Un joli Coing de muscadet

Chez les Günther Chéreau, mère et fille, on s’est battu pour être vigneronne. Véronique et Aurore au Château du Coing défendent désormais une plus grande diversité de muscadet, y compris de garde.

« Nous avons un cépage unique au monde avec lequel nous avons voulu travailler autrement ». Aurore, les yeux et le sourire pétillants, est venue présenter ses melons de bourgogne à Paris, au Bistrot du Sommelier de Philippe Faure-Brac. Il n’est pas facile à promouvoir, ce cépage qui fait référence à la forme arrondie de ses feuilles et à l’origine de ses greffons, après le gel de 1709 en Loire-Atlantique ; l’image de l’appellation Muscadet a aussi souffert ces dernières années, après un autre gel en 1991, et par des écarts qualitatifs durant les années 90. Mais à cette époque, Aurore n’avait pas encore passé, loin s’en faut, son DNO à Dijon, ni choisi des études « dans un vignoble de vignerons, là où l’on fait de grands vins blancs. Car pour apprendre en Pays de Loire, ça n’est pas simple. La vinification se transmet plutôt par la communication orale à l’échelle d’un village, ou par la famille ».

Pas de place pour les filles

Aurore vient pourtant d’une famille de courtiers-négociants-producteurs, les Chéreau-Carré (notamment propriétaire du Château de Chasseloir), mais sur les bords de la Maine, les Chéreau père, fils et petit-fils ne font pas de place aux filles. Véronique, la mère d’Aurore, a donc fait des études de pharmacienne avant que son père ne lui abandonne quelques grappes en 1989 « pour l’occuper » et vendre son vin, avant de l’écarter brutalement de l’entreprise familiale en 2003. Elle s’est donc débrouillée seule en réclamant sa part de vignes, les 45 ha du Château du Coing, du nom de ce coin (auquel a été rajouté un g sur le tard) au confluent entre la Sèvre et la Maine. Elle a loué puis acheté d’autres parcelles, construit un site de vinification. Sont venus s’ajouter au Coing les 20 ha du Château de la Gravelle et les 10 ha du Grand Fief de la Cormeraie, tous les deux travaillés en bio. « Pour les 45 ha du Coing, on ne peut faire que du conventionnel, regrette Aurore. Le vignoble est très vallonné et la forte érosion ne permet pas de labourer les vignes. On arrive directement sur la roche ».

Un élevage sur lie unique au monde

Aurore a rejoint sa mère il y a 5 ans au sein de VGC (Véronique Günther Chéreau). En charge plutôt du marketing et de la vinification, en pleine complicité avec le maître de chai Rodolphe Meillerais, elle renouvelle la gamme et le style des vins, d’un côté des primeurs et des vins à petits prix aux noms féminins comme les Petits Jupons ou Folie Blanche en Gros Plant, de l’autre des cuvées plus haut de gamme. « Le muscadet est souvent résumé à un petit blanc sec à boire rapidement, déplore la dynamique jeune femme. Mais grâce à l’élevage sur lie, il peut donner des vins de garde ». Et de rappeler que le Muscadet Sèvre & Maine est la seule appellation au monde à mentionner cet élevage dans son cahier des charges, de 6 mois à un an pour le « sur lie », 2 ans minimum pour les communaux. Aurore (photo ci-dessous) laisse même certaines cuvées 3-4 ans sur lies (L’Ancestrale 2010 a été mis en bouteille en juin 2014, La Gravelle 2012 en juin 2015). « J’aime être à la cave, déguster avec notre maître de chai, essayer des nouvelles cuvées ». Telles les Perles Fines du Coing, un melon de Bourgogne brut en méthode ancestrale, ou l’Audace 2014 vendangée tardivement après un passerillage sur pied. Aurore s’est également lancé un nouveau challenge, celui de l’oenotourisme en ouvrant la cave 7 jours sur 7 l’été avec restauration les mardis et jeudis, en accueillant à Saint Fiacre des expositions de peintures, les escales des bateaux sur la Maine, des marchés de producteurs locaux, « plutôt des jeunes qui se lancent ». Question de solidarité entre combattants.

Notre sélection :

Perles Fines du Coing : 100% melon de Bourgogne en méthode traditionnelle. Arômes d’agrumes, fruits blancs et brioche sur bulles vives et délicates. Dosé a 4, 8g/l. (10€)
Château du Coing 2012 Muscadet Sèvre & Maine sur lie : Des vignes de 75 ans. Élevé un an sur lie (mise d’hiver). Arômes de fleurs blanches et fruits blancs (poire), rond et citronné sur une pointe mentholée (12€)

L’Ancestrale 2010 Muscadet Sèvre & Maine Monnières-Saint Fiacre : Arômes de fruits de la passion et citrons confits sur un minéral beurré, légèrement mentholé. Cuvée très élégante et longue en bouche. (11€)

Comte de Saint Hubert Vieilles Vignes 2010 Muscadet Sèvre & Maine sur lie : Un millésime solaire sur des fleurs et fruits blancs, d’une belle minéralité sur une pointe fumée (2000 est encore d’une grande fraîcheur). Une collection de millésimes au Château (10€)

Château de La Gravelle 2012 Muscdet Sèvre & Maine Gorges (bio) : Des arômes de fruits à chair blanche et agrumes très mûrs, minéral et tendu, de la structure sur des notes fraîches et légèrement pétrolées. (11€)

Audace 2014 Vin de France : Des raisins de melon de Bourgogne récoltés à la main en surmaturité. Des notes compotées et mentholées, des arômes de mirabelle, coing, pommes tapées et gentiane. (11€ les 50 cl).