tiens, mais je ne conçois pas une famille où un de ses membres se fait assassiner sans qu’elle ne le soutienne. » Cette dernière intervention a provoqué de vives réactions dans l’assemblée et le départ de plusieurs vignerons, visiblement irrités par cette récupération coupée court par la conclusion de Jean-François Quenin. « Cette assemblée n’est pas une tribune pour le Classement. »
Sylvain Petitjean
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