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Successions et « cocktailisation » aux Distilleries et domaines de Provence

Devanture des Distilleries & Domaines de Provence à Forcalquier

Le futur est déjà en marche du côté des Distilleries et domaines de Provence ©F.Hermine

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

01.11.2024

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La relève est assurée aux Distilleries et domaines de Provence, pilotées depuis le début des années 80 par Alain Robert. Le pdg de 75 ans vient de confier les rênes de l’entreprise de Forcalquier dans les Alpes-de-Haute-Provence à son fils Antoine, 35 ans. 

Après avoir fait ses classes dans la multinationale Reckitt Benckiser et dans l’entreprise de transports Class Car, Antoine Robert a rejoint l’entreprise de spiritueux en 2019 pour prendre en charge l’export, notamment les marchés Asie et Océanie. Il prend aujourd’hui la suite de son père qui a fait prospérer la petite entreprise de Forcalquier. En plus de trois décennies, l’ancienne distillerie de Lure, rachetée à Pernod Ricard en 1990 et rebaptisée Distilleries & domaines de Provence, est passée d’un chiffre d’affaires de moins de 10 millions de francs à plus de 10 millions d’euros, et de 17 salariés à 47 aujourd’hui. « Je n’ai pas donné de consigne pour la suite, assure Alain Robert, à part de rester une société provençale en Provence. » 

L'entreprise peut s'appuyer sur ses piliers : la maître-œnologue-liquoriste Hélène Rogeon qui a peaufiné la recette du célèbre pastis Henri Bardouin, produit phare de la maison ; Sébastien Stoppa, maître cueilleur ; Lucie Marenco, maître macérateur ; Yves Raffatelli, maître distillateur dans la maison depuis plus de quatre décennies, formé auprès de l’un des derniers bouilleurs de cru local, Jeanot Augier, aujourd’hui disparu. Il forme lui-même depuis trois ans un jeune œnologue, Hugo Gilli, arrivé de Suisse. 

Alain Robert, Sébastien Stoppa et Antoine Robert ©Frédérique Hermine

Henri Bardouin toujours emblématique

La plupart des cueillettes sont faites par les équipes de la maison qui misent sur les richesses locales. « Des plantes comme la sauge, le romarin, le thym sont ramassées dans la montagne de Lure, sur nos terres, précise Sébastien Stoppa. Elles sont gorgées en huiles essentielles et il en faut peu pour récupérer arômes et couleurs dans les distillats après macération et distillation. » Parmi les matières premières de base, seule l’artemisia (de la famille des armoises), interdite à la ramasse pour les professionnels, est cultivée chez des agriculteurs partenaires installés à 2000 m d’altitude. Elle entre dans la composition de l’absinthe, du génépi, mais également du pastis Henri Bardouin. 

Celui-ci ne nécessite pas moins de 65 plantes et épices dont une quarantaine ramassée sur place. Il représente les deux tiers du chiffre d’affaires de l’entreprise en France, 45 % dans le monde, en particulier dans les pays francophones et en Europe occidentale. 

« Ailleurs, il est plus difficile à vendre, reconnait Alain Robert. En Grèce et en Turquie, ils sont habitués à leurs propres anisés et en Asie par exemple, le goût ne plait pas et on lui préfère la liqueur d’absinthe Absente. Mais nous exportons dans 80 pays, car il est bu un peu partout dans le monde par les expatriés. »

La marque s’est offerte, il y a deux ans, une nouvelle référence Prestige à 45 % vol. à base de safran, vétiver, rose et poivre du Sichuan. La maison tente par ailleurs de promouvoir un cocktail « Le Méditerranéen » concocté par la bartender Jennifer Le Nochet à base de pastis (2 cl), rinquinquin (2 cl), sirop d’orgeat (1,5 cl) et jus de citron (2 cl) au shaker. « Nous essayons également de le pousser sur des plats orientaux comme les falafels, le houmous, les mezzés, la cuisine thaï », précise Antoine Robert.

Cap sur la mixologie

L’entreprise s’est dotée en 2018 de deux nouveaux alambics à plateaux et à col de cygne abrités dans un nouveau bâtiment ; ils ont remplacé le vieil alambic chauffé au bois caché dans une grange. La gamme comprend une quinzaine de références. « Une nouveauté nécessite un minimum de trois ans de R&D avec, comme pré-requis, qu’il soit bon, qu’il tienne dans le temps et qu’il soit rentable », précise Antoine Robert. « Nous cherchons à être modernes et inventifs tout en restant liés à nos racines. Il faut surprendre avec de nouveaux produits pour répondre à de nouveaux modes de consommation, aller davantage vers la mixologie. » 

C’est bien sûr moins valable pour Bardouin que pour le RinQuinQuin, fer de lance pour les cocktails, très apprécié en Grande-Bretagne pour élaborer des boissons moins alcoolisées (les ventes y ont été dopées par un cocktail à base de RinQuinQuin qui avait remporté le renommé concours de mixologie Bacardi Legacy). En la matière, le gin XII (12 plantes et épices) est en belle progression, tout comme la farigoule, liqueur ancestrale à base de thym local.

La gamme de produits estampillés Distilleries et domaines de Provence. ©F. Hermine

« Nous travaillons avec de nombreux barmen pour proposer des recettes de cocktails comme le rinquinquin-liqueur d’abricot-bourbon-jus de citron également imaginé par Jennifer Le Nochet. Mais on en invente aussi chez nous et on met en place des formations barmen à partir de notre gamme, surtout au Royaume-Uni, en Australie, à Singapour et Paris. » Localement en Provence et sur la Côte d’Azur, outre le pastis, ce sont les liqueurs de thym, vins d’orange et de noix, et la gentiane qui remportent les suffrages.