Dimanche 22 Décembre 2024
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14.01.2013
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Annoncé en septembre dernier et officialisé en novembre par le ministère de l’agriculture, le nouveau classement des grands crus de Saint-Émilion est à nouveau en péril : au moins trois châteaux évincés ont saisi la justice pour le faire invalider.
A Saint-Émilion, l’histoire semble destinée à se répéter, telle une mauvaise blague. Nous l’annoncions sur notre site dès septembre dernier, quelques heures seulement après la promulgation par l’INAO du nouveau classement des grands crus de l’appellation : plusieurs châteaux écartés ou oubliés du classement contestaient sa validité, pointant du doigt un manque de transparence et divers vices de procédure dans l’évaluation des propriétés.
En tête des contestataires, le Château Croque-Michotte, Grand Cru Classé jusqu’en 1996 et déjà à l’origine de l’annulation du classement 2006 : en septembre, son co-propriétaire, Pierre Carle, nous énumérait la liste – non exhaustive – des griefs envers la procédure de classement, annonçant son intention de ne pas en rester là.
Malgré tout, le classement a été officialisé début novembre par le ministère de l’agriculture, et tout le monde a cru (ou semblé croire) que le cauchemar de 2006 ne serait plus qu’un mauvais souvenir… Mais, les opposants au classement avaient jusqu’au 7 janvier 2013 pour porter réclamation devant la justice.
Dernière extrémité
Contactée par la rédaction de « Terre de Vins », l’équipe du Château Croque-Michotte a confirmé avoir déposé un recours fin décembre devant le tribunal administratif de Bordeaux – une information corroborée par le greffe sous l’intitulé « demande d’annulation de l’arrêté interministériel du 29 octobre 2012 portant homologation du classement des crus de l’appellation d’origine contrôlée Saint-Émilion grand cru ». Lucile Carle, fille de Pierre Carle, s’est chargée du dossier : « tout était prêt, puisque nous avons remis à la justice pratiquement les mêmes éléments que ceux que nous avions déjà adressés à la commission (INAO et Conseil des Vins de Saint-Émilion) pour leur démontrer leurs erreurs. Excepté qu’entre-temps, nous avons continué à découvrir des problèmes de fond et de forme dans le classement. »
Pour Croque-Michotte, ce recours à la justice est une extrémité à laquelle ils auraient souhaité échapper : « dès le mois de juin et les premiers dossiers, nous avions interpellé la commission sur toutes les incohérences de la procédure, et nous l’avons refait après l’annonce du classement. Nous voulions vraiment que les choses soient remises à plat avant la signature du ministre, pour faire réviser le classement et non l’annuler : nous souhaitions une rectification des erreurs dans la grille d’évaluation mise en place par Veritas, notamment nous concernant (ces rectifications nous auraient donné plus de 14 de moyenne), tout en réclamant un réexamen complet des lacunes techniques et juridiques soulevées, en prévision du prochain classement… Mais nous n’avons jamais eu de réponse ni d’information précise, nos interlocuteurs n’ont cessé de faire la sourde oreille. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous en remettre à la justice. Nous sommes conscients de la déflagration que cela pourrait provoquer, des préjudices pour l’appellation et les autres propriétaires, mais nous n’avons pas le choix. »
Au moins trois châteaux portent plainte
Croque-Michotte n’est pas le seul château à avoir porté recours devant le tribunal administratif de Bordeaux : « nous sommes avec deux autres châteaux, Corbin-Michotte et La Tour du Pin Figeac, souligne Lucile Carle. Nous avons préféré faire un dépôt séparément pour avoir plus de poids, mais nous allons mutualiser nos moyens car nous contestons les mêmes choses. » Les plaignants croient fermement en leurs chances, affirmant disposer de sérieux argument légaux pour faire invalider le classement : « nous avons même trouvé des procès verbaux dans lesquels certains propriétaires soulignaient, dès cet été, les défauts de la procédure et les risques éventuels d’annulation, précise Lucile Carle. Et en face, nous avons toujours la même opacité, les châteaux n’ont apparemment même pas été avertis de ces risques. Regardez les Chinois qui ont acheté Bellefont-Belcier : savaient-ils que le classement pouvait être menacé ? L’INAO et le Conseil des Vins ne peuvent pourtant pas faire semblant de découvrir les choses, d’autant que cette fois, ils ont semble-t-il prévu de gros moyens pour assurer leur défense… »
La suite des événements s’annonce donc longue, et ardue : pour Lucile Carle, confiante, un premier jugement pourrait être rendu « dans les six mois », mais entre un inévitable appel et une éventuelle saisie du Conseil d’Etat, « nous pourrions être partis pour au moins trois ans de procédure ». Du côté du Conseil des Vins de Saint-Émilion, le président Jean-François Quenin (Château de Pressac) préfère pour l’instant « s’abstenir de tout commentaire. Nous n’avons reçu aucun élément officiel du tribunal administratif, donc nous attendons avant de faire part de notre réaction ».
Nous n’avons pas fini de parler du feuilleton de Saint-Émilion.
Mathieu Doumenge
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