Lundi 31 Mars 2025
Franck Autard, directeur général d'Amorim France©Jonas Jacquel
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Date
28.03.2025
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La particularité du champagne est d’utiliser deux obturateurs au cours du process. L’un après le tirage qui servira tout au long de la seconde fermentation et du vieillissement sur lie, l’autre juste après l’évacuation des lies, que l’on appelle bouchon d’expédition. Le second est systématiquement en liège, le premier est le plus souvent une capsule métallique même si de plus en plus de maisons se tournent vers le liège également pour cette phase. Amorim a mis au point un bouchon spécialement dédié et organisé une dégustation jeudi dernier à Pressoria pour en démontrer la supériorité. Franck Autard, le directeur général d’Amorim, nous explique.
Les masterclass dispensées dans le cadre des « Amorim tours » visent à montrer tout ce que le liège peut amener de génial au vin. Nous avons beaucoup innové ces dernières années, mais finalement, nous racontons peu pourquoi et sur quelles bases scientifiques nous nous sommes fondés. Lorsque nous rendons visite à nos clients, notre démarche est en général très commerciale. Là, il s’agit de prendre le temps d’expliquer et de démontrer les choses par la dégustation. Nous avons donc invité 68 professionnels de la Champagne, dont beaucoup sont des chefs de caves issus des plus grandes maisons, pour déguster à l’aveugle des cuvées identiques tirées sur liège et sur capsule. En collaboration avec Frédéric Brochet, docteur en œnologie, nous avons monté une application qui permet de poser à chacun en même temps des questions entonnoirs, pour savoir au final laquelle des deux versions ils ont préférée. Le résultat est bluffant, dans 100 % des cas, nos invités placent le liège en première position. En parallèle, nous mettons en relation ce qu’ils ont perçu avec ce que nous révèlent les analyses de chimie fine.
On s’aperçoit que la bulle est beaucoup plus fine. Les champagnes de longue garde mettent aussi moins de temps à s’ouvrir et sont plus immédiatement prêts à être dégustés. Ils ont davantage d’amplitude, cela accélère aussi l’apparition des arômes secondaires. Un peu comme pour un vieillissement sous bois, il y a un largage de tanins, qui participe à une meilleure conservation de la fraîcheur tout en apportant parfois des notes légèrement vanillées. Enfin, comme on a moins de réduction, on a aussi moins d’amertume.
Nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant on mesure la différence entre liège technique (aggloméré) et liège naturel et elle est flagrante.
En effet, nos bouchons de tirage sont dotés des rondelles en liège non aggloméré, pour la partie qui est en contact avec le vin. Elles sont analysées à l’aide de notre procédé NDtech qui permet de garantir l’absence de TCA. Le contrôle est même renforcé grâce au sniffing individuel réalisé par nos équipes spécialement entraînées. Seul le manche est en liège aggloméré. Comme il s’agit de la partie qui assure l’étanchéité, et que la pression avant le dégorgement est plus importante, nous avons renforcé sa densité pour qu’il puisse résister à des pressions allant jusqu’à 14 bars, ce qui passe notamment par une compression au moulage.
Sur les bouchons techniques, on obtient des vins plus réduits. Ils amènent aussi à la dégustation des biais organoleptiques, à cause de l’utilisation comme liant de microsphères (plastiques). Nous arrivons d’ailleurs à le corroborer par la chimie fine en analysant les éléments que l’on retrouve dans le vin au bout de 18 à 24 mois. C’est ce qui donne ce goût de chlorophylle, assez caractéristique. Au contraire, la supériorité de notre bouchon de tirage sur les autres bouchons 100 % techniques proposés sur le marché, c’est vraiment cette partie de liège plein au contact du vin.
Si certains de nos concurrents les utilisent, c’est parce qu’ils ont choisi de partir sur une granulométrie de liège beaucoup plus fine, tant et si bien qu’ils perdent les qualités physico mécaniques du liège, c’est-à-dire cette élasticité qui fait du liège le meilleur obturateur au monde. Pour compenser, ils sont donc obligés d’incorporer des microsphères. Pour notre part, dans nos bouchons techniques, nous utilisons un maximum de liège avec une granulométrie plus importante et un minimum de liant, ce qui nous permet de nous passer des microsphères et d’utiliser dans certains cas à la place des polyols d’origine végétale. Nos particules de liège sont traitées par la technique du CO2 super critique, que nous n’avons pas inventée et qui est tombée depuis quelques années dans le domaine public. Nous l’avons toutefois améliorée en la rendant plus respectueuse de l’environnement. Nous avons en effet réussi à créer des unités de production beaucoup plus petites, où les cycles de traitement ont été raccourcis de quatre heures, ce qui les rend 75 % moins énergivores tout en réduisant de 90 % les émissions de CO2.
Les bonnes années, sur 300 millions de cols que produit la Champagne, nous fournissons 70 millions de bouchons, ce qui fait de nous le deuxième opérateur. Après, au niveau mondial, nous sommes le leader avec 6 milliards et demi de bouchons commercialisés chaque année.
Nous nous y intéressons, mais pour l’instant ce n’est pas encore au point. Mais déjà à 24 mois, si on se fie aux dégustations à l’aveugle, l’avantage est au tirage liège avec des notes de fruit et de fleurs plus intenses.
Pas nécessairement. Certes le bouchon se cheville et la partie au contact du vin a tendance à se rétrécir, mais ce n’est pas elle qui assure l’étanchéité, c’est la partie haute qui elle bouge beaucoup moins.
Un obstacle technique demeure : celui de la mécanisation du débouchage juste avant le dégorgement, alors qu’elle est beaucoup plus facile avec des capsules.
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