Jeudi 19 Décembre 2024
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12.09.2023
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Après une première semaine où les vendangeurs ont dû subir une chaleur torride, la deuxième semaine s’annonce plus humide laissant planer le danger du développement soudain de la pourriture, en particulier dans les noirs. Mais pour l’heure, la qualité ne semble pas menacée, et si les degrés sont parfois faibles, l’aromatique est magnifique.
En Champagne, les vendanges se poursuivent. La première semaine a été marquée par de fortes chaleurs, avec un pic enregistré à 35 degrés, rendant le travail des 120.000 vendangeurs mobilisés ardu. On déplore quatre décès la semaine dernière parmi les cueilleurs. Si le parquet de Châlons a ouvert plusieurs enquêtes, on n’a cependant pas encore établi un lien direct avec les conditions climatiques. Alice Tétienne, la cheffe de caves de la Maison Henriot, nous confirme la pénibilité particulière du travail cette année. « Sans couper, le simple fait de marcher dans les vignes pour faire mes tournées de parcelles, était déjà harassant, j’imagine donc l’épreuve pour les vendangeurs qui portent des caisses, poussent des brouettes et font un effort physique. Je suis contente que nous n’ayons débuté pour notre part la vendange qu’hier, même si le motif était d’abord celui de la maturité. Nous n’avons eu qu’une seule journée de chaleur. Nous faisons tout pour soulager les saisonniers, en leur fournissant des chapeaux et de l’eau en abondance tout en veillant à ce qu’elle reste toujours fraîche. Nous sommes sans arrêt derrière eux pour s’assurer qu’ils s’hydratent. Enfin, nous travaillons plus tôt, pour bénéficier des heures où la température est acceptable. L’appel est à 6 h 30, dès les premières lueurs du jour, pour qu’à 6 h 45 contre 7h15 habituellement, nous soyons dans les parcelles. Ce sont des demi-heures précieuses… »
La qualité exceptionnelle du chardonnay se confirme. Chez A.R. Lenoble qui cultive notamment des vignes à Chouilly, Antoine Malassagne nous confie : « Nous n’avons pas de pourri. Les degrés se situent entre 10 et 10,8 et les acidités se tiennent bien ». Pour les pinots noirs aussi les résultats sont très satisfaisants, même si les chaleurs de la semaine dernière ont commencé à flétrir un peu les grappes. « A Bisseuil, ils sont magnifiques. J’ai même fait un rouge où le niveau de sucre était à 12,2 g. En revanche, les raisins commencent à se dessécher et il ne faut plus tarder. » Le cépage le plus problématique reste le meunier, plus fragile et très sensible à la pourriture. Alice Tétienne explique : « On a le cocktail idéal pour le développement du botrytis. Les contaminations ont démarré à la mi-août. Elles sont un peu partout. Avec la succession des chaleurs de la semaine dernière et des pluies de cette semaine, les conditions sont idéales pour qu’elles explosent. Parfois, c’est la surprise, on a l’impression qu’une grappe est jolie, on la coupe à cœur et en l’ouvrant on découvre un foyer à l’intérieur. » La charge importante permet heureusement de trier sans complexe. On observe enfin quelques secteurs touchés par les piqures de la mouche drosophile.
Les différentes manières dont les vignes ont été conduites jouent un rôle crucial. Alice Tétienne raconte : « Nous travaillons sur un cru avec deux soeurs vigneronnes qui se sont partagées toutes leurs parcelles en deux. La première, pour éviter une suralimentation en azote favorable à la pourriture a choisi d’enherber pour créer une concurrence. Elle a pris aussi le parti d’effeuiller. La seconde a désherbé mécaniquement et n’a pas effeuillé. Sur les vignes enherbées et effeuillées, on ne trouve aucune trace de pourriture, sur les vignes désherbées et non effeuillées, quelques foyers sont présents. En revanche, si les profils de jus ne se ressemblent pas, ils sont tous les deux intéressants et utiles, l’un étant plus expressif, l’autre plus vif. » Même constat chez Cédric Moussé dans la vallée de la Marne. « Sur notre domaine, nous cultivons 85 % de meunier. J’ai la chance d’avoir une équipe à l’heure qui trie et une chambre froide avec une soufflerie qui évite que le raisin ne parte en fermentation et ne s’oxyde. Je m’aperçois aussi que la viticulture bio qui recourt au cuivre et à la silice (3ème année de conversion) a endurci les pellicules de nos baies. La différence avec les parcelles en viticulture conventionnelle est à couper au couteau ! Lorsque l’on goûte les baies, c’est croquant, ce n’est pas mou et en dessication. »
S’il est un regret souvent partagé par les vignerons et les maisons, c’est celui de ne pas avoir osé faire des vendanges en vert pour favoriser la concentration et davantage de degrés. Alice Tétienne souligne : « Il s’agit d’une culture peu développée en Champagne parce que l’on a à l’esprit qu’une vendange en vert sert d’abord à favoriser la maturité phénolique. Or, chez nous, on ne la recherche pas. On observe donc effectivement que pour le pinot noir et le meunier, les degrés ne sont pas très élevés. Malgré tout, lorsque je regarde la maturité aromatique, je suis éblouie. Il y a du caractère, c’est beau, c’est fruité, c’est gourmand. Quelle chance extraordinaire d’avoir une aromatique pareille avec des rendements aussi élevés ! Si pour l’aromatique il n’y a donc pas de regret à avoir, il est vrai que pour les degrés, on sent que la vigne donne tout ce qu’elle peut mais est incapable d’aller plus loin. On a rentré quand même du 8,5 pour les meuniers, malgré une ascension impressionnante ces derniers jours. Pour la vendange en vert, on a peut-être raté le coche. Tous les indicateurs nous montraient qu’on pouvait se permettre d’en faire une : une belle montre, une floraison qui s’est bien déroulée, on a très vite vu qu’il y avait de la charge et que les grappes étaient grosses. On aurait pu être plus courageux. »
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